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Le visiteur
Posté par slifil le 13/12/2004 00:00:56
" Maman, y'a quelqu'un pour toi à la porte !

- C'est qui ?

- Connais pas ! "

L'adolescente retourna s'affaler dans le canapé tandis qu'une femme âgée d'une quarantaine d'années descendait tranquillement l'escalier. L'homme qui l'attendait devant la porte était plus jeune qu'elle, et, à en juger d'après les chamailleries qui provenaient de sa voiture, il était père de deux enfants. Un petite tête blonde venait d'ailleurs de surgir de la fenêtre grandes ouverte de la voiture et de crier : " Papa, Carolina elle veut pas me donner son lapin !

- Non, c'est pas vrai ! S'exclama la dénommée Carolina du siège à côté. C'est Paulo qu'a commencé, il m'a piqué ma poupée Chloé ! "

Déconcerté, le jeune homme sourit avec embarras :

" Bonjour madame, excusez-moi un instant, je vais chercher mes deux petits monstres, si ça ne vous ennuie pas.

-Bonjour. Faîtes donc, je vous en prie. "

Il retourna donc à la voiture qu'il déverrouilla avant d'ouvrir la porte arrière. Aussitôt, Paulo sauta dehors et commença à courir autour du véhicule en clamant : " tu m'attraperas pas, tu m'attraperas pas ! ".

Carolina se mit à geindre : " Mais, t'es pas gentil, rend-moi Chloé ! Papa, dis à Paulo de me rendre Chloé ! Je veux Chloé ! "

Son père la prit dans ses bras et attrapa le poignet de Paulo. Il referma tant bien que mal la portière et ferma la voiture. Il rejoignit la porte où l'attendait toujours la femme qu'il avait demandé à voir. Celle-ci l'invita à entrer et demanda à sa propre fille de surveiller les deux terreurs. Dès qu'ils entendirent cet ordre, les deux bambins se détachèrent de leur père pour sauter sur leur nouvelle victime. La jeune fille, surprise s'effondra dans le canapé d'où elle venait de se lever. Elle fut bientôt bombardée de questions : " Comment tu t'appelles ? T'as quel age ? Tu vas nous garder longtemps ? Tu nous fais le cheval ? Et la brouette ? Tu me prends sur tes épaules ?... "

" Mais j'veux pas m'occuper d'eux, moi ! S'exclama la jeune fille. T'as vu comme il sont ? Aïe ! Mais lâche-moi, toi ! " Paulo venait de lui mordre le bras. Elle le repoussa et il tomba brutalement sur le divan. Surpris, il resta deux secondes sans bouger, comme s'il prenait le temps de réaliser ce qui venait de se passer. Un hurlement retentit soudain dans toute la maison, Paulo s'était mit à pleurer toutes les larmes de son corps et brailla : " Elle m'a fait maaaaaaaal ! J'veux plus la voiaaaaar ! Papaaaaaa ! Elle est pas gentiiiiiille ! Ouinnnnnnnn ! J'veux qu'on s'en aaaaaaaaaaille ! ".

Carolina fixa son frère un instant. Ses lèvres se mirent à trembler et elle se mit soudain à pleurer à son tour, s'époumonant en échos avec son frère.

L'adolescente les regardait avec dégoût. " Ah, les mioches ! " déclara-t-elle simplement avant de sortir de la salle d'un pas traînant. Elle gravit lentement les escaliers en hochant la tête. Le jeune homme alla doucement consoler ses enfants.

La propriétaire de la maison se sentait un peu dépassée par les événements. Elle commença par aller fouiller ses tiroirs à la recherche d'une boîte de crayons qu'elle trouva rapidement. Elle saisit ensuite deux feuilles blanches et posa le tout sur une petite table entourée de coussins. Elle rejoint alors son invité et proposa aux deux enfants de dessiner, ils acquiescèrent timidement et la suivirent, chacun le pouce dans la bouche, jusqu'à la table qui leur était destinée. Ils s'assirent sagement et elle leur donna les feuilles. Les pouces sortis de la bouche et un sourire aux lèvres, ils s'emparèrent tous deux d'un feutre de leur couleur favorite et entamèrent un dessin pour leur père.

" Voila. Maintenant vous allez pouvoir me dire qui vous êtes et pourquoi vous êtes là ! " interrogea la femme avec méfiance. Le jeune homme l'observa sans répondre. L'hôte de la maison partit quelques minutes et revint dans le salon avec deux verres.

