Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Maroc : au coeur du trafic de drogue


Le Maroc est le premier producteur mondial de cannabis avec une production annuelle de près de 100 000 tonnes... Un chiffre qui fait peur mais qui n'en est pas moins véridique. Comment fontionne ce trafic ? Quelles sont les régions qui fournissent le monde en drogue ? Et que peut faire l'Etat face à ce gigantesque réseau ?



On classe le Maroc premier producteur et exportateur de haschich dans le monde avec une production annuelle de plus de 100 000 tonnes de kif brut qui engendre près de 2 milliards de dollars de revenus tous les ans. Arrêtons de fermer les yeux : au bas mot 75 000 hectares de terres sont en train d'être cultivés en ce moment même.

Difficile à visualiser dites vous ? Alors imaginez des champs gigantesques de cannabis qui s'étendent autour de vous jusqu'à l'horizon et même bien plus loin, imaginez d'immenses plantations qui semblent pousser naturellement et qui bordent les autoroutes sans pudeur. Bienvenue au Maroc.




Le Rif, coeur du réseau
Le Rif, Nord du Maroc, est une région magnifique faite de superbes montagnes vertes... Un paysage paradisiaque. De splendides cédraies à perte de vue... Seul détail troublant : en baissant les yeux on se rend vite compte qu'il y a plus de chanvre que d'herbe ! Le cannabis semble faire parti de l'écosystème, comme pour aider les populations rifaines à survivre, à améliorer leur quotidien et elles le cultivent au même titre que l'orge ou le maïs. Avec son parfum discret qui flotte dans l'atmosphère, cette plante à l'esthétique effilée fait partie du charme du Rif où elle est omniprésente

Malheureusement, les intérêts de l'utilisation du cannabis ont fait de la région une gigantesque usine de drogue à ciel ouvert gangrené par la corruption, où une poignée de mafieux s'enrichissent sur le dos des habitants.

Comment fonctionne ce trafic ?
Chefchaouen, Ketama, Ouezzane peut-être que ces villes ne vous disent rien mais à elles seules elles fournissent le monde en drogue. Des milliers d'hectares cultivés depuis des décennies, comme une tradition, avec au milieu des plantations les rustres maisons des cultivateurs construites en forme de hangars pour stocker les productions locales. C'est dans ces hangars que commence le circuit infernal du trafic de drogue.

Voilà à peu près comment ça se passe : chaque soir, des voitures chargées à bloc (jusqu'à 200 kilos de kif et de résine par voiture) prennent leur départ; après quelques kilomètres elles seront vite confrontées aux premiers barrages, deux choix s'offrent alors à elles : payer un pot de vin, 200DH aux douaniers (= environ 19euros) ou contourner grossièrement la douane en empruntant des petites pistes dangereuses. Et ainsi de suite. Le barrage de Zoumi, extrêmement surveillé, représente le plus gros danger : une fois dépassé, la cargaison sera déposée dans d'autres hangars où le cannabis en poudre sera "pressé" puis coupé afin d'être distribué partout dans le pays.

Tout cela s'effectue en toute illégalité, au vu et au su des autorités qui ferment les yeux face à un problème insolvable.


Mais que fait la police ? !

Malgré l'importance du phénomène dans le pays, cultiver du cannabis au Maroc est formellement interdit par la loi et tout le monde pratique la politique de l'autruche.

Parfois, il arrive que des cultivateurs se fassent arrêter mais c'est presque juste "pour le principe". Tout le monde sait ce qui se passe au Rif. Ils font semblants de ne pas voir les champs voisins, et les centaines d'autres cultivateurs continuent à dormir sur leurs deux oreilles pendant que la police sanctionne un bouc émissaire. Le système est ainsi fait et personne n'a jamais osé le contesté (pressions obligent). Alors, les pauvres paysans, après avoir purgé quelques années de prison, reprennent aussitôt leur champs en main comme si de rien n'était et ils continuent à cultiver la plante illégale...

Tout le monde fait semblant de ne rien voir, de ne rien comprendre. A ce stade, ce n'est plus de l'hypocrisie, c'est plutôt la schizophrénie aiguë. On sait aujourd'hui que la drogue rend schizophrène et ce, non seulement par les substances toxiques qu'elle contient, mais aussi par les intérêts énormes qu'elle représente.

Si tout le monde se contente de ce système mafieux c'est parceque tous les maillons de la chaîne s'en mettent pleins les poches : Les passeurs qui transportent de 5 à 10 kilos sous leur vêtement (autour de la taille et du buste) reçoivent seulement 250 DH par kilo acheminé car ils ne courent pas de dangers spéciaux et ne passent que des petites quantités. Ces passeurs peuvent être des hommes ou des femmes, ils travaillent pour les dealers moyens.


