Extrait du site https://www.france-jeunes.net

BAFA, la désilusion... momentanée !


A lire par tous les futurs petits stagiaires du BAFA, qui s'apprêtent à pénétrer dans l'antre... Des enfants !



Mai 2002, j'ai quitté la FAC, que je trouvais inintéressante, pour passer mon BAFA et réaliser le rêve de ma vie : travailler avec des enfants. Je me dis que j'ai été préparée, j'ai suivi un stage, j'ai appris comment réagir par rapport à telle ou telle situation, je connais les enfants, je suis trois fois grande sœur, ça va aller.

Je sais que je vais travailler dans une citée, et pas des plus reluisante de Saint Herblain, le Sillon de Bretagne (pour les connaisseurs). J'ai déjà visité les locaux, j'ai rencontré la directrice, je suis prête.
On m'a dit que je m'occuperais des 3/4 ans, je suis ravie, c'est l'âge de mes deux derniers frères et sœurs.

Comme à mon habitude de petite stressée angoissée de naissance (voir article sur la spasmophilie ! Lol), j'arrive une demi-heure en avance, et je me tape la discute avec la femme de ménage qui m'offre un café.

Les autres animateurs commencent à arriver, la gueule dans le cul (passez-moi l'expression, mais c'est la première image que j'ai d'eux). Ils ne parlent pas beaucoup, ce qui a pour conséquence de me stresser d'avantage. Puis, c'est le tour de la directrice, très dynamique, partante pour la véritable aventure humaine que constitue cette journée.

Elle m'apprend, ho angoisse, que je ne travaillerais pas avec le groupe prévu, mais avec les 5/6 ans, puisq'une des animatrices de ce groupe passe ses examens le jour même, c'est sympa de prévenir.

Puis, roulements de tambours, ce sont les enfants qui arrivent.
La directrice est à son poste (derrière son bureau), l'animateur qui doit travailler avec moi est assis à côté d'elle sur une chaise. Moi, je suis seule dans ma salle, à attendre les enfants, qui passent devant moi sans même m'accorder un regard, et moi je me dis holà, ça commence bien ! Je me sens comme un gladiateur qui s'apprête à entrer dans l'arène, d'où il sait qu'il a peu de chance de ressortir vivant ! Nan, peut être pas à ce point... Mais pas loin, quand même !

Ils arrivent peu à peu, mon animateur vient dans la salle, note les enfants. Certains prennent un petit déjeuner constitué de lait_céréales, les autres se sont mis à dessiner. Je choisis de commencer à lier contact avec les authoctaunes, m'assois avec eux sur une toute petite chaise, à une toute petite table, et, les laissant venir à moi, je me mets à dessiner sans plus me préoccuper d'eux. Si j'arrivais avec mes grosses baskets style :
"Bonjour tout le monde ! Je m'appelle Elodie ! Avec moi vous allez vous éclater !"
Non, je ne suis pas un GO du Club Med, je ne serais pas crédible.

après quelques courtes secondes, je sens de petits yeux interrogateurs se poser sur un moi, puis, une petite voix :
"Comment tu t'appelles ?"
Je lève les yeux : "Elodie, et toi ?"

"Tu es la nouvelle animatrice ?"
"Oui"
"T'as quel âge ?"
je souris du caractère enfantin et innocent de la question, puis réponds, puisque cela semble tous les intriquer au plus haut point :
"J'ai 19 ans, et toi tu as quel âge ?"
Pas de réponses, je fais comme avec mon frère, provoc' :
"Moi, je dirais que tu as quatre ou cinq ans"
"Mais nan, ho, ça va pas, je suis en CP, j'ai six ans ! ça va pas"

Cette réponse horrifiée m'aurait fait sourire, si elle n'avait pas été accompagnée d'un regard trop noir pour de si petits yeux, et d'un ton très dur. Qu'importe, je continue à dessiner.

Sans plus se préoccuper de moi, ils dessinent, d'autres se joignent à nous, plus pour voir cette nouvelle tête que par attrait pour les arts plastiques.
Au bout de dix minutes, il y a plus de monde autour de nos deux tables que dans le reste du centre, et tout le monde me pose des questions sur ce que je dessine, moi, je les observe, je ne sais pas trop ce que je dessine.

