Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Rends-toi à Rome


Voici la première partie d'une histoire qui met en scène la transformation progressive d'un webmaster en soumis, et cette révolution est accomplie par une parfaite inconnue ! A lire et relire jusqu'à ce que lassitude s'en suive



Vers six heures le temps fraîchit; j'ai fermé les volets et je me remis à écrire.
A sept heures entra Richard; il revenait du boulot.
Il dit : "tiens ! Tu travailles ? "
Je répondis : " j'écris.
- Tu écris quoi ?
- Un roman.
- Pour moi ?
- Non.
- Trop savant ?...
- Erotique.
- Pour l'utiliser comme support de masturbation ?
- Je ne suis pas en taule, comme ce pauvre de sade.
- Encore des confessions ?
- Presque pas.
- Quoi donc ?
- Assieds-toi. "
Et quand il fut assis :

" J'ai trouvé dans un livre à la médiathèque cette calligraphie juive :
$££µ£&1§£. "
Je traduis : - c'est une femme qui parle à son amant; elle lui dit qu'elle voudrait être à la place de son chien, qu'il lui donne à manger des croquettes, qu'il la promène tenue en laisse à la tombée du jour, portant un collier avec son nom et son numéro de téléphone, et qu'il l'encule quand il ne trouverait pas de femme. - un fantasme sado-maso, diras-tu ?... - Richard ne dit rien. Je repris : " ce roman, c'est spécialement l'histoire de qui veut par dessus tt inspirer de l'amour, c'est la triste histoire d'une femme qui, éprise capricieusement d'un insensible, fait tout et n'importe quoi pour être avec lui, espérant que l'habitude fera son oeuvre; voilà... Je raconte : - le premier mois, elle se laisse attacher et chatouiller avec une plume d'oie, et ne trouve pas cela déplaissant du tout. Le second mois, les yeux bandés, elle ressent une petite boule pétiller dans son rectum : il lui avait introduit un glaçon dans le cul. Le troisième mois, il lui offre des menottes. Le quatrième mois, il passe beaucoup de temps à travailler ses orifices avec de nombreux godes en plus de son pénis. Le cinquième mois, il lui donne des gifles et des fessées...
- Assez ! Dit Richard, - j'ai compris; - chère épouse, tu peux écrire. " Il partit.

La nuit était close. J'éteint mon pc. Je bus un verre de vin avec un morceau de fromage; je sortis; vers neuf heures j'entrai chez thérèse.
Thérèse était devant la télé, regardant un film; je m'assis auprès d'elle et commençai à rouler un joint. Elle me passa son briquet et, lorsque nous commençames à fumer :
" Qu'as-tu fait aujourd'hui ? " dit Thérèse, crachant la fumée sur ma figure.
Je ne me souvenais d'aucun acte et je répondis : "rien", inconsidérément, puis aussitôt, craignant des récriminations malveillantes, je songeai à Richard et m'écriai : " mon mari est passé à la maison à cinq heures.
- Moi aussi je l'ai vu, à Leclerc, il s'achetait des chaussettes ", reprit Thérèse; puis prennant un plaisir pervers à ressuciter d'anciennes querelles :
" lui du moins fait quelque chose, dit elle; il s'occupe. "
J'avais dit que je n'avais rien fait; je m'en voulais :
" quoi ? Qu'est-ce qu'il fait ? " demandai-je... Elle s'emballa :
" des tas de choses... D'abord il fait du karaté... Et puis tu sais bien : il est membre actif de plusieurs associations; il vient de créer une association pour envoyer de l'aide en Palestine. Il prend des cours de matérialisme historique et traduit bénévolement un journal communiste de l'espagnol au français. Il sait assez d'énergie alternative pour construire en Afrique des hôpitaux qui fonctionnent avec la lumière du soleil. - Richard fait beaucoup de bien : 5 SDF lui doivent de subsister encore; il manifeste souvent devant la préfecture pour la régularisation de sans papiers. Il vote à chaque fois qu'on organise des éléctions. Il collabore à la reconstruction d'auberges de jeunesse. - Enfin, les WE il fait de la photo engagée. - Et toi ! Toi, qu'est-ce que tu fais ?
- Moi ! Répondis-je un peu gênée - j'écris un roman.
- Un vrai roman ? Dit-elle, d'un ton sceptique.
Nous avons fini de fumer; j'attendis qu'elle finisse de rouler le deuxième joint pour reprendre : " ce roman, commençai-je, c'est l'histoire d'une femme qui a des problèmes avec Eros.
- Ah ! Fit-elle.
- Elle s'appelle kâli.
- Un étrange nom.
- Du tout, repartis-je - ainsi s'appelle la déesse indienne du cul.
Et puis je ne sais pas inventer.
- Pourquoi indienne ?
- Oh !... C'est la seule déesse du cul que je connais.
- C'est tout ?
- Non; je raconte ce qu'elle fait.
- Et qu'est-ce qu'elle fait ?
- Elle s'adonne au sado-masochisme...
- Pourquoi écris-tu, reprit-elle après un silence.
- Moi ? Probablement que c'est pour me masturber moins souvent.
- Tu me liras ça, dit Thérèse.
- Quand tu voudras. J'en ai précisément quatre ou cinq feuilles dans mon sac "; et les en sortant aussitôt, ac tte la solennité désirable :

