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Eclipse
Posté par lady greenleaf le 21/12/2004 00:00:55
Il serait impossible pour moi de vous restituer le jour exact où ces faits se sont produits, je ne peux que vous en narrer le déroulement précis.

Myrrhn est la cité phare de l'Archipel des Iles Naxos. J'y suis née, j'y vis, et j'y mourrai probablement. Littéralement accrochée au flanc du Mont Bleu, étalée sur sept hauteurs, et détenant en son sein pas moins de dix mille habitants, elle est même réputée par-delà les Mers de Glace pour son cosmopolitisme et son architecture si particulière. Il est vrai que ses remparts blanchis à la chaux, ses habitations de bois de hêtre, son palais gothique et ses tourelles d'ivoire et d'ébène n'ont pas fini de faire rêver...
A Myrrhn, la nuit est synonyme de fête. Les spectacles, les auberges et les tavernes sont noirs de monde dès sept heures. Là commence mon récit.


Sur l'horizon de la Mer de Feu disparaissait petit-à petit un soleil d'or, laissant le ciel pur s'empourprer tel un ange aux ailes de safran. Les clients avaient déserté mon échoppe de magie depuis une bonne demi-heure déjà, me laissant seule face à moi-même. Il n'était que six heures, mais je décidais malgré tout de fermer boutique.
Rongée par un inexplicable ennui, je décidais de sortir et m'amuser un peu. Je grimpais dans mes " appartements ", à l'étage, et m'empressais de revêtir une tenue plus élégante pour la soirée que ma veille robe de mage miteuse. Une fois prête, je verrouillais tous les accès qu'offrait mon humble demeure et jetais un sort, ma foi bien efficace, de protection sur celle-ci _ les petits malins ayant toujours tendance à vouloir profiter du bien autrui. J'eus un sourire. Le dernier imbécile qui avait discrètement voulu forcer ma fenêtre en mon absence s'était retrouvé nez-à-nez avec un démon aux canines acérées qui l'avait poursuivi jusqu'au petit matin, avant de disparaître de la même façon qu'il était apparu...

Lorsque je pointais le bout de mon nez dehors, je sentis régner une atmosphère bien plus agitée et électrique que d'ordinaire. Je marchais donc seule dans les rues bondées, supportant les bousculades,  les badauds aguicheurs et les hurlements qui se voulaient joyeux, mais qui résonnaient plutôt à mes oreilles comme les cloches d'une veillée funèbre. Ce n'était plus la gaieté vive et les joies de la fête un peu bon enfant teintées de sensualité qui ambiancaient la ville, mais un climat malsain, décadent et avilissant.
J'étais mal-à-l'aise. J'errais, désemparée, croisant hommes, femmes, et même enfants de toutes races en train de crier, bouteilles à moitié vides à la main, de se quereller violemment sur les routes, de se déshabiller sur les trottoirs et, pour certains, de faire sans gêne l'amour dans les recoins sombres de ruelles. Quelle déchéance  !
Je continuais mon chemin et remontais la rue du Phoenix, puis la rue de la Licorne d'Argent, contemplant d'un œil dégoûté ce spectacle récurrent. Je fis le tour de toutes les maisons de mes amis vivant dans ce quartier, mais aucun d'entre eux n'était chez lui. D'ailleurs, peu de personnes semblaient en cette heure de réjouissances collectives être bien au chaud chez elles.
Je décidais alors de faire une soirée en solitaire. Je n'avais de toute manière pas très envie d'être accompagnée ; l'effervescence ayant fait de tous des esclaves de l'aveulissement le plus total.

