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Chie de l'or


Un petit conte réécrit sur l'histoire de deux horribles radins à qui on apprend la vie grâce à un âne qui chie de l'or.



Que la vie aurait pu être douce, au fond de cette cour où vivent Sacha et sa jeune épouse Salomé.

Certes, ils vivent modestement, mais leur foyer sent bon l'amour et la lingette citronnée.

Pour leur malheur ils ont les logeurs les plus détestables qui soient. Bruyants, querelleurs et vulgaires, ils habitent la maison d'à côté.

Elle, charpentée comme une camionneuse, incapable de faire une phrase sans la ponctuer de crachats ou de raclement de gorge immondes. Les cheveux gras les ongles sales, une odeur douteuse s'élève d'ans l'air à chaque fois qu'elle ouvre la bouche. Et de manière générale, on préfère lui voir les talons plutôt que les pointes.
Elle passe son temps à venir umportuner Salomé, lui empruntant ceci, cela, qu'elle ne rend jamais.
Lui, tout fier de son argent et de sa graisse, aussi stupide que radin est prêteur sur gages, et quand il ne se disputte pas avec sa femme, il lorgne toutes les allées et venues du jeune couple, de son petit oeil porcin.
Mais Salomé est la gentillesse même, aussi supporte elle sans broncher les deux boulets. Son mari quant à lui n'est pas du même caractère. Il n'est pas du genre à tolérer plus longtemps un pareil voisinage.

Un matin, avant de sortir son âne, il lui enfonce traitreusement leurs trois dernières pièces d'or dans le fondement, et l'envoie d'une tape dans la cour. L'animal court aussitôt lâcher le fruit de ses ventrailles sous le nez du logeur, qui était déjà là, à espionner.
Le soleil est en train de se lever, et ses rayons rasants font reluire l'or, qui tinte sur le pavé avec une mélodie aussi merveilleuse qu'enchanteresse.
Sacha sors alors de la maison, passant devant Ukar, ainsi se nomme le logeur, et s'agenoue devant l'offrande miraculeuse :

_"Cré bon diou de ta mère de bourricot d'âne bâté, t'as encore chié des cochonneries !
Entre deux doigts dégoûtés, il recueille une à une les pièces et les jette dans sons sac comme des poussins morts.
_Sale bête, tu vas faire du vrai crottin, dis ? Ca suffit comme ça tes exentricités !
Sacha croise alors le regard éberlué du gros, dont les multiples mentons tressautes de convoitise.

_Tu me prêtes ton âne ?

_Non, pas aujourd'hui, j'en ai besoin.
Et il s'en va.

Ukar rentre chez lui aussi frustré qu'un aveugle dans un camp de naturistes.
Toute la journée Sacha fait ingérer à l'animal, du buis, du thuya de la luzerne humide, et toutes les herbes qui donnent la colique, et avant de rentrer il lui obstrue le derrière d'un épais bouchon de coton.
le soir, Ukar l'attend dans la cour :

_Je t'achète ton âne, combien tu le vends ?
_Ben, je sais pas, moi, c'est un bon âne, il me rend bien service...
_Combien ?
_Il est robuste, il est encore jeune...
_Combien ?
_En plus ma femme elle l'adore, cet âne...
_Combien ?
_Vingt pièces d'or. Parce que c'est toi.
_Tope là !

Ukar, paye, saisit la bride de l'animal et l'emmène.
En voyant arriver son mari avec un âne, la camionneuse commence :

_Nan mais qu'est ce que...
_C'est un âne, vieille guenon, je l'ai acheté vingt pièces d'or au voisin.
_Vingts pièces d'or pour ça ? Mais c'est toi, l'âne ! Ha je savais que t'avais pas inventé la machine à rayer les doriphores mais là tu fais fort, hein. Pourquoi faire un âne ? T'es aussi con qu'une valise sans poignée, On n'a même pas d'écurie !
_Cet âne, vieille sorcière, est notre fortune, écoute donc au lieu dejacasser.
Et il lui explique.

_Rentre le donc, innocent avant qu'il ne chie son or devant tout le monde.
Ils mettent l'âne dans le salon, sur le parquet ciré ils étalent un drap de lin, et l'homme intime l'ordre à la bête de déféquer.
Rien ne sort.
Au bout de dix minutes la femme s'impatiente :

_t'as qu'à le retirer toi même avec tes doigts.
_Ho ben dis, hé, fais le toi même !
_Monsieur fait la fine bouche ? Et bien je te préviens tout ce que je trouve est pour moi.
Et elle enfourne tout de go, trois larges doigts entre les larges fesses.
L'animal, sans doute exédé qu'on le tripotte en son intimité, lance un hi han de protestation. Elle l'ignore et approfondit les fouilles.

_Ha ? Je sens quelque chose.
C'était la bourre de coton, à peine l'a t'elle retiré, qu'un jet tiède et indigné vient l'asperger toute entière.
_haaaaaaa ! C'est horrible !
L'âne exédé par les cris stridents, les mauvais traitements et la colique se cabre s'emballe, fuse comme une comète à la traîne brune droit devant lui.
D'une pluie fantastique il étoile les murs, repeint le plafond, éclabousse les meubles, constelle les tapis précieux.
Derrière lui, l'obèse et sa dondon patinent dans les excréments, s'essoufflant et jurant.
Vaine poursuite, l'âne est lancé dans une fuite aveugle. Toujours trompéttant du derrière il se rue dans la cuisine. Il renverse les tables les chaises dans un fracas de vaisselle brisée, gâte la soupe, se fourvoie dans le garde manger.
Il démolit les meubles empuantit la nourriture, asperge le saloir.
de plus en plus déchaîné il gagne la chambre à coucher, conchie les coussins de soie, les tentures brodées, s'empêtre dans le baldaquin, et trouve enfin la porte de sortie, il disparait dans le lointain, hennissant, laissant derrière lui à tout jamais le monde des humains, décidément trop pervers.

Les deux lourdaux fatigués de leur aventure et trop fénéants pour entreprendre un nettoyage long et fastidueux, laissèrent tout en l'état et partirent loin devant, tout honteux et puants, et on entendit plus jamais parler d'eux.
Sacha et sa femme purent vivre heureux dans leur foyer sentant bon l'amour et la lingette citronnée.
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