journal de kâli

Malgré mon ivresse j'apperçois, quand j'ouvre un peu les yeux, plusieurs préservatifs usés qui traînent par terre; sur le lit, de rondes tâches de gel lubrifiant pour dilatations profondes; sur ma peau, des restes de cire depuis longtemps refroidie; un peu partout des godes encrassés de sang, de merde, de mouille.
Mon amant vient de partir, mais les saletés qu'il ne nettoie jamais prolongent sa présence; le plaid blanc qui couvre le canapé est plein de tâches de cendre; il ne reste plus de place où je puisse marcher car le sol est semé d'accessoires qu'il n'a pas eu le temps ou le désir de ranger. Dans la salle de bains, une serviette exhale le parfum du sperme qu'il a déchargé sur mon visage. A cause de tt cela, je suis de mauvaise humeur.
"
Moi, je ne le reverrais plus, ce mec, dit Thérèse; - mais continue - c'est très bien écrit. "
J'étais un peu fâchée par le souvenir que réveillait cette lecture :
" oh ! C'est à peu près tout, lui dis-je; le reste n'est pas achevé.
- Des notes, s'écria-t-elle - ô lis-les ! C'est le plus amusant; on y voit ce que l'auteur veut dire bien mieux qu'il ne l'écrira dans la suite. "
Alors je continuai, tâchant de donner à ses phrases une apparence inachevée :
Aux poignets, kâli a des hématomes causés par les menottes... - " encore une fois ce ne sont là que des notes...
- Vas-y continue !
- Mal au cou; fesses rouges; ressentiment grandissant - par nécessité elle ne peut pas se plaindre.
- Pourquoi ça ?
- Parce qu'il lui fait mal pour son bien, et avec beaucoup de tendresse.
- Mais enfin, il pourrait la tuer tendrement, elle n'en serait pas moins morte !
- Ce serait une belle fin puisqu'elle l'aime.
- Tu appelles ça amour, comment peut-on aimer quelqun qui te fait jouir à coups de cravache ?
- L'amour naît de l'admiration et de la gratitude; c'est trop compliqué pour t'expliquer cela maintenant, mais il faut être persuadé qu'il est plus difficile de frapper quelqun qu'on ne haït point et ne nous met jamais en colère, que de lui donner des baisers; kâli aime son amant parce qu'en la frappant comme un boucher, il choisi la voie étroite, celle qui mène au paradis.
- enfin - c'est bien : continue. "

- Elle commence à mouiller lorsqu'elle entend ses pas dans l'escalier - c'est un sac à mouille. Du cannabis sur la table basse; du vin; les épaules se relâchent. Eviter, quand il roule, qu'il s'assoie toujourjs à la même place ".
" Mais pourquoi cette note ?
- Parce qu'elle risquerait de devenir sa place, et kâli souffrirait en la voyant vide.
- Je trouve un peu maniaque ton personnage.
- Tant pis. Je continue ?
- Je t'en prie; elles sont très amusantes tes notes. "

- Kâli, sous les effets d'un douloureux état de manque, provoque son amant par SMS; il réagit avec violence; la tension monte; il l'emporte. - jeux dans la chambre à coucher; corde blanche agrippant sa peau; menottes aux poignets; plug dans le cul. Pour la faire baver, il ne la pénétre avec sa grosse bite qu'après lui avoir provoqué un tas d'orgasmes avec un gode réaliste; elle tombe en pâmoison et part si loin qu'elle parvient à voir un vieux monsieur en tunique blanche; c'était dieu.
Kâli la voit gicler sur sa figure, puis jouit une dernière fois.
- C'est tout.
- C'est tt ?
- Tout ce que j'ai écrit.
- J'ai peur que ce ne soit un peu pornographique, ton histoire", dit Thérèse.
Il y eut un vaste silence - après quoi je m'écriai toute émue : " Thérèse, Thérèse, quand donc saissiras-tu, je te prie, ce que c'est qu'une nuance ? - érotisme et pornographie ce n'est pas la même chose, l'érotisme suggère, la pornographie dit; et puis il y a le ton, je raconte cette histoire avec ironie et beaucoup d'humour, as-tu déjà vu un mec bander et rire en même temps ? C'est impossible, car l'érection masculine est un acte grave par excellence, et pour pouvoir être grave il faut être con.
- Mais moi je ne trouve pas, dit Thérèse.
- C'est parce que tu n'as jamais bandé. Voilà justement le sujet caché de mon livre; les hommes et les femmes ne sont pas pareils; la femme pense " je mouille, donc j'aime "; l'homme ne pense même pas, il bande, il bande, il bande; - mais regarde-toi donc ! As-tu déjà eu un orgasme de ta vie ? Tu ne sais pas ! Tu ne sais pas ! - et tu n'es pas la seule ! Des coincées, des frigides, des anorgasmiques, des mal baisées, en un mot, les femmes malheureuses font légion... Mais est-ce que je vais te faire honte de ton insatisfaction ? Et crois-tu vraiment que tu as su aimer ?
- Neuf heures, dit-elle; ce soir Richard anime un débat sur la souffrance causée par les incursions des chars israéliens en Palestine, et permet-moi d'y aller.
- Comme s'il n'y avait pas de souffrance en France, dis-je malgré moi.
- Sois sûre que ce n'est pas la même chose : nuance ! "
Elle partit.
Rentrée chez moi je tentai de mettre en vers le début de mon roman - j'en écrivis le premier quatrain :

Quand l'amour me manque
Partout je vois
Mon amant remplissant
la gamelle de son chien.

Et puis je me couchai, contente de ma journée.
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