De petits joyaux célestes s'incrustaient peu à peu dans le firmament indigo. La chaleur était insoutenable, et les lieux de fête devaient l'être plus encore. Sans m'en rendre compte, j'arrivais à un jardin. Cet espace fleuri dédié à la Grande Déesse permettait, d'après les dires des anciens, d'invoquer l'amour. Je regardais d'un air dubitatif l'autel, la fontaine de cristal et la luxuriance de la végétation, puis m'assis en haussant les épaules sur un banc. Je jouais nonchalamment avec l'eau de la petite fontaine tout en fredonnant calmement un vieil air que chantait toujours mon vieux Maître, décédé trois ans plus tôt, quand soudain, ma main heurta un objet.
Je fronçais les sourcils, et l'attrapais. C'était un rubis taillé gros comme une abeille. Je l'observais attentivement à la lumière des millions d'étoiles qui me surveillaient de la divine demeure des cieux. Oui, c'était bien un véritable rubis  ! Je me dis que j'aurais pu me faire une petite fortune en le vendant au joaillier de Myrrhn, mais une pensée qui aurait pu paraître à certains absurde me traversa l'esprit. Avoir plus d'argent changerait-il réellement ma vie  ?
J'eus un sourire triste. A quoi bon  ? Je savais et préférais me contenter de peu...
Mon regard se posa sur un écriteau, celui de l'autel  : " l'âme regorge de sang et le sang resplendit de passion. La quête de l'amour est une perpétuelle quête du pourpre.  "
Je levais les yeux. Au-dessus de moi se dressait une statue en or de la Déesse nue, levant les bras vers le ciel, comme pour lui proposer (ou lui demander  ?) sa bénédiction.
" Du pourpre, hein  ?  " dis-je à haute voix. Je feignis de trouver ridicule le fait de déposer une offrande, et d'attendre comme une idiote que l'amour vienne à moi. J'avais un orgueil que certains qualifiaient, avec raison cependant, de " surdimensionné ". Extérieurement, je donnais l'image d'un être solitaire, n'ayant besoin de personne. Mais en mon for intérieur, j'avais beau essayer de me persuader de la chose... En vain.
Je m'avançais d'un pas assuré vers l'autel, pour y déposer timidement le rubis. Les divinités aimaient les pierres précieuses. Un ruban magique scintillant tourna, tel une volute, autour du joyau, puis l'enveloppa entièrement. La pierre disparut, laissant derrière elle une multitude de poussières d'étoiles immatérielles qui luirent, puis s'éteignirent en retombant sur le sol.
Je restais bouche bée, les yeux écarquillés, quand soudain, mon attention fut détournée par un changement radical de la luminosité ambiante. Intriguée, je regardais le ciel qui s'assombrissait à vue d'œil et assistais à un spectacle des plus singuliers. La lune noire d'Hiranos, qui ne se montrait jamais au-dessus de ces terres, recouvrait peu à peu la notre. La lune avait toujours été le phare de nos nuits et de nos fêtes ; et là, nous nous en voyions privés. Un froid s'installa dans mon cœur. Je grelottais.
C'est alors que je le remarquais. Il était là, enveloppant tout, et faisant retentir un écho funéraire au fin-fond de mon être. Le silence...
Au sol, la brise qui balayait les feuilles mortes ne soufflait plus, et lorsque je me dirigeais vers le cœur de la ville, l'herbe et les gravillons oublièrent de crisser sous mon pas pourtant alerte.
Je marchais de plus en plus vite, et une angoisse indéfinissable s'ancrait en moi au fur et à mesure que rôdait ce silence. Je crus que mon cœur allait s'arrêter de battre lorsque j'arrivais dans la principale rue marchande de Myrrhn. Les passants étaient toujours là, mais avaient cessé de festoyer grossièrement sur la route, et déambulaient sans bruit, austères, la noirceur de cette nuit dénuée de lune les dissimulant presque. La seule lumière des étoiles n'était pas suffisante pour nous guider dans l'obscurité. Je réalisais que cette éclipse n'était que temporaire, et décidais sans plus tarder d'aller en attendant boire un verre.
On se serait cru à un enterrement... Les gens ne disaient mot, regardaient droit devant eux, et toujours tournait inlassablement autour d'eux ce funèbre silence dans l'atmosphère glacé de la nuit...