" Vous prenez quelque chose ? " Il refusa d'un signe de la tête. Elle fit la moue et posa les verres sur une table. L'homme ne semblait pas décidé à s'expliquer. Espérant qu'elle n'ait rien à craindre de lui, elle le laissa seul à nouveau et alla rejoindre sa fille en haut des escaliers.

L'homme s'installa sur le canapé et promena son regard autour de lui. La salle était grande. Un rideau violet et or la coupait en deux : d'un côté le salon où il se trouvait à ce moment, de l'autre, l'entrée simplement composée des escaliers et de deux portes situées sur des murs opposés. Devant lui, un grand meuble en bois courait sur tout le mur. Au milieu du meuble était encastrée la télévision, plutôt simple. Autour, plusieurs éléments qui la complétait : le lecteur cassette et, plus récent, le lecteur DVD au dessous, de grandes baffles sur les côtés et, au-dessus, une porte en bois, un placard qui contenait certainement un grand nombre de cassettes. Plus à gauche le meuble alternait portes en bois et d'autres, en verres, qui dévoilaient des livres plus ou moins récents. A droites, les placards contenaient la vaisselle des réceptions, le service qu'on complétait, d'années en années par des éléments de plus en plus précieux. Là aussi, on trouvait quelques protes vitrées. Celles-ci protégeaient des bibelots en grandes quantités, savamment disposés pour que tous soient visibles. La petite table où dessinaient Paulo et Carolina était à gauche du canapé, devant la bibliothèque. Une grande table occupait le reste de la salle, de l'autre côté. Elle était recouverte d'une nappe blanche, entourée de chaises apparemment confortables, et simplement garnie d'un bouquet de fleurs séchées, dans un vase en verre finement gravé.

Le visiteur de leva et alla regarder les œuvres des enfants. La boîte que leur avait apportée la femme était pleine de feutres et de crayons de toutes couleurs. Les garnements n'avaient plus à se disputer puisqu'ils avaient tous les crayons qu'ils pouvaient désirer. Ils gribouillaient donc tranquillement sur leurs feuilles, leurs mains et la table, épargnant, au grand soulagement de leur père, leurs vêtements presque neufs.


Des bruits de pas indiquèrent au jeune homme que la femme revenait. Il s'avança à sa rencontre et parla enfin :

" Excusez-moi pour tout à l'heure, ces enfants sont exténuants !


Ce n'est pas grave.


Vous êtes bien Mme Barou ? Et la jeune fille en haut est votre fille, Fatima, c'est bien cela ?


C'est exact. Et vous ?


Ce n'est pas important. Ce sont eux qui importent. " Il désignait les petits dessinateurs en herbes.

La femme tourna son regard vers la table basse, ouvrit la bouche et étouffa de sa main un " Oh non, c'est pas vrai ! " Elle s'avança vers les deux enfants et écarta leurs feuilles qui masquaient à peine les grands traits de feutre laissés sur le bois. Elle frotta un instant puis, réalisant l'inutilité de son geste, étala à nouveau les feuilles pour qu'elles couvrent mieux les marques et revint vers son visiteur.

" Je mettrai une nappe. Elle commençait à se faire vieille de toute façon. " Déclara-t-elle d'un air faussement décontracté.

Elle commençait à en avoir assez de cet homme qu'elle ne connaissait pas et qui venait chez elle sans prévenir, avec ces deux chérubins mal élevés qui mettaient du désordre dans toute sa maison. Elle regardait l'homme sans ciller, attendant impatiemment qu'il se décide à lui révéler enfin ce qu'il voulait dire avant de sortir de cette maison le plus vite possible. Elle commença sans le réaliser à chiffonner la housse du canapé qu'elle avait prise en parlant. L'étranger la dévisageait. Il ouvrit à nouveau la bouche :

" Madame, je sais que je vous importune, mais pourriez-vous s'il vous plaît, garder ces deux ravissants gamins pendant que je ... " Il hésita, chercha ses mots, ne les trouva pas.

" Non.


Comment ?


Non !


Mais...


Vous n'avez donc pas vu ce qu'ils on fait ? Je refuse de garder ces mômes, ils ne sont pas à moi, il n'y a aucune raison pour qu'ils continuent à dévaster ma maison !


Ce ne sons pas non plus les miens !


Comment ça ? Vous n'êtes pas leur père ?


C'est compliqué... Disons... Que je suis leur père adoptif.


Soit... Disons... Ca ne change rien à ma décision. Je ne vous connais pas et si vous n'avez rien d'autre à me dire, sortez d'ici avec vos deux monstres !


J'ai autre chose à vous dire !


Mouais, quoi donc ?


