Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Des victimes du nazisme réclament leurs comptes en Suisse


Depuis un demi-siècle, des millions de francs dorment dans les coffres des banques suisses. Ce sont pour partie les fonds de familles juives anéanties par l'Holocauste. Pour mettre fin à ce scandale, les banquiers suisses veulent apurer leurs comptes.



Avant de monter dans un wagon pour Auschwist certaines victimes de l'Holocauste n'ont pas toujours pris la peine de laisser à leurs proches le numéro de leur compte en Suisse. En 1945, nombre d'établissements bancaires helvétiques n'ignorent pas que leurs coffre renferment des millions voire des milliards que personne désormais ne viendra réclamer. Leurs propriétaires et toute leur famille ont disparu dans les fours crématoires, ultime étape de la "Solution finale". Que faire de ces comptes ouverts avant et pendant la Seconde Guerre mondiale par des Juifs ? De 1945 à 1952 une loi helvétique a gelé tous les avoirs allemands détenus par les banques suisses. Après identification, ces avoirs ont été débloqués "sauf ceux qui avaient appartenu à l'ennemi" c'est-à-dire à des hauts dignitaires nazis ou à leurs proches... sieze millions de francs suisses ont été ainsi restitués.
En 1962, un arrêt fédéral fait obligation aux banques, avocats, gérants de fortune de déclarer tous les biens : monnaie, or, papier-valeur, contenu des coffres-forts "dont il y avait lieu d'admettre qu'ils appartennaient à des victimes du régime nazi".
Pour procéder à ces recherches, la Confédération helvétique a recours aussi bien au comité international de la Croix-Rouge qu'à des intermédiaires privés . Une grande banque fera même appel à deux rabbins. 7,5 millions de francs suisses seront versés à des personnes privés. Dans l'impossibilité d'identifier 2 millions restant, les banquiers font parvenir la somme à des organisation juives, la Fédération suisse des communautés israélites et l'Organisation d'aide aux réfugiés.


Une somme symbolique

"Une somme symbolique" estime aujourd'hui Serge CWAJGENBAUM, le secrétaire général du Congrès juif européen (CJE) ajoutant qu'"on peut légitimement penser qu'il y a encore des avoirs juifs importants dans les banques suisses". Pendant un demi-siècle les survivants de l'Holocauste ne disposent d'aucuns moyens de recours pour, à titre individuel, retrouver leurs comptes. Seule solution : des démarches coûteuses et à l'aveuglette par le biais d'avocats internationaux. Selon le représentant du CJE, "l'immédiat après-guerre a été une période de chaos au cours de laquelle les rares rescapés cherchaient d'abord à reconstituer leurs familles. Avant de se préoccuer de savoir s'ils possédaient de l'argent en Suisse, les Juifs ont dû se remettre d'un immense traumatisme. Ce n'est que dans les années soixante et soixante-dix que les familles ont tenté de se renseigner. Une démarche très difficile. Comment savoir si son père ou son grand-père possédait un compte ? A quelle banque s'adresser ? Les documents avaient pour la plupart disparu. Très peu d'individus ont réussi à obtenir gain de cause. D'autant que les banques suisses faisaient facilement la sourde oreille."
"Beaucoup d'événements de plus ou moins grande importance ont créé un climat favorable, explique Elan STEINBERG, directeur exécutif du Congrès juif mondial à New York. La chute du mur de Berlin, bien sûr, des films comme La liste de Schindler de Steven SPIELBERG, la déclaration de Jacque CHIRAC concernant les responsabilités de Vichy, ont sensibilisé les opinions publiques internationales". Dans ce contexte et à l'occasion des célébrations du cinquantième anniversaire de la libération des camps en 1995, les autorités bancaires suisses ont décidé de mettre en place un système permattant aux banques ayant le droit des avoirs "sans nouvelles" de récupérer leurs fonds. Une procédure relativement complexe en raison du temps écoulé et de la discrétion naturelle des banquiers toujours soucieux de protéger le secret bancaire. En mars 1995, le conseiller aux Etats de Fribourg, le socialiste PILLIER, saisit le Conseil fédéral et pose la question : "La presse étrangère a rapporté que les banques suisses s'appropriaient des valeurs parfois considérables appartenant à des clients qui ne s'étaient pas manifesté depuis des décennies et dont les héritiers ne pouvaient pas faire valoir leurs droits, faute de connaître mots de passe et numéros de comptes". Et le conseiller PILLER s'interroge sur ces pratiques bancaires et le montant de ces avoirs supposés. La réaction de l'Association des banquiers suisses (ABS) ne s'est pas faite attendre : "Nous voulons être transparents et clore le passé une bonne fois pour toutes", affirme Sylvia MATILE leur porte-parole. Le 12 septembre 1995, l'ABS communique publiquement les résultats d'une première enquête qui concerne douze banques parmi les plus importantes. L'étude porte sur les comptes ouverts avant 1945 et qui sont restés "sans nouvelles". Résultat : 893 comptes. Butin : 40,9 millions de francs suisses soit environ 25 millions d'euros.


Mettre fin à un malentendu

Une somme non négligeable mais qui est bien loin des 3,8 milliards d'euros évoqués par la presse américaine. D'autant que parmi les 893 dépôts, il n'a pas encore été possible d'identifier ceux attribués à des victimes de persécutions raciales durant la Seconde Guerre mondiale. L'ABS considère que ces comptes sont "relativement peu nombreux" et que "les montants qui y sont déposés sont souvent très peu élevés". Mais les nouvelles directives devraient enfin permettre à des personnes privées de faire des démarches individuelles pour obtenir gain de cause. "Sans le concours des banquiers suisses on ne peut absolument rien obtenir", souligne Serge CWAJGENBAUM. C'est pourquoi à partir du 1er janvier 1996, les banques devraient être tenues d'installer un marquage informatique permettant de décter les comptes dont les propriétaires ne se sont pas manifestés depuis dix ans. Les directives prévoient même la mise en place d'un système de sécurité pour éviter que "des collaborateurs indélicats ne débitent de manière illégale les comptes dont le titulaire ne se manifeste plus". Mais la véritable innovation réside dans la création d'une "Centrale de recherche" dont les modalités de fonctionnement ne sont pas encore définitivement arrêtées. La Centrale devrait néanmoins être installée chez l'Ombudsman (médiateur) des banquiers à Zurich. L'ayant droit qui s'est fait identifier, doit produire un certain nombre de documents (acte de décès, testament, liens 'filiatifs"...). La Centrale communique alors la demande aux banques qui seront obligées de lui fournir tous les renseignements nécessaires pour que l'héritier récupère son bien. Le secret bancaire ne saurait donc être un obstacle. Pour la Suisse, la restitution des biens des victimes de l'Holocauste devrait mettre fin à un "malentendu" plus moral que financier compte tenu de la relative importance des fonds, selon l'ABS, jusqu'à présent identifiés.
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