Extrait du site https://www.france-jeunes.net

La République Dominicaine


Bienvenue aux pays des milles douleurs...



C'était le 25 décembre de l'an 2000. Je me trouvais, en compagnie de ma famille, sur une plage à l'extrême est de la République Dominicaine. Punta Cana était, pour les touristes Québécois que nous étions, un véritable paradis terrestre. Nous échappions ainsi au rythme effréné de nos vies bien réglées et nous profitions pleinement de ces deux semaines de répit qui nous étaient offertes, comme le plus merveilleux de tous les cadeaux. Nous logions dans un hôtel ultra touristique, bien évidemment, un joli 5 étoiles directement sur la plage. Les chambres, répartis dans diverses petites maisons d'au plus trois étages, étaient magnifiquement décorées. Lorsque nous ouvrions la porte qui menait sur le balcon, la mer s'étendait à perte de vue et le vent nous lançait quelques grains de sable, comme pour nous rappeler à quel point nous étions choyés.

Pourtant, après quelques jours passé là-bas, j'ai remarqué quelque chose de bien étrange: pourquoi n'y avait-il que des blancs -Français, Belge, Québécois, Américains- sur notre section de plage? Où étaient donc tous les Dominicains? Ho bien sur, j'avais discuter avec quelques uns d'entre eux: Le type qui transportait nos bagages, celui qui s'occupait de la piscine, la dame si gentille qui me servait un chocolat chaud, le matin, et finalement l'autre garçon tout aussi sympatique à l'accueil qui me donnait des jetons afin que je puisse utiliser l'unique ordinateur de l'hôtel. Mais à part eux, où étaient tous les autres Dominicains? Ceux qui étaient en congé, ceux qui auraient du se trouver sur la plage avec leurs enfants? Finalement, après maintes et maintes questions, j'ai compris: la plage, sur quelques kilomètres en bordure de notre hôtel, n'était réservée qu'aux touristes. Ce qui signifie que les Dominicains, qui étaient pourtant bien plus sur leur territoire que nous, se voyaient refuser l'accès d'une des plus belles plages de leur île aux profits de touristes étrangers. Mes vacances en ont été quelque peu gachées.

Pire encore: il y a beaucoup de médecins en République Dominicaine. Ces médecins se retrouvent dans des hôtels, ce sont eux qui nous servent, eux qui nous ammusent, ce sont eux qui travaillent si fort pendant des journées qui durent souvent 15heures pour un salaire hebdomaire qui n'égale même pas ce que nous pouvons gagner en une heure. Pourquoi? Mais parce que les employés d'hôtels se considèrent chanceux, là-bas: ce sont les plus riches parce que les touristes, en donnant quelques misérables sous de pourboire, leur permettre de gagner beaucoup plus que tout le reste de la population. Bien sur, nous pouvons faire comme le plupart des individus en ce monde: justifier ce salaire et ces conditions de vie scandaleuses par le coût de vie qui est moins élevé là-bas. J'aurais eu tendance à le dire, moi aussi. Mais un jour, vers la fin de mes vacances, j'ai décidé de sortir du périmètre de l'hotel. J'ai décidé d'aller fouiller le coeur de la République Dominicaine. J'en suis sortie meurtrie.

Il faisait chaud, très chaud. J'ai marché sur la plage longtemps, jusqu'à ce que je sorte des limites de l'hôtel. J'ai enfin trouver des Républicains sur la plage. Les parents, fort peu nombreux, semblaient préoccuper par je-ne-sais-quoi. Les enfants, quant à eux, ne jouaient pas. Non, les enfants allaient voir les touristes, ceux qui logeaient dans des hôtels loin de la plage, et leur offraient de garder leurs sacs de plages, leurs chaises et autre en échange d'un peu d'argent. Alors, parsemé partout sur la plage, des enfants étaient assis, seuls, surveillant les bagages de purs inconnus tandis que ceux ci se baignaient allègrement dans une mer douce et chaude.

J'ai quitté la plage et je me suis diriger vers le nord. J'y ai trouvé un village, avec un seul magasin. Les rues n'étaient faite que de terre, les maisons que de bois. Elles semblaient prêtes à s'envoler au moindre coup de vent, elles étaient petites et austères. Les gens marchaient pieds nus, la sueur dégoulinait sur leur front. Des animaux de promenaient autour de moi, des enfants aussi, des hommes et des femmes qui semblaient se demander ce que je pouvais bien faire là. Et c'est à ce moment précis que je les ai apperçu...

Ils étaient assis sur une chaise berçante qui grinçait, sur le balcon de ce qui ressemblait plus à une cabane pour enfants qu'à une maison. La dame était vieille, si vieille, et elle semblait épuisée. Les rides avaient déformé son visage et chacun de ses mouvements semblaient lui coûter un effort surhumain. Elle tenait un enfant dans ses bras, un bébé qui semblait encore plus mal en point qu'elle. Il pleurait et ses pleurs semblaient être la seule chose qu'il possède au monde. Il était si petit, si chétif, ses os saillaient sous sa peau et ses gencives saignaient.

J'ai regardé la dame. Elle m'a regardé. Et j'ai vu, doucement, tout doucement, une larme trop longtemps retenue coulée le long de sa joue.

Je suis revenue chez moi. Et dans mon appartement au quatrième étage, lorsque j'ai pu échapper à l'hiver, lorsque j'ai senti la chaleur, lorsque j'ai pu manger à ma faim, lorsque j'ai bu de l'eau propre... j'ai compris. J'ai enfin compris que nous, heureux élus, habitants de pays riches, nous avions tout pour être heureux. Et aujourd'hui, puisque la fièvre des voyages m'habitent toujours, je vais toujours ailleurs, voir les gens de ces pays, voir leurs vies, leurs peurs.

Et au fond de moi, lorsque je jette de la nourriture ou lorsque j'enrage intérieurement contre la file d'attente chez le médecin ou au magasin, je me sens toujours un peu coupable. Je repense à cette femme et à ses larmes, et je souris tristement. La vie m'a donnée beaucoup plus que je n'en méritais.

J'ai eu de la chance de rencontré cette femme: elle m'a ouvert les yeux sur un monde qui m'était jusqu'alors inconnu.
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