Ces deux enfants que vous voyez là, sont jumeaux. Ils sont extrêmement importants. Mais je ne peux plus m'en occuper, j'ai des problèmes. Il faut que vous m'aidiez madame. "

Il se tu soudain. Quelques secondes passèrent. Il fronçait les sourcils de plus en plus fort. Les mains sur le crâne, il ferma les yeux et commença à vaciller. Il semblait prit d'un horrible mal de tête qui bloquait ses pensées, enveloppait son esprit, l'empêchait d'adopter la position qu'il voulait. Ses membres semblaient se raidir, seules ses mains qui massaient vigoureusement sa nuque, son front, son visage, semblait encore dirigées par lui-même. Il s'affala sur le divan, gémissant d'une douleur qu'il ne contrôlait plus. Ses bras et ses mains se raidirent à leur tout. Il s'efforça de les étendre le long de son corps.

Affolée, la femme se pencha sur lui et tenta de l'aider à s'installer. Il l'éloigna d'un geste, le dernier que firent ses bras avant de tomber de tout leur long sur son corps. Ils sembla essayer de détendre son visage et, les yeux entrouverts, la respiration aussi calme que possible, il prononça dans un souffle : " S'il-vous plaît... Occupez-vous d'eux... Je vous en prie... "

Elle se tourna vers la petite table et constata avec horreur que les enfants n'y étaient plus. Elle regarda l'homme, ne sachant pas quoi lui dire. Il trouva encore la force d'articuler : " Ils sont à l'abri... Aidez les... Ils savent... " Il gémit sous la douleur, se raidit une dernière fois, et expira.

La femme courut immédiatement jusqu'au téléphone et appela du secours. Les ambulanciers ne purent rien faire d'autre que de l'emmener à l'hôpital. L'autopsie ne révéla rien de parfaitement normal, tous ces membres s'étaient bel et bien raidis et atrophiés trop tôt pour qu'il s'agisse une mort naturelle. On observait également comme une inflammation dans le cortex qui l'avait partiellement détruit et qui avait sûrement été à l'origine de la mort. Mais personne ne sut dire ce qui avait bien pu provoquer cette brûlure.

Les enfants ne réapparurent jamais, si ce n'est dans les songes tourmentés de la femme qui avait été la dernière à les voir. Sa fille disparut à son tour quelques mois plus tard, une fugue d'après les policiers chargés de l'enquête. " Elle est assez âgée, elle reviendra d'elle-même ", promit-on à la mère horriblement anxieuse, " elle a besoin de liberté, c'est normal à son âge, d'ici quelques jours, elle sera de retour chez vous. "


Les quelques jours annoncés s'étant écoulés, le policier à l'origine de ces paroles passa chez la femme pour prendre des nouvelles de la fugueuse. Il était sûr que ce serait elle qui ouvrirait, avec un grand sourire. Personne ne leur répondit. La porte était ouverte. L'ordre que le visiteur avait connu avait en partie disparu. La table avait été mise trois fois sans être débarrassée, bon nombre de livres se retrouvaient sur le divan, retourné à une des premières page de l'histoire, comme si la femme avait voulu commencé chacune de ses actions, sans jamais les terminer.

Le policier, intrigué, gagna l'étage supérieur, à la recherche d'autres renseignements. Les dernières marches de l'escalier étaient jonchées de pilules blanches ou vaguement colorées, plus ou moins grosses, des médicaments de toutes sortes. Il en prit quelques échantillons dont les analyses déterminèrent plus tard qu'ils étaient conçus pour calmer la douleur, et, pour la plupart, essentiellement les maux de tête. Arrivé sur le palier, le policier vit trois portes. Celle de gauche, qui menait à la salle de bain, était entrouverte, un chausson en gênant la fermeture. Il l'ouvrit en grand. La femme était là, étendue sur le sol, les yeux grands ouverts, une étrange grimace fixée sur le visage, les muscles encore crispés, raides, trop raides, même pour une morte.

Il n'y eût pas d'autopsie, la femme avait sa fille pour seule famille. On décréta qu'elle s'était suicidée en prenant trop de médicaments, certaine d'avoir perdu son enfant à jamais, et sa maison fut mise au nom de sa fille, pour le cas où elle reviendrait.


En bas, dans le salon, sur la table où avaient dessiné deux enfants très énergiques, on lisait un mot, tracé au feutre violet, d'une petite main mal assurée, " Eden ". Et autour, dessin sans signification apparente, cinq autres petits doigts amusés avaient ajouté une main, ébauchée au feutre vert, comme une feuille qui se veut humaine. La table n'était pas ronde, ni rectangulaire, non. Cette petite table avait forme de cœur.

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