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Le grand film de Spielberg : Minority Report


Le meilleur film jamais vu. C'est vraiment fantastique...



L’histoire de ce film commence en 1997 sur le tournage d'"Eyes wide shut". Entre deux prises, Tom Cruise découvre une nouvelle de Philip K. Dick, "Minority Report". Intéressé par le projet, il en fait part à Steven Spielberg, avec lequel il a toujours rêvé de travailler. Seulement voilà, à l’époque, Spielberg a un autre projet en tête, "A. I. ", et la mise en chantier de "Minority report" est reportée de quelques années. Lorsque les emplois du temps de Spielberg et de Tom Cruise se sont enfin libérés, le projet tombe à pic pour le premier qui cherche à réaliser un film "adulte" et aborder, ainsi, un tournant décisif dans sa carrière. "Minority report" serait-il le film de la maturité pour Spielberg ? Peut-être bien oui...

2056, la police du district de Columbia à Washington expérimente depuis quelques années un tout nouveau procédé de lutte contre le crime. Une brigade spéciale, baptisée "Précrime", est chargée d’arrêter les criminels... Avant que ceux-ci ne commettent l’irréparable ! Pour cela, les inspecteurs s’appuient sur les visions de trois "Précogs" (pour pré cognitifs), deux jumeaux et une jeune femme qui ont la particularité de développer, sous l’influence d’une drogue de synthèse, d’impressionnants pouvoirs médiumniques. Le prix à payer pour ces trois Précogs étant une vie passée dans un coma artificiel, plongés dans un liquide nutritif. Un prix faible quand on sait que leur prévisions ont permis à la Précrime et à son chef, le détective John Anderton, de réduire de 90% le nombres de meurtres dans le district. Un beau résultat qui pourrait s’étendre à l’ensemble du territoire américain si le projet "Précrime" est adopté par référendum...

Seulement voilà, avant d’être présenté à l’opinion publique, la Précrime doit passer un dernier test, celui du détective Witner, dépêché sur place pour vérifier l’infaillibilité des trois Précogs. Les choses s’enveniment assez rapidement entre Witner et Anderton, surtout après que le premier est émis des doutes sur les conditions de vies inhumaines subies par les Précogs. Et Anderton est sur le point de goûter à sa propre médecine lorsque Agatha, la plus douée des Précogs, a une vision de lui assassinant un parfait inconnu. Afin de prouver son innocence, Anderton n’a pas d’autre choix que la fuite. Suspectant Witner d’avoir monté cette affaire contre lui, Anderton revient à la Précrime et y kidnappe Agatha...

Rien ne parait plus dissemblable, à priori, que la vision qu’ont du futur Steven Spielberg, souvent considéré comme un utopiste et un doux rêveur, et le romancier Philip K. Dick, un nihiliste qui prévoyait la fin de l’humanité à brève échéance. Dés lors, on ne peut que remettre en question la fidélité de Spielberg à l’histoire de départ. Pourtant, le réalisateur comme ses scénaristes, Scott Frank et Jon Cohen, ont décidé de mettre en avant la dérive sécuritaire que dénonçait déjà Philip K. Dick avant sa mort en 1982. L’univers de "Minority report" est hautement policé, avec un système de surveillance capable de localiser chaque individu sur la surface du globe. Le pire étant que ce flicage est plutôt bien vécu par une population acceptant de sacrifier une partie de sa liberté pour obtenir une meilleure sécurité. Le point de vue défendu par Spielberg, qui dénonce les abus d’un système qui donnerait les pleins pouvoir à sa police, est d’autant plus audacieux que l’opinion publique aux Etats-Unis donnerait plutôt dans la parano ( ?) Sécuritaire depuis les évènements du 11 septembre...

L’autre force de ce film réside dans la "crédibilité" de la vision que donne Spielberg du futur. En effet, le réalisateur a su esquiver l’écueil trop souvent fatal de la surenchère d’effets futuristes. Son 2056 ressemble, à quelques détails près, à notre 2002. La plupart des nouvelles technologies qui font leur apparition dans le film, depuis le scanner rétinien capable de reconnaître chaque individu jusqu’aux véhicules auto-conduits se déplaçant d’un point à un autre sans intervention humaine, sont dors et déjà à l’étude aujourd’hui. Cette crédibilité est tout sauf le fait du hasard. En effet, Steven Spielberg a eu l’intelligence de s’entourer de scientifiques, écrivains et autres penseurs pour définir avec lui ce à quoi ressemblerait 2056, le résultat frise la perfection !