Les petits chauffeurs qui acheminent dans leur voiture la drogue jusqu'aux hangars reçoivent près de 5000DH par voyage en comptant les frais de carburant et les pots de vins, (= environ 450 Euros) ce qui ne représente rien quand on sait que ce seul voyage rapporte près d'1,5 million de DH.

Pour les très grosses quantités c'est une autre affaire. Là ce sont d'énormes camions chargés de tonnes de haschich qui traversent le pays et qui empruntent les grandes routes en corrompant tous les barrages ; ces chauffeurs, à la solde des parrains de la mafia locale, sont extrêmement bien payés.

On peut également se demander pourquoi les représentants de l'ordre, censés faire appliquer la loi, se laissent corrompre et contribue ainsi au trafic de drogue dans le pays ? C'est en partie parce que leur salaire est insuffisant. Si les douaniers laissent passer 5 voitures chargées par jour, ils verront leur revenus tripler : ils ont donc tout à gagner en se laissant corrompre. De plus, il faut savoir une grande partie de la population marocaine consomme régulièrement du haschich, et ils n'échappent pas à ce phénomène. En laissant passer des camions pleins de drogues, non seulement les douaniers arrondissent bien leurs fins de mois mais ils sont sûrs d'avoir le haschich dont ils ont besoin.

Réprimer pose de nombreux problèmes
Alors que faire ? Réprimer ? Pas si simple.
La production de kif faisait vivre plus de 200 000 familles d'agriculteurs il ya 15ans. Avec l'accroissement démographique énorme de la région, on peut estimer ce chiffre à plus 300 000 aujourd'hui. Tous ces gens ne survivent que grâce à leurs champs de cannabis.

Il ne faut pas se voiler la face, la drogue constitue un attrait touristique majeur : c'est le haschich pur de la région qui, attirant ainsi les touristes, a permit de développer des villes comme Chefchaouen. Autant dire que c'est tout le Nord du Maroc qui vit de ce commerce.

Et si vous demandez au maire de la région pourquoi il ne fait rien il vous répondra que "le kif ne tue pas ; la faim, si". Et si l'Etat doit intervenir, il réprimera, condamnant ainsi 5 million de personne à une faim mortelle... Ce problème n'est donc pas aussi simple qu'il en a l'air.

De plus une telle population dans le besoin pose un problème encore plus concrêt : une région montagneuse sans écoles ni réelles infrastructures pourrait vite se transformer en poudrière si le moyen de survie des populations venait à disparaître.

L'Etat cherche des solutions
La situation est complexe. Un projet très audacieux va être mis sur pied, objectif : l'éradication totale du cannabis à l'horizon 2008. Mais comment faire pour éradiquer le cannabis quand on connait l'ampleur du phénomène ?

Certains proposent des cultures alternatives mais il est dur de trouver un produit aussi rentable que le cannabis, il est impossible par exemple de lui substituer le blé ou l'orge car le kif, si rentable qu'il soit, leur permet à peine de vivre !

On envisage également d'autoriser la culture du kif, mais interdire sa transformation en drogue. Oui, c'est très sérieux car d'après un rapport scientifique canadien détaillé, la plante peut servir à bien d'autres choses comme la fabrication d'objets (cordes, ficelles, fil grossier, tissus, papier, matériaux de construction), d'aliments (notamment de l'huile) ou encore au traitement de maladies telles que le sida, l'anorexie ou le glaucome.

Mais cette solution requiert l'installation d'industries nombreuses, performantes et accessibles et si elle est adoptée il faudra des décennies pour la mettre en pratique...

Bien sûr, il est impossible de faire entendre le mot légalisation aux gouvernants. Mais envisageons la question : si ce commerce était légalisé et sujet aux impôts, il représenterait la première ressource du pays soit près de 50% du PIB ! La région deviendrait une grande station touristique : une sorte de gigantesque Amsterdam.

Il est vrai que la légalisation apporterait certains avantages. Les prix actuels sont gonflés par les risques qu'induit l'illégalité donc une légalisation baisserait significativement les prix attirant une masse de touristes énorme. La concurrence entraînerait une hausse de la qualité et un contrôle suivi de l'Etat empêcherait l'ajout de substances nocives pour la santé (comme le henné ou autres). Mais légaliser une drogue est-ce réellement une solution ? N'est-ce pas un moyen de contourner le problème, ou encore de corrompre la jeunesse marocaine ?


En conclusion

Il est évident que la résolution du problème du cannabis représente un enjeu énorme qui pourrait soit donner le coup de pouce dont le Maroc a besoin pour achever son développement soit au contraire plonger des populations entières dans la misère. L'Etat ne veut pas prendre position pour l'instant car la situation est très délicate et en attendant une réforme concrète, la drogue continue à circuler illégalement dans le pays faisant la fortune de quelque mafieux qui profitent des failles du système.
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