Rue du Port. Je m'arrêtais devant une enseigne qui m'était bien familière  : " Au Dragon Blessé ". Je m'y engouffrais afin de fuir la situation extérieure pour le moins lugubre. Je saluais le tavernier, mais étrangement, il ne remarqua même pas ma présence. Ses yeux étaient ancrés dans le vide et sa bouche était légèrement entrouverte. Je frissonnais et m'empressais d'aller m'asseoir à l'endroit habituel, près de la vieille cheminée sculptée. Il y avait peu de monde, et tous semblaient aussi illuminés que lui... Et toujours ce silence...
Je m'assis seule, et avalais les dernières gorgées d'une chope restée là depuis le départ de cette table de mon prédécesseur. Mon regard fut soudainement attiré par l'envoûtante danse des flammes pourpres rougeoyant dans l'âtre. Je ne sais combien de minutes je restais là, à les observer, à les détailler une par une, et à rêver du Néant. Le seul bruit que j'entendis distinctement ne fut plus celui de la vaisselle ou de la porte d'entrée, mais celui de mon cœur.
J'entendis ses battements réguliers comme des roulements de tambours secs et lointains. Je ne respirais plus, je battais. Je n'étais plus qu'un cœur qui hurlait sa solitude et son infinie perdition d'une manière plus que glaciale, qui résonnait sans fin dans les abysses de l'occulte. Plus rien n'avait de sens, et bientôt, le silence fut total.
Mon cœur s'était arrêté.

