Le dernier rendez-vous Posté par emy.goldman le 20/08/2004 07:56:38
Petit essai de retour dans le monde de l'écriture après un an d'absence...
C'était notre dernier rendez-vous... Je ne le savais pas encore à cette époque-là, mais je n'allais plus jamais revoir Romain après ce jour. Ah, c'était la belle vie !!! J'avais 18 ans, on était en été et il faisait beau. Romain, avec qui je sortais depuis déjà 8 mois, m'avait invitée au Parc pour l'après-midi. Mon Dieu ce que je l'aimais !!! Je le trouvais si beau, avec sa mèche cachant une partie de ses yeux, son sourire enfantin, et son regard mystérieux...
Je l'avais rencontré devant un café, alors que j'essayais en vain d'ouvrir la porte avec un tas de paquets dans chaque main. Il m'avait aidée puis avait tenu à m'offrir un chocolat chaud. Nous avions alors passé l'après-midi à se raconter nos vies. Je m'en souviens comme d'hier. Il m'expliquait avec émotion qu'il était orphelin depuis ses 7 ans, et qu'il avait été élevé par une tante qui le détestait. Alors, à 15 ans, il était parti de Bretagne pour venir à Paris avec un ami. Il lui avait fallu trouver un travail, et il était devenu livreur de pizzas, non-déclaré à cause de son âge. Son patron avait été très gentil avec lui, et tout se passait bien. Un jour, il lui avait fait rencontrer un homme, Samuel Brewski, qui avait décidé de prendre Romain sous son aile, le considérant vite comme son fils adoptif. Après son travail, Romain allait chez Mr Brewski, et il y apprenait la musique et l'anglais. A 20 ans, il avait répondu à une annonce d'un groupe qui recherchait un bassiste, et il avait été choisi, laissant tomber la pizzaria au même moment. Quand je l'ai rencontré, il avait 22 ans, et il appartenait toujours au même groupe. Les "No man's land". Ca marchait bien pour eux.
A la fin de cet après-midi de confidences, Romain m'avait invitée à une répétition du groupe. J'y étais allée, rencontrant ainsi les 3 autres membres : Loïc, le chanteur-guitariste, Bruno le batteur, et Franck le clavier. Pendant la semaine qui avait suivi, Romain et moi nous voyions tous les jours, puis nous avions commencé à sortir ensemble.
Et ce jour de juillet, j'étais allée le rejoindre au Parc avec une bonne nouvelle à lui annoncer. J'étais enceinte, d'un mois et demi. Je l'avais d'abord dit à ma mère, qui voulait bien me soutenir si je le gardais, à condition que j'en parle à Romain avant de prendre une décision. Quand j'étais arrivée au point de rendez-vous, Romain était déjà là, assis dans l'herbe, avec une guitare dans les mains. Sur son visage, on pouvait lire de la préoccupation. Ca m'avait un peu inquiétée, mais ça le rendait encore plus beau. Je m'étais approchée de lui et l'avais embrassé. Après m'avoir rendu mon baiser, il m'avait dit : "Ma puce, il faut qu'on parle. " Pendant quelques secondes, ça m'avait affolée, je m'imaginais qu'il allait me quitter ; puis je m'étais vite reprise, en me disant que si ça avait été le cas, il ne m'aurait pas appelée "ma puce", mais par mon prénom. Puis, il avait ajouté : "Je vais partir en tournée pendant 2 semaines avec le groupe, mais à mon retour, je voudrais que tu acceptes de m'épouser. " La tête me tournait, et je ne savais plus quoi dire... Il m'avait alors regardée, et avait dit :
"-- Chérie, ça ne va pas ?
-- Romain, je suis enceinte.
--... Quoi ?
-- Je suis enceinte.
-- C'est une blague ?
-- Non Romain, depuis un mois et demi.
--... (son visage s'était tout à coup éclairé Mais c'est formidable !!! Absolument fantastique Chérie !!!
-- Vr-vraiment ? (j'étais au bord des larmes)
-- Mais bien sûr ! Tu ne te rends pas compte ! Tu portes un bout de nous en toi ! C'est merveilleux !!!... Rassure-moi, tu vas le garder ?
-- Oui, si tu es d'accord.
-- Plutôt deux fois qu'une !!! Laura, est-ce que tu veux bien m'épouser ?
-- Oui, plutôt deux fois qu'une !
-- Alors là !!! Je suis le plus heureux des hommes !!!"
