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Bro Hymn
Posté par nosepicker le 20/08/2004 07:54:39
À un frère, Bro Hymn de Pennywise en trame sonore.

Il est là, assis sur une vieille chaise en bois, ses cheveux roses qui jurent horriblement avec le rouge intense des murs de sa chambre et les doigts qui courent sur la guitare qui appartenait à son père avant. Avant... Comme si c'était une autre vie, un autre monde alors qu'en réalité, ce "avant", c'est juste son enfance, ces soirs où son père s'installait sur le sol, juste à côté du lit et qu'il leur chantait des chansons à lui et à sa grande soeur. Ils les laissaient toujours toucher les cordes de son instrument même si à cette époque, ni un ni l'autre n'y comprenaient grand chose. Comme il y en a eu des moments comme ceux là ! Mine de rien, ça lui manque un peu, cette odeur d'innocence qui flottait dans l'air quand il était gamin.
Aujourd'hui, il n'a plus cette innocence même si cette guitare qu'il aimait tant est dans ses mains à lui, qu'elle lui appartient pour de bon. Son innocence, il l'a perdue devant un poster de Che Guevara avec du hardcore dans les oreilles. D'une frappe, il a réalisé que le monde est pourri. Et tout le reste avec, peut-être. Il n'en sait rien.

Dashboard Confessional joue dans sa chaîne stéréo. Il écoute un bout d'une chanson puis essaie de la reproduire.
De temps à temps, il jette un coup d'oeil vers la Samick blanche posée contre son énorme ampli. Délaissée, la guitare électrique qu'il voulait tant. ll aime bien mieux s'échiner sur les cordes juste un peu usées de sa guitare sèche. Il ne sait pas pourquoi, c'est comme ça, un point c'est tout.
Parfois, il ferme les yeux, comme un signe de désespoir parce qu'il n'y arrive pas, les sons ne sonnent pas comme ils le devraient, pas comme il le voudrait. Aujourd'hui, ça ne rentre pas. Même son micro ne parvient pas à lui faire oublier qu'il ne réussit pas à reproduire ces satanés accords.
Y'a aussi ce poster de Sid Vicious, Drugs Kill, qui le nargue et un autre de Jim Morrison qui le fait rêver. Il voudrait être comme ce dernier. Poète jusque dans les os, jusqu'à en crever.
Il voudrait tellement avoir son groupe de musique à lui. Mais avec ses amis, le courant musical ne passe pas bien qu'ils jouent tous d'un instrument. C'est comme ça, ça ne marche pas, c'est tout. Et ça le désole, le déprime, le désespère parfois. Au point de prendre un des couteau de poche et de graver Misfits sur son bras. Il aime le groupe, mais plus que tout la sonorité du nom. Au fond de lui-même, il sait bien qu'il est un marginal bien au-delà de ses piercings et de ses cheveux roses.

Il ne pense pas comme tout le monde, non.
Il n'est pas comme tout le monde, non.

Alors même si aujourd'hui le sons lui jouent des tours, il reste assis là, avec sa guitare dans les mains et effleure doucement les cordes, caresses furtives, il touche à peine et les yeux fermés, il imagine les sons qui devraient en sortir, ceux qui en sortiront forcément un jour.
Des accords, comme ceux qui résonnent partout dans l'étage les matins de fin de semaine, les sons qui lui font oublier la grisaille de son existence, un peu terne parfois, monotone sûrement, à des kilomètres de celle qu'il aurait voulu avoir certainement.
Ces accords joués les matins où ses doigts fusionnent avec son instrument, il ne les oublie jamais, il ne les oubliera jamais. Ils sont sa vie, ils seront la vie, il le sait, il le sens, c'est gravé sur son coeur, ça coule dans son sang, ça sort par tous les pores de sa peau.

Il n'a jamais vu sa vie très longue.
Elle sera comme un feu de paille, courte, mais intense.

