Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Dark blood


N'avez-vous jamais eu peur seul, dans la rue, le matin tôt, le soleil pas encore levé ?



Aujourd'hui, c'est le grand jour. Il est temps que je me lève. C'est dur, il est à peine trois heures. Mais bon, si je tiens à arriver à 4h30 devant le lycée, il me faut faire cet effort. Ce n'est pas tous les jours que l'administration scolaire propose un week-end à la mer. La maison est encore endormie. Je vais doucement réveiller ma mère pour lui dire que je suis prête à partir. Elle me sourit, m'embrasse sur les deux joues et s'excuse encore une fois de ne pouvoir m'accompagner. Elle est malheureusement malade. Donc je dois y aller seule. Cela ne me réjouit pas des masses. Mais il le faut bien.
Dehors, il ne fait pas très chaud. Mon lourd sac sur le dos, je commence à me diriger vers le point de rendez-vous. Pas un chat bien sûr. Toutes les lumières sont éteintes. Seuls les deux-trois réverbères du centre illuminent d'une teinte blâfarde le goudron de la rue. Je passe devant la boulangerie. Finalement, je ne suis pas la seule à être levée. L'odeur du bon pain me rassure. Je ne suis plus très loin. Malheureusement, je suis obligée de passer par la petite rue Emile Dupuy. J'ai toujours détesté ce chemin. Aucun réverbère, il y fait si sombre. Je frissonne. Bon, allez, j'y vais. Je l'ai déjà pris des milliers de fois cette ruelle. J'avance. Je me chante "First Love" d'Utada Hikaru dans la tête pour ne pas avoir à trop réfléchir. Le vent s'engouffre dans ma doudoune. Je frissonne à nouveau. J'en ai assez. J'ai l'impression que cette "petite" rue n'a jamais été aussi longue. Je continue de chanter. Je presse le pas. Je ne sais pas pourquoi. Je commence à fredonner. Je souris et me dis que les filles rigoleraient sûrement beaucoup de moi, si je leur raconterais la frousse que je vis maintenant. Un carton près des poubelles tombe. J'étouffe un cri, un rat s'enfuit. Je déteste ces bêtes-là. Je me dis que je n'ai vraiment pas de chance. Je m'arrête, je ferme les yeux et respire un bon coup. Lorsque je les rouvre, je ne peux m'empêcher de fixer la voiture rouge garée plus loin. Les vitres semblent teintées. Mais je ne peux m'empêcher d'attendre un mouvement. Je voudrais bien bouger mais j'ai peur. Détournée les yeux, je n'y arrive pas. J'ai froid, très froid. Je parviens à serrer mes bras autour de moi. A ce moment, j'entends des pas derrière moi, je pivote et voit une vieille dame avec son chien. Elle évite de me regarder tandis que je la suis du regard. Elle presse le pas auprès de moi. Elle doit penser que je suis folle. Je ris à nouveau de moi. Je me retourne à nouveau vers la voiture. Je hausse les épaules. Je dois la dépasser. La dame n'est déjà plus là. J'avance alors. J'évite de regarder vers elle. Malgré tout, je ne parviens pas à me rassurer. Près de la portière avant, je tourne rapidement mon visage vers la vitre et là, une homme me regarde avec un sourire torve. Je crie. Il ouvre sa portière. Ma main portée à mon cou, j'ai l'impression d'étouffer. Je continue de crier mais j'ai du mal. Il prend mon bras, enfonce ses ongles noirs dans ma chair. Il continue de sourire. Son regard est mauvais. La peur me submerge, je perds connaissance.
Lorsque je rouvre les yeux, je sais que je n'ai pas rêvé. J'ai mal à la tête, mon bras est tout endolori. Des marques rouges zèbrent mon bras, là où il m'a tenu. Je suis dans la voiture. Elle roule à vive allure. Je n'ose pas regarder devant moi. J'évite le siège avant. Je regarde par ma vitre. Des arbres défilent, il continue de faire nuit. Je n'ai plus mon sac.
- Réveillée ?
Je sais qu'il me regarde mais je préfère continuer à regarder les arbres.
-Bien silencieuse... J'apprécie.
La voiture s'arrête. Je frissone. Je tourne enfin mon visage et regarde malgré moi dans le rétroviseur avant. Il me regarde. Son visage anguleux où ses iris noirs comme l'ébène mélès au sang de leur globe qui me fixent, me révulsent. Ses longs cheveux noirs sont tirés en arrière et dévoilent un crâne luisant. Il se retourne vers moi et approche ses doigts de mon visage. Il enfonce à nouveau ses ongles dans ma peau mais cette fois-ci, de mon menton. Je pleure. Je sens le sang couler sur ses mains. J'ai terriblement mal. Je ferme les yeux et attends. Je sais que c'est la fin. D'ailleurs...
- C'est fini pour toi, ma douce.
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