Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Dissymétrie relative


Je ne me ressemble pas. Etrange sensation. Qui suis-je, être si différent de lui-même ? Comment s'accepter par deux aspects différents ? Brêves discussions sur une assymétrie corporelle.



Peut-être que tout ça arrive à tous ? Peut-être que ce sentiment ambigu de se voir de telle ou telle manière selon l'angle n'est en fait qu'une illusion ? Tout commence simplement : un type, ses deux profils. Le gauche, plutôt beau. Et le droit, plutôt l'inverse.


Tenter d'exposer toujours son soi qui est le mieux, partout, tout le temps. Photos, s'assoir à une table. Lorsqu'on croise quelqu'un dans la rue, lorsqu'on marche, court, ris, joue, parle. Imposer une vision de soi aux autres, celle qui nous valorise un maximum. Le profil gauche. Tout cela est tellement stupide, n'est-ce pas. A quoi sert-il de se voiler la face (droite, en l'occurence) pour en fait en souffrir plus qu'en profiter ? Car il est clair que l'infaillibilité n'est nul part, et vient le moment ou, plus ou moins longtemps, plus ou moins difficilement, avec plus ou moins de réticence et de feinte indifference, ce côté apparait aux yeux du monde. Jugement, regards, pensées... ? Que se passe-t-il dans l'esprit des gens qui voient ? Ne remarquent-ils aucune différence, en voient-ils une mais ne le montrent pas ? Et tout ça pour quoi, en définitive... Pour paraître toujours mieux. A quoi sert-il d'être toujours mieux qu'on ne l'est en réalité, puisque viendra l'instant ou tout ça s'écroulera, pour se reconstruire ensuite. Ou pire, tout ça n'est qu'illusion, et rien de ce que je vois n'est vu de la même façon par les autres.
Je me vois deux fois. Une fois, de gauche, tout va bien. Puis de droite, rien ne va plus. Questions, puis habitudes, se gratter le sourcil droit plus souvent que nécessaire pour esquiver des regards. Tout ça est tellement stupide. Pourquoi ne pas simplement rester soi-même, sans se poser de questions sur l'assymétrie de ce visage ? Peur que ce soit désormais en moi, même si parfois je me fiche de ces éventuels jugements. Et ce texte incompréhensible que j'écris depuis quelques instants déjà, à tel point qu'on se pert dans des phrases dénuées d'intérêt.


Le pire, dans tout ça, c'est qu'en montrant ce côté de soi au monde, on a peur de décevoir ensuite, lorsqu'on se sent réellement bien avec quelqu'un, en devenant vraiment ce qu'on est, ce physique en trois dimensions, cette personnalité sans ces vains gestes de dissimilation devenus machinaux ; sans ces calculs de position dans l'espace, pour être le mieux vis-à-vis de ceux à qui on souhaite le moins montrer notre mauvais côté. Car tout ne devient qu'incessants calculs mécaniques, inconscients qui dirigent nos pas, qui nous fait choisir notre place à une table, dans un groupe. Ces coordonnées corporelles, toujours les mêmes, à longueur de temps, sauf quand, parfois, il arrive que nous soyons trop las pour suivre l'inconsciente procédure, pour respecter l'incontrôlé protocole, alors s'ensuit un moment de légère torpeur indifférente.

Terminons, c'est mieux, sans doute. D'abord, ce regard sur soi, si différent de celui des autres, celui-ci étant ce qui nous importe le plus. Ensuite, cette assimilation confondue de ces deux visions, qui nous pert. Enfin, peut-être, apprendre à discerner les deux, et ne pas mener d'improbables implications de l'une à l'autre. Toujours est-il que c'est un fait, tout cela est plus facile à écrire qu'à faire. Attendons de voir. Et des deux yeux, si possible.
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