Puis il m'avait serrée fort dans ses bras et on avait éclaté de rire. On avait passé le reste de l'après-midi à chercher des prénoms. Romain m'avait suppliée d'accepter Emilia si c'était une fille. C'était le prénom de sa mère. Et pour un garçon, nous avions longtemps hésité entre Mickael et Aymeric, pour finalement choisir Frederic. Nous avions aussi débattu pour choisir le parrain et la marraine. Puis, nous étions tombés d'accord pour Stéphanie, ma meilleure amie, et Loïc. A 21h30, ce fut à contre-coeur que nous nous étions séparés, mais il devait partir le soir-même pour la tournée.
Mais le bonheur fut de courte durée... Quand mon téléphone avait sonné trois jours après à 23h, j'avais pensé que c'était Romain qui m'appelait après un concert. Mais c'était le batteur du groupe, Bruno. Il pleurait et n'arrivait pas à parler. Il m'avait alors passé Loïc, qui pleurait aussi, et tenait des propos étranges :
"-- Projecteurs... Mort... Putain de salle et projecteur... Lyon... Tombé... Mort...
-- Loïc, je ne comprends pas... Qu'est-ce qu'il se passe ? (j'étais au bord de la panique)
-- Le projecteur est tombé, il est mort écrasé...
-- Mais qui est mort Loïc, qui ?
--... (il avait poussé un sanglot très sonore, puis s'était mis à hurler) ROMAIN !!!
--... QUOI ?
-- Laura... Laura... LAURA !!!
-- C'EST PAS VRAI LOÏC !!! ROMAIN NE PEUT PAS ÊTRE MORT !!!
-- Laura, pardonne-moi... La salle, pourrie... Voulait pas jouer, Romain insisté... Il est tombé le projo sur lui, tombé... Laura... LAURA !!!"
Puis, j'avais hurlé, et raccroché.
Maman était arrivée dans ma chambre... Elle m'avait prise dans ses bras, et je lui avais raconté en pleurant. Jamais je n'avais autant souffert.
Trois jours après, voyant que je refusais toujours de manger, ma mère était venue s'asseoir sur mon lit, dans lequel je restais 24h/24. Elle avait dit :
"-- Laura, il faut que tu manges.
--...
-- Au moins, un petit peu. Papa a fait un hachis-parmentier pour toi.
--...
--... Laura, si tu ne le fais pas pour toi ni pour ton père, fais-le au moins pour l'enfant que tu portes.
--...
-- (son ton était devenu plus sec) A moins que tu ne préfères tuer ce qu'il te reste de Romain !"
Je m'étais mise à pleurer et avais accepté de me nourrir. Ma mère avait fait exprès de me brusquer pour me faire réagir. Cet enfant devait vivre !
Quand j'ai accouché, un peu plus de 7 mois après, et que la sage-femme m'a demandé quel était le prénom du bébé, je lui ai répondu "Frederic-Romain". 51cm, 3. 825kg. Un beau bébé, en pleine forme.
Aujourd'hui, Frederic, tu as 16 ans et demi, et tu me demandes de te parler un peu plus de ton père, dont tu sais que tu portes le prénom. Mais pardonne-moi ma faiblesse, je ne suis pas capable de t'en parler. Voilà pourquoi je t'écris cette lettre. Comme tu le sais, je n'ai jamais oublié ton père, je l'aimerai toujours, et aucun homme n'a pu le remplacer dans notre vie.
Mon fils, quand tu auras trouvé et lu cette lettre en te réveillant, viens me rejoindre dans ma chambre. Si tu veux, on appellera ma mère, Loïc, Bruno, Franck, Stéphanie et Samuel Brewski, ils te parleront de ton père.
Re: Le dernier rendez-vous Posté par utopist le 20/08/2004 07:56:38
je n'oseré pas emettre une critique, je ne pense pas etre assez qualifié pour ca. Tout ce que je peux dire c'est que ce texte est beau et emouvant; on ne peut pas décrocher. J'AIME.
Re: Le dernier rendez-vous Posté par emy.goldman le 20/08/2004 07:56:38
encore et toujours merci, ça fait plaisir de vous faire lire mes rares textes, j'vais essayer d'en mettrre d'autres...
j'sais pas d'où je sors ces trucs mais un jour quelqu'un m'a dit qu'il y avait surement des raisons psychologiques ou je sais plus trop quoi... c'est peu-etre vrai... n'empeche, encore merci à tous, et j'vous laisse
bye Emy Goldman