Et cette perfection graphique n’est pas statique, "Minority report" est aussi un film d’action plus qu’efficace. Ayant, depuis longtemps, vendu son âme au numérique, Spielberg a, une nouvelle fois, fait appel aux petits génies des studios ilm (International Light and Magic). Ceux-ci ont fait des prouesses, comme toujours, pour renouveler les standards en matière d’effets spéciaux. Leurs talents s’expriment pleinement dans les différentes scènes de poursuites (notamment cette scène impressionnante dans laquelle Tom Cruise saute de véhicule en véhicule), les scènes de combats mais aussi quelques séquences à caractère humoristiques très réussies (le chirurgien clandestin et enrhumé... une scène hyper-crade qu’on n’osait pas espérer dans un film de Spielberg !). Et même si, parfois, Spielberg se laisse encore emporter par le mouvement (le finish de la scène dans l’usine est franchement de trop...), le résultat a de quoi surprendre.

Comme souvent dans les films de Spielberg, les références à ses films précédents mais aussi à ceux de ses réalisateurs favoris ne manquent pas. On appréciera, notamment, la scène de l’énucléation à la "Orange mécanique" (Kubrick étant, depuis "A. I. " le mentor attitré de Steven) ou encore la superbe photo sombre de Janusz Kaminski qui, dans ses meilleurs moments, donne à "Minority report" des allures de "Blade runner", l’un des chef d’œuvres du genre. Cette comparaison entre les deux n’étant pas innocente puisque Philip K. Dick était déjà à l’origine du film de Ridley Scott...

Les yeux sont le miroir de l’âme. L’expression n’a jamais prit autant de sens que dans ce film. Ici, on navigue constamment entre les visions des Précogs, la réalité vue par Anderton et l’œil en lui-même qui devient la carte d’identité de l’être humain. Mais vos yeux sont aussi là pour vous trahir : vous donnant pour vrai ce que l’on cherche à vous faire croire (les visions d’Agatha qui incriminent Anderton) et vous dénonçant aux autorités dés que vous entrez dans un lieu public (syndrome du big Brother)... A tel point que le marchant de "visions claires" (la drogue de synthèse qu’ingèrent les Précogs) n’a pas d’yeux (dans ce royaume-là, les aveugles sont rois) et qu’Anderton lui-même va être amené à sacrifier les siens ! Voir c’est croire... Ne plus voir, c’est douter. En sortant du système (il perd ses yeux et, donc, son identité) Anderton est amené à remettre en question son fatum, ce destin auquel il se croit lié et qui le condamne. C’est Agatha, aveugle entre toute, qui lui livre la vérité : "on a toujours le choix".

Alors "Minority report" tranche-t-il complètement avec l’ordinaire de Spielberg ? Pas tout à fait puisque, malheureusement, le réalisateur tombe encore par moments dans ses travers. Ainsi, son film est trop long, n’est pas exempt de quelques détournements du propos de départ (pour faire l’apologie de la famille par exemple) et reste un peu terni par un final décevant qu’aurait renié, pour le coup, Philip K. Dick !

Ce qui ne souffre aucune critique, en revanche, c’est l’excellence de la performance de Tom Cruise. On est libre de ne pas aimer le personnage, ses croyances religieuses ou son style de vie "Star-system"... mais sur un plateau de tournage, Tom Cruise devient l’instrument de son réalisateur... Allant même jusqu’à réaliser lui-même ses cascades ! A l’occasion, et quand l’acteur se livre entièrement, on a le droit à une performance digne des meilleurs. C’est le cas ici comme dans "Magnolia" ou "Vanilla sky", Tom Cruise se bonifie avec le temps. Il se diversifie, aussi, dans la production ("Les autres", "Vanilla sky"...) et, bientôt, dans la réalisation...

Pour lui donner la réplique, Spielberg a réuni un casting de haut vol. On retrouve le vétéran Max von Sydow dans le rôle du directeur de la Précrime Lamar Burgess (une autre référence à "Orange mécanique" et à son scénariste Anthony Burgess), Colin Farrell est Witner, l’alter ego d’Anderton, remplaçant de dernière minute pour un Matt Damon trop occupé (refuser un Spielberg, faut oser !) et Samantha Morton étonne dans le rôle d’Agatha. Sans oublier l’excellente et trop courte performance de Peter Stormare en ophtalmo peu regardant...

"Minority report" ne ressemble à aucun autre film de Spielberg. Pour la première fois, le réalisateur oublie un peu ses idéologies pour se mettre au service de son histoire. Mais il n’en oublie pas pour autant qu’il est un grand metteur en scène, capable de suffisamment d’humilité pour s’entourer des meilleurs que ce soit parmi les acteurs (Cruise, Sydow, Stormare...) ou les techniciens (Janusk, Williams, les studios ilm). Le résultat n’est pas parfait... mais on s’en approche !
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