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Interview virtuelle de Richard Phillips Feynman (1)
Posté par sparkplugloy le 12/11/2004 00:00:57
Richard Phillips Feynman, vous sembliez prédestiné à devenir scientifique.

En effet. Je suis né le 11 mai 1918 près de New York. J'ai grandi à Far Rockaway avec mes parents Lucille et Melville, et la famille de la soeur de mère, Pearl. Mes parents étaient originaires, l'un de Pologne par ses parents, l'autre de Biélorussie. Mon père était vendeur d'uniformes, et gagnait suffisamment sa vie pour me permettre une enfance tranquille et m'assurer un avenir. Mais lui ne faisait pas vraiment ce qu'il aurait aimé faire ; comme son père qui était arrivé aux Etats-Unis avant sa naissance, il se passionnait pour les sciences. Cette passion doit être génétique ! Avant ma naissance, il disait "Si c'est un garçon, ce sera un scientifique. "


Son voeu a semble-t-il été exhaucé au-delà de ses espérances. A-t-il forcé cet intérêt ?

Non. Il m'a simplement appris à penser. Quand j'étais bébé, il m'apprenait les suites logiques de manière ludique, ou il me lisait des articles de l'Encyclopedia Britannica en m'expliquant comment visualiser les données. Il m'a appris à toujours chercher à comprendre les choses, pas seulement à les connaître, en m'emmenant au musée, par exemple. J'ai ainsi appris à penser en images, à ne pas m'arrêter aux noms mais à chercher comment, pourquoi, etc. C'était toujours ludique, et apprendre était pour moi un jeu. Cette éducation m'a motivé à vie. Je jouais à apprendre, même seul. Je m'amusais à faire de l'électronique, par exemple, en construisant une petite alarme avec une cellule photoélectrique, en démontant et remontant des appareils. J'ai inventé des objets, comme une machine pour écosser les haricots. Ou, je réparais des machines pour éviter aux gens d'avoir recours aux services de professionnels. Un jour, alors qu'il m'avait amené une radio en panne, un homme m'a demandé ce que je faisais, je lui ai répondu "Je pense ! ". Comme j'ai vite trouvé le problème de sa radio et que j'ai pu la réparer, il a dit que je l'avais réparée par la pensée. Cette histoire a fait le tour du monde ; je l'ai relatée dans l'une de mes biographies.


Comment était l'étudiant Feynman ?

J'étais un bon élève. Comme j'aimais apprendre, je sympathisais avec mes professeurs et ceux de mon cousin, qui était un peu plus âgé que moi. Alors j'ai pris de l'avance. Il est est vrai que j'apprenais plus par moi-même qu'en cours. Mais j'inventais mes propres méthodes et j'en discutais avec mes professeurs. Je participais à des concours de mathématiques de New York. Je travaillais comme laborantin. Bref, je m'occupais.
Je me souviens particulièrement d'Abram Bader, mon professeur en dernière année de lycée. Un jour, il m'a dit : "Tu as l'air de t'ennuyer ; je veux te raconter quelque chose d'intéressant. " Et il m'a enseigné le principe de moindre action, il m'a prêté des livres pour apprendre le calcul intégral.


Et en dehors des cours et des laboratoires ?

J'étais un adolescent comme les autres. J'allais à des fêtes. Je sortais avec des filles. C'est d'ailleurs à cette époque que j'ai rencontré Arline, ma première femme.


Vous avez ensuite pu allé dans une grande université malgré les quota.

(A l'époque, il existait des quota pour limiter le nombre de personnes juives dans les universités. Ceux-ci ont été supprimés après la guerre.)
Oui, j'ai étudié au MIT et je me suis vraiment spécialisé dans la physique. Juste après le lycée, je suis allé en deuxième année de mathématiques pour ne pas m'ennuyer (NDA : il était quatre ans plus jeune que les autres étudiants) mais j'ai finalement préféré les sciences. Très vite, j'ai été en contact avec des scientifiques de la physique quantique, qui était très nouvelle à l'époque.
J'ai étudié beaucoup de matières différentes, comme la dilatation du quartz, la physique théorique, l'optique, la métallurgie. J'allais dans les cours qui m'intéressaient, même s'ils n'étaient pas pour les étudiants de mon année. Mais je n'étais pas le seul ; il y avait aussi un étudiant nommé Ted Welton. On échangeait nos connaissances. Pendant le deuxième semestre, on a été invité à des rencontres scientifiques avec un professeur. Celles-ci portaient sur la mécanique quantique. J'ai ainsi eu les crédits des quatre première année pour le Bachelor (= Master en France dans le nouveau système du LMD) à la fin de ma troisième année, mais comme je n'ai pas pu avoir le diplôme avec une année d'avance, j'en ai profité pour rédiger un mémoire et publier mes premiers articles scientifiques.