Je ne suis pas à l'aise, ce n'est pas comme avec mon frère et ma sœur, je ne connais pas ces enfants, ils se poussent, commencent à dire du mal des dessins des autres, s'arrachent les crayons des mains.
Je ne sais pas encore pourquoi ils font ça, aujourd'hui je saurais qu'ils me testent.

"Vas, engueule_moi, que je sache qui tu es, et si je peux me permettre ce genre de choses avec toi !"
C'est ce que j'entendrais si au lieu d'écouter mon cœur qui bat la chamade, je les écoutais eux.
Mais je suis stagiaire, je ne sais pas.

Mon animateur est retourné sur sa chaise, peut être est ce la directrice elle même qui lui a dit de me laisser seule avec la meute, histoire de voir si je tiens le coup.
Et oui, je tiens le coup, j'en gronde un ou deux, et même si les plus tenaces d'entre eux en rient, l'homosphère se détend.

Une fois que tous les enfants sont là, je me lance dans l'exploration des enfants, en même temps que dans celle de tous les jeux de société qui leur tombe sous la main. Jouer, c'est leur moyen de communication. Ils ne vont pas me payer un café, ou me filer des gâteaux apéritifs, eux, ils jouent.

Je me lie immédiatement d'amitié avec Axelle, gentille rouquine de six ans, qui semble moins atteinte que les autres par la vie qu'ils semblent mener ici, parmis ces immenses masses d'immeubles sous lesquels se situe la maison de l'enfance. Elle n'aboie pas, elle parle, gentiment, dis s'il te plaît, et merci, je vais vite m'apercevoir qu'ici c'est un luxe, et j'apprendrais ensuite comment en faire une réalité.

Puis, arrive natacha. Je pourrais lui réserver un article, à Natacha. Elle a six ans, en semble quatre, elle doit faire le poids de mon frère de trois ans. Elle a des beaux cheveux longs en boucles, et une robe blanche.
Pour l'instant, tout ce que je sais d'elle, c'est ce que je peux voir, mais je vais vite me rendre compte que Natacha, est une enfant, comment dire, exeptionelle.

La directrice arrive (la si, la sol... lol) avec un petit carnet pour noter le nom des enfants qui iront à la piscine le jour suivant. Il y a trop d'enfant pour qu'ils y aillent tous, ils se relaient.
Elle passe à côté de Natacha sans noter son nom, normal, vu qu'elle y a déjà été. Natacha dit qu'elle veut aller à la piscine. Non, tu y as déjà été, répond la directrice, puis s'en va.
Natacha chuchote comme pour elle-même, peut être à mon attention :
"Sale pute, connasse, sale pute, l'aime pas, elle !"
Mon esprit non_initié au parler fort agréable de Natacha, que lui aussi j'apprendrais plus tard, s'emporte :
"Dis donc, je lui lance, tu pourrais parler autrement !"
Natacha me regarde, je ne vois aucune rancune dans ses yeux, ce qui contraste avec sa réponde haute en couleur et en poésie :
"Ta gueule, sale pute. "

Je lui réponds le plus calmement possible, mais avec une voix qui me trahit, qu'elle n'a pas à me parler comme ça, et lui demande d'aller s'asseoir un peu plus loin. "
Natacha ne fait rien, ne bouge pas. Je réitère. Rien. Je me lève. Avant que j'aie pu faire quoi que ce soit, elle se met à hurler à la mort en se tordant par terre, j'essaye de la calmer, de la prendre contre moi pour éviter qu'elle ne se fasse mal, ou à un autre enfant.

Au bout d'un moment, je la lâche, et me dirige vers le bureau de la directrice, juste en face de notre porte.
Elle est derrière son bureau, et l'animateur, sur sa chaise.
"Heu... y'en a pas un qui voudrais venir m'aider là ?"
L'anim se lève, suivi de la directrice, elle me demande qui me cause des problèmes, je lui réponds.