Je me sentie ramenée à la réalité comme ramenée à la vie. Une main froide se posa sur ma joue et j'inspirais à nouveau une bouffée d'oxygène. Lentement mes yeux se rouvrirent... Le feu s'était éteint et avait laissé place à quelques braises qui luisaient faiblement dans le foyer, l'air était étrangement glacé et les quelques personnes dont était constellée la pièce s'en allaient d'un pas régulier, la tête droite, comme hypnotisés.
Je me pris la tête à deux mains, et me massais énergiquement les tempes. Que se passait-il donc  ? J'avais l'impression d'être seule victime d'une mauvaise farce collective.
La personne qui m'avait aidée à rouvrir les yeux s'installa alors en face de moi.
" Vous allez mieux  ?  ". La voix était à la fois douce et froide, sépulcrale et mystérieuse...
C'était un homme extrêmement pâle aux cheveux bruns, entièrement vêtu de noir, qui portait à son cou une amulette en bronze représentant un dragon. Il semblait plutôt jeune. Mais ses yeux, assortis à sa sombre et élégante tenue paraissaient avoir tout vu et tout connaître de ce monde...
Je hochais la tête et bafouillais quelques remerciements maladroits – encore sous le choc, je me sentais un peu mal à l'aise face à ce regard sage et assuré.
" Je... Enfin, ne trouvez-vous pas que les gens sont étranges ce soir ? Hasardais-je.
_ A dire vrai, je ne sais trop quoi penser, me répondit-il, songeur. Je ne suis que de passage ici. Je ne connais rien de vos us et coutumes ".
Je souris.
Il me proposa un verre d'hydromel, que je n'osais refuser. Il me questionna sur ma vie et sur ma propre vision du monde. Je répondais automatiquement, sans réfléchir une seule seconde. Tout ce qui me passait par la tête, tout ce qui me traversait l'esprit, je le lui révélais de manière immédiate sans quitter l'envoûtante opacité de ses yeux. Il arborait un sourire si apaisant, si réconfortant que je sentais l'enveloppe de mon âme embuée par la froidure ambiante lentement se réchauffer et raviver la flamme de mon être. Je ne ressentis alors plus rien par la suite. Je n'avais plus d'enveloppe charnelle. Je devenais une concentration illimitée de sentiments, de pensées et d'idées.
Je remarquais que l'éclairage déjà faible diminuait peu à peu. D'un geste de main, mon interlocuteur fit se rallumer toutes les chandelles présentes dans la salle, et apparaître quelques sphères dorées qui vinrent flotter au plafond.
" Tavernier, dit-il en haussant la voix, nous aimerions un peu de musique  !  
_ Tout de suite, messire ", répondit le bougre d'une voix monocorde et lasse.
Il fit venir de l'arrière-salle quelques instrumentistes à l'humeur morose qui se mirent à jouer un air mélodieux et triste, qui ressemblait fort à un requiem de bas-étage.
L'homme se leva, ne me quittant pas des yeux. " Vous dansez  ?  ", me proposa-t-il en tendant vers moi une main accueillante.
Je la pris timidement, et s'en suivit une valse certes calme et posée, mais agréablement précise et mesurée. Il dansait à la perfection. J'étais entraînée, magnétisée par lui comme jamais de toute mon existence je ne l'avais été par une personne...
" A propos, cela fait plus de trois heures que nous discutons et... Je ne connais toujours pas votre nom...  " lui lançais-je.
_ Je m'appelle Jhun'Daar ", me souffla-t-il à l'oreille.
Il se rapprocha encore plus de moi. Nous étions presque collés. Son nom résonna dans ma tête comme le tintement sourd d'un souvenir enterré sous une masse épaisse et informe de songes.
Je l'avais déjà entendu quelque part, ce nom, mais où  ? Et quand  ? Je n'arrivais plus à m'en rappeler... Une puissante force psychique venue de nulle part hanter mon être semblait vouloir à tout prix m'en détacher. Et elle y parvint aisément  ! Quelques secondes plus tard, mon esprit se vida et je n'eus plus que l'image et la voix du dénommé Jhun'Daar en tête.
" Vous êtes très belle, Arya... Mais je suppose qu'on vous l'a déjà maintes fois fait remarquer...
_ Euh... Non... Enfin si ", bredouillais-je, surprise par la brusquerie de cette remarque impromptue. " On l'a sans doute mentionné une fois ou deux en ma présence, en effet, mais...
_ Je constate que votre modestie vous amène au mensonge...  ", susurra-t-il avec un sourire malicieux.
Je ne savais plus sur quel pied danser avec lui, et ce fut le cas de le dire car je manquais de tomber. Il me rattrapa par la taille et me ramena lestement à lui. Nos visage se touchaient presque... Je me dégageais promptement de son étreinte et balbutiais  :
" Je... J'ai besoin d'aller prendre l'air...  
_ Excellente idée  ! Allons faire un tour ", dit-il avec un sang-froid, une assurance et une détermination non-dissimulés.
Il posa ma cape de velours sur mes épaules et revêtit son manteau avant de m'ouvrir galamment la porte de la taverne. Nous sortîmes donc dans la rue du Commerce. Le vent était anormalement frais pour un soir d'été à Myrrhn. Et plus personne dans les rues ; la ville était comme morte. La lune noire d'Hiranos recouvrait toujours la notre. Combien de temps encore l'éclipse allait-elle durer  ?
" Il fait bien sombre, soupirai-je.
_Si la lumière des étoiles ne vous suffit pas, Arya, j'en créerai une ".
Jhun'Daar murmura quelques incantations que je ne connaissais pas et me pris le bras tandis qu'une nouvelle sphère lumineuse guidait nos pas. Nous nous promenâmes ainsi, parlant de nos connaissances respectives en matière de magie. Je me sentis ridicule face à son savoir, qui était bien plus immense que je ne l'avais cru. Il parut néanmoins agréablement surpris lorsque je lui révélais que j'étais une ancienne élève de la grande école des Vents Blancs. Lui, était plus adepte de la magie noire que de la blanche, mais n'avait tout de même pas l'air d'un mage noir grincheux et hargneux qu'il était si courant de croiser au coin d'un carrefour  !