Après le Bachelor, je suis allé à Princeton. C'était en 1939 ; j'avais vingt et un ans. J'ai continué à progresser. J'ai eu la chance d'assister à des cours donnés par Albert Einstein. J'engageais des débats avec mes professeurs ; parfois je les piégeais. Je suis devenu l'assistant de John Wheeler, avec qui j'ai créé la théorie de l'action à distance entre particules chargées. En 1941, j'ai fait ma thèse de doctorat sur les Intégrales de chemin (*1) .


C'est à cette époque que la Guerre Mondiale a vraiment commencé aux Etats-Unis. Suite au courrier d'Einstein au Président Roosevelt, une mobilisation de scientifiques sans précédent à eu lieu à Los Alamos pour le Projet Manhattan, travailler sur la bombe atomique.

Oui, ce fut un tournant dans ma vie. J'ai pu fréquenter et discuter, travailler avec les meilleurs scientifiques : Bohr, Openheimmer, Fermi, von Neumann, et j'en passe. Je n'étais pas spécialiste de physique nucléaire, alors j'ai passé les premiers temps à lire et étudier. A cette époque, Arline était malade, alors nous correspondions. Mais je ne pouvais pas lui dire beaucoup sur ce que je faisais à Los Alamos, puisque c'était un projet secret. Le week-end, je lui rendais visite à Albuquerque. A Los Alamos, je m'amusais aussi à chercher les failles de sécurité, à ouvrir des coffres-forts. J'ai sympathisé avec Hans Bethe, et nous partagions nos idées.


Année 1945.

C'est une année charnière. Le 16 juin, ma femme est décédée, mais je savais que cela allait arriver puisqu'elle était malade depuis sept ans, et un mois plus tard très exactement, nous avons fait exploser la première bombe atomique. Pendant que certains faisaient la fête ou prenaient des mesures, je frappais sur une jeep pour libérer le stress que j'avais accumulé pendant les deux années précédentes, passées à travailler là. Nos deux autres bombes ont été lancées en Août, Little Boy sur Hiroshima et Fat Man sur Nagasaki. Au moment de Trinity, la première bombe, nous ne savions pas l'utilisation que notre travail aurait ensuite. Nous étions fiers, mais en voyant les dégâts causés par ces bombres, j'ai eu l'image d'une pareille explosion en plein coeur de New York. J'ai eu du mal à m'en remettre.


Et après la guerre ?

Hans Bethe m'a proposé d'enseigner à l'Université Cornell, New York. J'ai accepté.


Comment cela s'est-il passé ?

J'aime enseigner, et ce fut un vrai plaisir. Les étudiantes croyaient que j'étais un étudiant et ne me croyaient pas quand je leur disais que j'étais professeur ! Mais je ne progressais pas en dehors, dans mes recherches, ce qui était très frustrant.

(A suivre... )


Notes

*1 : Si vous voulez des informations complémentaires sur le principe de moindre action, les intégrales de chemin ou encore les diagrammes de Feynman, n'hésitez pas à me contacter.


Note bibliographique :

- Feynman, génie magicien, collection Les Génies de la Science/Pour la Science, #19, 2004
- Are You Kidding, Mister Feynman ?, R. Feynman, Odile Jacob, 2000
- What Do You Care What Other People Think, R. Feynman, Norton, 1988
- The Pleasure Of Finding Things Out, R. Feynman, Pinguin, 1999

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Re: Interview virtuelle de Richard Phillips Feynman (1)
Posté par la tartine-tue-mouches le 12/11/2004 17:15:36
Ca c'est le genre d'article que j'aime. Cet article traite d'une personalité connue des initiés aux sciences mais qui ne l'est pas forcément pour les autres personnes ne s'y intéressant pas...De + il n'y a pas de faute et ça fait plaisir (et c'est tellement rare!). Félicitations

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Re: Interview virtuelle de Richard Phillips Feynman (1)
Posté par cyrille999 le 13/11/2004 22:31:20
Richard Feyman: Tout un programme. Un super article... L'auteur a bien résumé un des derniers HS de "Pour la science", mais comme tout bon scientifique le cite...

Bravo !!!

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