Bang ! N°6

Le numéro printemps 2004 de Bang ! Est sorti, et une nouvelle fois c'est un programme riche et varié qui nous est proposé. Après Moore et ses superhéros décalés dans le numéro 5, le dossier spécial du numéro 6 est consacré à l'univers très personnel d'Enki Bilal. La sortie de son film Immortel ad vitam justifie ce gros plan sur un dessinateur hors norme du neuvième art. Ce dossier spécial permettra à ceux qui ont vu le film d'en apprendre davantage sur sa réalisation et de retrouver certaines images, et donnera, à ceux qui ne l'ont pas encore vu, l'envie d'aller au cinéma. Dans son interview, Bilal nous dévoile ses rapports avec le cinéma et la bande dessinée, et son travail sur le nouveau film.


Après ses deux premiers films, Bunker Palace Hôtel (que je vous recommande chaudement) et Tykhomoon, Bilal renoue avec le cinéma. La griffe du dessinateur marquait déjà les deux premiers longs métrages : même si ses films n'avaient pas de liens directs avec ses BD, ils prolongeaient pour autant son univers. Mais Immortel ad vitam va plus loin, car il s'agit d'une réécriture (et non d'une adaptation fidèle) de la célèbre trilogie Nikopol, qui a fait le succès de Bilal.


Bang ! Nous gâte en nous offrant six pages du storyboard d'Immortel ad vitam, annoté par l'auteur. Un bon moyen pour s'immiscer dans l'univers du film et avoir une petite vision d'une étape très importante dans la création du film. Et à la fin du dossier spécial vous trouverez des images 3D ayant servi aux décors de production : le réalisme de New York flirte avec la fantasmagorie sortie tout droit de la tête de Bilal et des infographistes.


Si la revue Bang propose toujours une interview d'un monstre de la BD tel que Bilal, elle ouvre aussi ses pages à des jeunes auteurs moins connus, au potentiel prometteur. Le numéro 6 nous offre ainsi un récit de Aude Samama : Le Troisième homme. Dans ses planches assez sombres, on sent l'influence très prégnante de l'impressionnisme allemand sur cette jeune femme. Le scénario, qui tourne autour de trois personnages deux frères et l'épouse de l'un des deux, est intimiste et poignant.


Bang ! revient aussi sur l'histoire de la BD en nous faisant découvrir ou redécouvrir le dessinateur Jost Swarte (un des premiers théoriciens de la ligne claire), l'humour "bête et méchant" de Charb, et le magazine satirique américain Mad qui a influencé bon nombre d'auteurs BD et pas des moindres (je pense notamment à Loisel et Le Tendre, Gotlib pour ne citer qu'eux). Pour tout apprendre sur ce phénomène ravageur dans le monde de la BD (les auteurs de la revue se sont en effet toujours amusés à piétiner la culture américaine bien pensante), il vous suffit de lire l'article de Nikola Acin, qui est comme d'habitude illustré de nombreuses planches avec notamment deux histoires-parodies complètes : Prince Violent, et Mission ridiculous.


La BD est un art avec ses codes et ses genres et l'équipe de Bang ! semble vouloir le proclamer haut et fort dans chaque numéro. Ainsi l'article de Jean-Philippe Martin "bio-graphiques : sa vie, son œuvre, etc." nous propose une réflexion de fond très intéressante sur le genre de la biographie dessinée, sur son histoire et ses origines, sur ses ressorts dramatiques, et sur la place de la BD par rapport au cinéma ou la littérature dans ce genre de la biographie.


Enfin pour les lecteurs et les acheteurs de BD, Bang ! propose un cahier critique avec une analyse des nouveautés dans le monde du neuvième art. Les critiques vous donneront envie de lire et/ou vous permettront de faire un choix parmi la très grande production BD du moment.