Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Je suis celle qui t'attendait au pied de l'arbre


J'ai beaucoup de choses à te dire. Veux-tu m'écouter ?



Je ne sais pas ce qui m'arrive; je suis troublée, rigide, sombre. Je ne sais pas quoi faire. Moi, si froide d'habitude, si lointaine, je me vois pleurer. Et mes larmes sont copieuses. Comme c'est étrange. Ce n'est pas possible ce qui m'arrive. C'est irréel. La réalité est trouble, épaisse. Humains, dieux, mots et esprits, tous me parlent, me poussent, me bouleversent... Je ne suis qu'une simple mortelle ! Je te pense dans toutes les langues; je te devine, je te vois sous toutes les formes. Et toi, comme si mon regard était oblique. L'humidité te donne de crampes; tes jambes sont un peu lourdes.

Et maintenant, à l'heure de la vérité, nous nous sommes regardés en face pour décider de l'avenir. Le mot nous fait peur, la peau tressaille, dès pieds au crâne. Ici, l'air est frais, et les murs, tous blancs, se sont mis à pleurer. Le liquide règne; il ne pouvait pas être autrement. Nous le savons, nous vêtus d'un masque innombrable, nous et l'éternité, nous et la vie. Le sommet de la fin du royaume des cerfs ! Pour toutes les plaies ouvertes et les morts ! Est-ce possible ? Le monde ne nous aime pas, ses contours sont si réduits. On n'arrête pas de pleurer; nous pleurons tous, les murs, l'homme, et la femme. Et tout à coup...

Tout à coup, moi, la plus mouillée, je te dis que je veux être ta femme. Je sais ce que c'est, je te le dis, mais est-ce vrai ? Ta femme à toi, pour ta tête, pour ton ventre, pour tes jambes. Il est inévitable : nous ne ferons qu'un. Comme disait un escargot dans la prairie, un jour ensoleillé du mois de mai, " donne ta main à ton âme soeur et ton esclave deviendra ton médecin " bien évidemment, cet escargot savait de quoi il parlait... Nous devons pouvoir vivre ensemble, arrêter la marche du temps, comprendre que la vie conçue de cette manière n'a pas besoin de nom ni de date de naissance. Les larmes ont inondé nos poitrines. Ça fait mal. Oui, ça fait très mal... Comme de coups de fouet en feu ! Nous nous sommes promis que la douleur effacerait toutes les misères du monde. Nous entrons dans une seule rue, sans peser la taille de notre démesure, mais comme la poitrine est atteinte, hélas, d'un mal incurable... Nous entrons pour dire oui. Je veux être là le jour de chacune de tes morts. Et que le soleil tape de plus en plus loin.

Nous avons repris le dialogue. Tu veux que je te dise pourquoi on a mal. Je ne sais pas. Mais on a mal partout, l'esprit, l'âme et le corps sont atteints. On a le mal du siècle... Comme jadis, les médicaments n'ont pas d'effets primaires. Pour trouver un soulagement, il est nécessaire que les choses deviennent presque transparentes, plus légères, plus petites. En rendant les choses plus malléables, les apprenant notre façon de voir, des ailes pousseront au nombril, qui est le centre de tout, le début et la fin. Nous allons construire des cascades de lettres où chaque goûte toussera au moment de toucher le sol. La terre sera l'océan. Je dis ce que je pense. Tu écoutes ce que je dis. À moins que tout ceci ne soit qu'une illusion. Et les cercles, la maturité des grains.

Enfin, je veux que tu me dises qu'agoniser ensemble est ta nouvelle définition du bonheur. Je veux t'écrire des odes en prose d'une qualité redoutable. Je veux t'enchaîner à la course du soleil et à mes cuisses, et à la profondeur de chaque chose, et à la perte de nous au nom d'une fleur. Enfin, je veux tout cela dans le désordre, mais j'étais celle qui t'attendait au pied de l'arbre. Enfin, pour la dernière fois, je veux que notre histoire soit plus belle que la bible. Si tu veux, tu peux me prendre. Mes murs sont prêts à tomber comme ceux de Troie.
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