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Posté par nosepicker le 17/12/2005 00:00:57
Tu m'as dit "t'es belle quand tu souris".
T'es quand même parti. À l'autre bout du monde. Avec cette connasse. En claquant la porte.
Tu dis que c'est pas à cause de moi, que tu baiserais jamais avec elle. Tu dis j'ai besoin d'air.
Je t'imagine, coké jusqu'au yeux, la Californie et toutes ses filles blondasses stéréotypées qui te tournent autour.
Au téléphone, tu me répète mille fois que c'est moi que tu aimes, que tu reviendras et que ce sera comme avant, qu'on sera bien, qu'on fera l'amour en riant et qu'on s'endormira en souriant. C'est beau, tout ça.
Tu l'écris encore mieux que tu le dis. Ça me fait trembler, ça me fait pleurer. De joie. Et de rage.
Parce que ça me dit pas pourquoi t'es parti.
Alors je fais ce que j'ai presque toujours fait, ce qu'on a toujours fait : pendant que t'as tes doigts dans la prise, j'ai les miens dans ma gorge. Tout ce qui y entre en sort. Mon ventre fait mal, ma tête aussi. Si t'étais là, ça n'arriverait pas. you say that I don't feel, that's why you could not live with me... . L'appartement est vide, silencieux même quand la musique est au fond. i don't feel at least bit sad right now, how's that for irony... (1).
J'ai mis les Flatliners super fort, j'ai décoloré mes cheveux, gueulé par-dessus la musique et appliqué une teinture rose, fuckin fuckin pink, fuck le boulot, hein, de toute façon, je l'ai perdu hier. Tant pis.
J'ai mis du rose partout,dans mes cheveux,sur mes mains,dans mon visage,sur les murs,dans le lavabo,sur le plancher,je suis allée barbouiller notre lit, et si t'avais été là, je t'aurais mis mes doigts roses en plein dans tes yeux parce que je t'en voulais.

J'ai pas répondu quand t'as appelé. J'ai laissé sonné.
J'ai mis ce pantalon que tu aimes tant, et que les autres garçons aiment tant aussi. Je me suis fait deux tresses, genre fillette. Mais trash. Ça t'excite. Pas que toi, en fait. Je suis sortie, j'ai pris le métro. La ligne orange, ma préférée, j'ai transféré sur la verte à Berri et je suis sortie à cette station que j'aime tant, à deux pas du Métropolis. 26 juin, NOFX, Good Riddance. J'ai acheté un billet à un scalper, je l'ai payé vraiment super cher. En me disant que ça allait être une putain de délivrance.
Effectivement. J'ai pris des coups, je les ai rendus, je savais bien que j'aurais mal pour trois jours, j'ai dégueulé toute cette douleur dans un coin tranquille et j'ai embrassé des tas gens dans les chiottes, des filles, des garçons. Pour t'oublier, pour nettoyer mes lèvres des tiennes, mon corps du tien. Entre ça ou me doucher au Ajax, le choix est facile. Désinfecter, les cicatrices invisibles. J'ai pensé à toi tout le long.
Notre dernier concert ensemble, tous ces bleus qu'on a eu parce que c'était légèrement violent.

À la fin, j'ai traîné dans les rues avec les chats de gouttières, j'ai bu, pas mal. Comme à notre habitude. J'ai fini la soirée au Foufs. Notre bar préféré.

J'ai repris le métro et dans tête, j'ai commencé à aligner des titres de chansons.

I'm collecting songs to listen while I die.

On faisait ça ensemble. J'espèrais crever sur du Propagandhi. Ou du Casualties. Quelque chose du genre. Toi aussi, je me rappelle. Ça nous faisait sourire de parler de mourir. Vingt ans et l'impression que la vie n'est qu'une salope. Ou peut-être juste l'idée que la vie n'est rien si on étire trop la sauce. Que le concentré est bien meilleur, que l'intensité est tout ce qui vaille.
Je prends souvent le métro. Souvent avec mon discman. Je ne mets que du Propagandhi. Et j'espère que quelque chose va arriver. N'importe quoi.
Ce soir, non, j'ai rit. Parce que d'un coup, je savais que tu étais revenu. Un coup de poing dans mon ventre. Je sais pas, je savais. Un coup de vie dans le ventre là où ça bouge plus qu'avant depuis quelque temps.