Nous arrivâmes au vaste cimetière de Myrrhn. Un chef d'œuvre d'après les visiteurs de notre cité. Le lieu était en effet plutôt gothique, regorgeait de statues en marbre d'anges protecteurs de toutes sortes, et était extrêmement bien entretenu et florissant – les morts étant très vénérés.
" Quelle sérénité, soupira mon compagnon.
_ Il est difficile de trouver endroit plus calme, en effet, ironisais-je.
_ C'est le seul où tous les êtres sont plongés dans une paix infinie...  "
Je le regardais en fronçant les sourcils. Cet homme était attrayant, mais possédait tout de même certains aspects bizarres.
" Vous avez oublié de préciser l'état de ces êtres, je crois. Des êtresdépourvus de vieserait préférable, je crois.  "
Il tourna vers moi ses yeux d'un noir de jais qui brillèrent pendant un court instant  :
" Ce sont tout de même des êtres ", déclara-t-il sèchement.
Je fis la moue et regardais ailleurs. Il remarqua ma contrariété, puis me parla à nouveau d'une voix douce  :
" Veuillez pardonner ma brusquerie.
_ C'est oublié ", dis-je.
Nous longeâmes la grande allée du cimetière en silence. Je m'arrêtais sur une grande pierre tombale ornée d'un bouquet de roses bleues, sous laquelle résidait depuis de nombreuses années déjà un couple relativement jeune. Je murmurais quelques incantations en langue Syn'dhar, et les fleurs fanées se redressèrent pour atteindre une nouvelle fois le sommet de leur beauté.
" Ce sont vos parents... , constata Jhun'Daar
_ Mère aimait beaucoup les roses bleues ", bruis-je d'une voix qui se voulait transparente et neutre.
Il me prit par les épaules et répondit  :
" Votre mère et votre père sont heureux là où ils sont. Ils reposent en toute quiétude.  "
J'eus un léger hoquet, puis fondis en larmes. Pourquoi me mis-je ainsi, à cet instant précis à pleurer  ? Moi qui, depuis l'âge de sept ans n'avais plus jamais eu les yeux humidifiés par cette désagréable mais libératrice sensation d'implosion  ? Je n'en savais strictement rien.
Petit à petit, mes pleurs ne firent plus qu'un avec le bruit du vent qui se levait, tandis que Jhun'Daar me serrait dans ses bras. Bientôt, je me calmais et le silence retomba.
L'étranger m'enlaçait toujours quand une brise glacée comme on n'en avait jamais connu à Myrrhn nous envahit. Je sursautais et me dégageais de son étreinte lorsque je sentis de l'eau très froide me tomber dessus en minuscule quantité. Je levais les yeux au ciel, qui était devenu d'une couleur unie et homogène, et d'où tombaient avec douceur des milliers et des milliers de petites plumes gelées. Un sourire illumina mon visage et je tendis la main afin d'attraper ces flocons d'une blancheur immaculée déversés par les cieux.
" C'est donc cela la neige  ?  " m'exclamais-je, " jamais il n'a neigé ici  ! Le climat est bien trop sec... Vous vous rendez compte  ! Nous sommes en pleine saison estivale  ! C'est incroyable  !  "
Jhun'Daar parut satisfait de mon changement radical d'humeur. Il me laissa observer ce spectacle si singulier à mes yeux pendant un moment, puis me proposa de retourner vers le centre de la cité.
Il devait être entre deux et trois heures du matin lorsque nous arrivâmes devant ma boutique de magie.
" Que vendez-vous exactement  ? Me demanda Jhun'Daar.
_ D'un peu de tout, à vrai dire... Armes magiques, vêtements enchantés, potions, philtres, grimoires, objets ensorcelés, plantes médicinales, et j'en passe...  "
Il hocha la tête alors que levais le sort de protection qui gardait en sécurité l'enceinte de la bâtisse. J'ouvris la porte, et me retournais vers lui, un peu gênée de devoir ainsi le laisser dehors.
" Bonne nuit, Jhun'Daar, et... Bonne route ", lui-dis alors qu'il ne cessait de me regarder fixement.
Je m'apprêtais à lui serrer maladroitement la main, lorsqu'il m'agrippa prestement la taille et m'embrassa. Ses lèvres étaient froides et dénués de tout parfum, mais cette force indéfinissable qui corrompait mon âme en sa présence m'ordonna de prolonger ce baiser sans rechigner. Il me prit dans ses bras, et sans cesser de m'embrasser, entra dans l'échoppe qu'il verrouilla par télékinésie, et monta à l'étage comme s'il y avait toujours vécu.
Une fois arrivés à ma chambre, je perdis toute notion du temps.