"Haaaaa, oui, il y a des situations qu'il ne faut pas déclencher, avec Natacha"
Dois_je comprendre qu'en plus c'est ma faute ? Indignée que je suis, je rétorque.
"Je ne peux quand même pas lui laisser tout faire !"
"Ha ça non" répond elle, et elle amène Natacha avec elle, qui se laisse faire sans rien dire. Natacha s'installe près du bureau de la directrice, qui lui sort des feuilles et des crayons, elle dessine, comme s'il ne s'était absolument rien passé. Puis, au bout de quelques minutes, elle revient dans la salle, et se mêle au jeu que je suis en train de faire avec les autres, elle rie, elle joue, tout va bien.

L'après midi, les enfants jouent dehors, en plein milieu de la cité, entre les caddies, les vieilles chaussures, quelques cas à mains, et sans doute non loin de là, les mégots de joints.
La directrice vient discuter avec moi.
Après quelques innocents : "Il fait chaud" "ha ça oui alors, c'est sur", elle me parle de Natacha. Natacha à des troubles du comportement (naaaaaan, sans blague). Elle va dans une école spécialisée, et vient chez eux depuis trois ans. Au début, elle se mettait dans des rages folles, allant jusqu'à se cogner délibérément la tête dans toute surface dure à sa portée.
Une autre à été adoptée, après avoir commencer son existence dans un orphelinat roumain, les enfants la_bas n'ont rien pour les éveiller, l'enfant a donc un léger retard mental, qui se ressent tout de même assez.
Un autre enfant est attardé, mais je ne le verrais que deux jours. Je verrais aussi sa mère découragée se confier à moi.
Elle était assez épuisée, son fils de six ans n'était toujours pas propre, elle avait tout essayé, tout !
Si je n'avais pas été stagiaire, je lui aurais dit que les jeunes enfants considèrent leurs matières fécales comme faisant partie de leur corps, et que c'est pour cette raison, qu'il devait avoir du mal à s'en séparer, cela l'effrayait. Je lui aurais conseillé d'expliquer à son fils que le corps prends tout ce dont il a besoin dans les aliments, et que le reste, il le rejette, et alors ça se transforme en "caca", et qu'il n'en a plus beoisn, j'aurais aussi ajouté qu'à mon avis son fils était plus autiste qu'autre chose, mais je n'ai pas osé, je n'ai rien dit, j'ai fais "hum hum".

Au fil des jours, j'ai appris à dompter mes petits fauves, et quand le soir venait, dans le bus, je me disais : "vivement demain !"
J'ai appris à parler le Natacha, à éviter qu'elle se roule par terre et n'insulte tout le monde. Je me suis rendu compte que pour qu'elle se contrôle, il fallait que je me contrôle moi_même, que je ne cède pas à la panique.
Il y a un ou deux enfants que je n'avais toujours pas cerné en partant. Des enfants que sans doute je croiserais dans la rue dans peu de temps, sans les reconnaître, ils cracheront par terre et auront un jogging remonté sur leurs chaussettes. Mais bon, avec d'autres colos, j'ai appris que même ceux là ont un caramel mou à la place du cœur, il suffit d'être assez solide pour arriver à percer la carapace, je ne pense pas l'être totalement pour l'instant, mais l'est-on un jour ?

J'ai quitté la maison de l'enfance, mais j'y suis retourné ensuite, pour deux mois, et j'ai adoré ça, encore plus que la fois précédente, puisque les autres animatrices, pardon si elles lisent l'article, n'étaient pas vraiment faite pour ce genre de publique, et que donc j'ai pris la majeure partie des choses en main, mais cela sera un autre article.

Que cela ne décourage personne, le fait de voir un de ces gosses vous dire "Je t'adore très" (vécu), et apprendre à demander au lieu de cogner, à faire des concessions, ça vaut tout l'or du monde.

Commencer avec un public dur, c'est une vaccination, lorsque vous avez cottoyé les enfants qui ne mangent pas à midi, à qui vous donnez des goûters quand vous vous en rendez compte, des enfants que les parents oublient à la fin de la journée, d'autres qui, on le voit, se prennent des raclées à longueur de journée, vous les trouvez moins insupportables, soudains. Et quand l'un de ces gamins dont personne ne veut dans son groupe atterrit dans le vôtre, et que pendant le voyage en car il s'endort sur vos genoux alors que vous lui caressez les cheveux en lui chantant sans doute la première berceuse de sa vie ! Là, vous pouvez vous dire que c'est un beau métier !
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