Dans l'appartement, la lumière était allumée. Propagandhi jouait, je l'entendais à travers la porte.

J'ai ouvert. Tes doigts dans la prise, les miens dans la gorge.

J'ai tout de suite pensé. Putain de poudre. Sale con. Tu reviens pour clamser dans ma cuisine. 21 secondes. Il restait 21 secondes au CD quand je suis entrée. Je sais pas pourquoi, c'est ça qui m'a frappée.

Ma seule consolation, c'est qu'à côté de toi, il y avait cette connasse.

Ça aurait été pathétique de me pendre pour toi. Ou de m'ouvrir les veines. Tu vois le genre. Parce que ça n'aurait pas été très trash de me tuer par amour pour toi. Pas très intelligent non plus. Puis, moi, je préfère aller lentement. Passer par le chemin le plus long. Se suicider, c'est toujours aussi intense. Peu importe le temps qu'on prend.

J'aurais juste voulu avoir le temps de t'annoncer que t'allais être père.

Mais là, ça ne servait plus à rien.

J'ai accouché. D'une petite fille déjà morte.

J'ai dis à tout le monde que ça allait aller. J'ai continué comme si de rien n'était, je continue toujours. Je mets Propagandhi en rentrant chez moi à tous les soirs. Je bois une bouteille de vodka tous les soirs en fumant plein de clopes. J'avais jamais fumé avant. J'ai recommencé à vomir systématiquement tous mes repas, à ne plus aller à l'épicerie. Je veux toucher mes os, devenir un squelette, faire peur, qu'on me tue. Je ne souris plus.
Un garçon m'a dit que j'étais toujours aussi belle, mais trop triste. Que mes yeux de poupée étaient morts.
Je sors. Je ne dors pas pendant trois, quatre jours puis que je dors dix-heures en ligne. Je ne parle jamais de la non-naissance de cette gamine. Qui n'avait pas de nom. Qui n'en aura jamais.

Je fais comme tout le monde,je suis la fille que n'importe qui pourrait croiser dans la rue,je suis cette fille que vous croisez dans la rue,peut-être tous les jours sans réaliser ce que j'attends des gens,et que j'espère avoir avant de ne plus l'attendre.Pour ne pas finir avec la poudre au nez,poudre magique qu'il croyait venue du pays des fées,se serait-il trompé? J'en sais rien.Et d'ailleurs,qu'elles crèvent,ces fées,toutes des salopes.
Je prends toujours le métro. Toute la journée.
Et j'attends.
Que quelqu'un me pousse sur ce putain de rail que j'aie pas à le faire moi-même.



(1) Feel par Cauterize, album Paper wings.

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Re: 21 secondes
Posté par tchit le 18/12/2005 14:20:51
EXCELLENT, SUPERBE texte bien rock'n roll, vachement bien écrit, de la pure rage pour une fois sans artifices, un des meilleurs textes de fiction que j'ai vus sur FJ
Ca fait vraiment plaisir !

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Re: 21 secondes
Posté par nanivorial le 18/12/2005 19:54:54
Waips, super texte, vraiment, bien et écrit et tout le reste...

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Re: 21 secondes
Posté par white_angel_11 le 18/12/2005 21:09:51
vrmt sa fait réfléchir .. dire que ca arrive réellement a certaine personnes ! jadore ton style ! tu écris vrmt très bien ! chapeau !

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Re: 21 secondes
Posté par aznoub le 18/12/2005 22:34:42
bravo...rien a dire... barvo....sur le cul.. et pas qu'un peu... un texte pas chiard... prenant... ouai... bravo...
je C que tu t'en fout et que tu va te dir que je dis sa à tout le monde mais nan c pas mon genre... j'ai eu les larmes au yeux..(chose extremement rare!)

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Re: 21 secondes
Posté par mayunine le 10/05/2006 21:40:23
g u la chair de poule en le lisant...

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