Des ailes sombres battaient calmement devant mes yeux. Et derrière ces ailes se dressait une lune d'ébène qui pleurait des larmes de glace. Un cri déchirant de mélancolie zébra soudain le silence...

... Et me fit me réveiller en sursaut. Mon cœur battait à tout rompre, et semblait ne pas vouloir se calmer. Je me massais les tempes en grommelant, lorsque je réalisais que j'étais seule dans mon lit. Sans même prendre le temps de m'étirer, je bondis hors de mes draps et courus à la fenêtre. Le soleil se levait à l'Est, et à l'Ouest, la lune noire d'Hiranos se détachait avec lenteur de l'autre. Elles laissèrent toutes deux leur place à l'aurore aux doigts de rose et continuèrent leurs courses respectives afin de trouver leur diurne repos quotidien.
" Aucune trace de neige dehors ", constatais-je amèrement. " Et aucune trace de Jhun'Daar ".
Je soupirais. Avais-je rêvé ? Cela me paraissait impossible, mais comment avoir l'absolue certitude que je n'étais pas devenue folle  ?
J'enveloppais ma nudité d'une cape, ouvris ma fenêtre et m'y penchais  :
" Madame Rosmerta  !  " appelais-je.
Une bedonnante femme sans âge à l'air jovial se tourna de son étalage de marchandises et leva la tête vers moi.
" Bonjour Arya  ! Bien dormi  ?
_ Euh... Oui, oui. Mais pouvez-vous me dire quel jour nous étions hier  ?  "
Elle me regarda comme si j'étais devenue sénile avant l'heure.
" Arya  ? Mais... Tu as oublié que c'était hier le Centenaire des Disparus en mer  ? Nous avons fêté nos défunts... Il y a même eu une éclipse  ! Tu n'étais pas dehors  ?  "
Je fermais brusquement mon carreau et m'y adossais. C'était vrai, toute la ville ne parlait que de cette fête depuis des mois... Et cela m'était complètement sorti de l'esprit. J'avais pas mal de troubles du sommeil ces derniers temps, mais de là à en oublier le Centenaire des Disparus...
Je m'égarais...

Mais, mon regard s'attardant quelque peu sur le lit, j'y aperçus un lacet qui dépassait de la couverture. Je l'attrapais et découvris avec stupeur l'amulette-dragon de Jhun'Daar.
C'est alors que me revint clairement à l'esprit le nom de mon compagnon de la nuit précédente.
Je me précipitais vers ma vieille armoire et sortis du fond d'un tiroir un vieux dictionnaire poussiéreux des langues runiques oubliées de l'Archipel des Iles Naxos.
Je cherchais la signification des deux termes...
Au sein de mon esprit, les portes du doute s'ouvrirent enfin sur celles de la vérité dans un éclair d'illumination.
Toute une nuit durant m'avait serrée dans ses bras l'Ange de la Mort...


* * *

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Re: Eclipse
Posté par reginleif le 22/12/2004 23:34:06
Trop belle ton histoire ! j'adore le style. Superbe, g rien d'autre a dire.

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Re: Eclipse
Posté par lady greenleaf le 23/12/2004 19:13:24
Merci à toi! ça fait plaisir, vraiment!

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Re: Eclipse
Posté par deluxe le 25/12/2004 17:09:40
Excellente histoire !!!! Félicitations !
je me suis régalée tout le long, j'ai adoré la fin qui est assez surprenante d'ailleurs...

Y aura-t-il une suite ? ça serai vraiment cool

Sinon Merci et encore bravo !

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Re: Eclipse
Posté par lady greenleaf le 29/12/2004 18:37:57
merci deluxe!!
Non, c'est une nouvelle, il n'y aura pas de suite. Mais j'ai d'autres nouvelles (héroïc-fantasy en général, mais pas toujours) à la chute assez particulière en cours d'écriture... Donc, je publierai tout ça un peu plus tard.
En espérant avoir votre avis à la prochaine publication, bien sûr!

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