C'est ce qu'il se dit assis sur cette chaise trop dure et trop droite.
I have to think, it's under my skin, no one can stop my dream and I... (1)

Il se rappelle ces moments qu'il passe parfois, à son ancienne école, celle des p'tits, à fumer un cigare dans une main comme son père au même âge et une bière dans l'autre.
Cette impression d'être faible, si faible, juste à la merci de choses sur lesquelles il n'a aucun contrôle et qui s'amusent à le faire suer.
Il a seize ans, presqu'un permis de conduire dans son porte-feuilles, sa vie au bout de ses doigts et ses doigts, il les use sur une guitare ou la lame d'un couteau. C'est toujours mieux que sa grande soeur qui se les plante au fond de la gorge parce que son existence, elle ne peut pas la sentir. Mais ça, il ne le sait pas. Alors il a l'impression d'être le seul à être si perdu. Il se demande tout le temps à quoi ça rime, cette vie de merde et ces rêves qui meurent, ces chansons qui ne veulent pas s'écrire et tous ces accords muets.

Il pense à demain, rêve à ce qu'il fera ce jour là, vivre encore plus fort ou se laisser mourir comme ces rêves, ses rêves, il ne sait pas trop. Avoir seize ans, ça craint pour lui comme pour tant d'autres.
Il se regarde dans le miroir et voit ses yeux bruns si banals, cette barbe vieille de trois jours, son trou à la lèvre, celui que son père déteste. Et il se rappelle, pense encore à ses guitares et à son micro, abandonnés, délaissés. Il n'en peut plus des fausses notes, de ses fausses notes.
Ça lui fait mal, ça blesse son coeur parce qu'à l'intérieur, il brûle de passion, passion qui donne l'impression de le fuir. Le Spleen des symboliste du XIX ième siècle, il sait trop bien ce que c'est.
Paradis artificiels et illusions préfabriquées, le bonheur se vend en boît de six, douze ou vingt-quatre, Molson, Labatt ou n'importe quoi, pourvu que ça saoûle et que ça endorme, quarante onces, c'est jamais de refus, il sait bien qu'il sera sur le cul avant la fin de la bouteille et que le lendemain, en regardant ses yeux rougis, son visage tuméfié, il regrettera de ne pas y avoir laissé sa peau.
Il prendra peut-être son couteau pour embellir ce Misfits qui orne déjà son avant-bras, allez, pourquoi pas... Qu'est-ce qu'il peut avoir mal, des fois...

Il a le sentiment d'être seul tellement seul, il ne se doute même pas que dans la pièce juste en face de sa chambre, sa soeur se découpe aux rasoirs, se bourre aux somnifères et aux antidépresseurs. Il ne sait pas qu'elle a déjà passé des nuits entières à vomir un trop plein de comprimés et que c'est lui qui l'a réveillée ces matins là, avec ses accords qui sonnent si bien au réveil, ceux que ces doigts jouent seuls, ses accords à lui... Il ignore à quel point il sonnent bien, ces accords.
Il ne sait pas qu'il est un poète, à sa manière.

Non, il ne sait pas.
Il ne sait pas non plus que sa soeur, elle l'écoute jouer tard le soir, quand il pince les cordes tellement doucement qu'on entend à peine.
Il ne sait pas que ses notes sauvent la vie de quelqu'un.
Non, il ne sait pas.

Il sera poète, il sera musicien, il a ça dans les tripes, ça se voit et ça se sent.
L'air autour de lui embaume la musique et les mots qu'il écrira pour accompagner ses notes.
Il écrira, chantera et jouera, peut-être qu'il sera un de ces poètes inconnus, mais il en sera tout de même un.
Sa grande soeur le dit.
Parce que quand elle l'écoute, elle se sent comme lors de ces soirées où leur père leur jouait quelques morceaux en chantant de sa voix maladroite.
Quand son frère chante, elle y croit. Aux rêves, aux illusions. Et lui aussi y croit quand il chante, quand il joue.
Parce que... juste parce que, même pas besoin de raison.

[Pennywise - Bro Hymn]

Les mauvais jours, ça vie goûte l'amertume.
Mais les bons jours, il sait qu'il y parviendra.
Si seulement il y avait plus de bons jours...



(1) Reset - My Dream and I sur l'album No Limits

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Re: Bro Hymn
Posté par maricchia le 20/08/2004 07:54:39
une histoire comme je n'en avais pas lue depuis longtemps... merci !

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