Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Chirac a-t-il "perdu une occasion de se taire" ?


A l'heure ou la France affirme avec vigueur son droit à se démarquer de la politique étrangère de son allié séculaire américain, le président Chirac a-t-il commis sa première boulette sur le dossier irakien en vilipendant les pays de l'Est qui ont osé se ranger du côté des Etats-Unis ?



La France a toujours tenu à sa liberté de penser et d'agir. Elle ne se prive pas de faire valoir ses positions en matière de politique étrangère, même si celles-ci doivent parfois aller à l'encontre de ses proches alliés.
Ainsi Jacques Chirac s'oppose-t-il fermement à la politique de l'administration Bush sur le dossier irakien en refusant catégoriquement le principe d'une intervention militaire inévitable pour faire chuter le régime de Bagdad.
Les propos incendiaires du secrétaire américain à la défense, Donald Rumsfeld, envers cette "vieille Europe" qui ne veut pas s'aligner sur la position américaine ont probablement fait grincer des dents à l'Elysée si l'on en juge par l'ironie cinglante avec laquelle le ministre des Affaires Etrangères Dominique de Villepin a repris la formule lors de son discours de vendredi dernier aux Nations Unies. Le gouvernement français tient à sa liberté de point de vue sur la question irakienne que ce soit à l'ONU ou à l'OTAN quitte à faire fi du leadership incontestable des USA (surtout au sein de l'OTAN). Cette attitude est courageuse et honorable.

Cependant, il faut accepter que d'autres pays agissent de même, et notamment que des pays d'Europe censés s'aligner sur le moteur franco-allemand en matière de politique étrangère puissent exprimer un point de vue différent de celui de Chirac et de Schröder.
Là, malheureusement, Chirac supporte beaucoup moins l'insubordination de ses "troupes". Aussi le président français s'en est-il vivement pris aux huit pays (Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Portugal, Danemark, Pologne, Hongrie et République tchèque) qui ont apporté leur soutient à la politique américaine ainsi qu'aux dix pays de l'Europe ex-communiste (dont la Roumanie et la Bulgarie) qui ont fait de même.
Chirac a eu des mots très durs à leur encontre, lors d'un sommet européen extraordinaire, le mardi 18 février : "Ces pays ont été à la fois, disons le mot, pas très bien élevés et un peu inconscients des dangers que comportait un trop rapide alignement sur la position américaine", allant même jusqu'à proférer des menaces diplomatiques à peine voilées envers la Bulgarie et la Roumanie : "Je trouve que la Roumanie et la Bulgarie ont été particulièrement légères de se lancer ainsi, alors que leur position est déjà très délicate à l'égard de l'Europe. Si elles avaient voulu diminuer leurs chances de rentrer dans l'Europe, elles ne pouvaient pas trouver meilleur moyen". Et de conclure par un tonitruant et fort peu conciliant : "Ces pays ont perdu une bonne occasion de se taire"...

Suite à ces propos, on le comprend, l'amertume a été vive du côté des pays de l'ex-bloc communiste. La plupart ont accueilli avec un flegme mêlé d'indignation la remontrance française. "Ce n'est pas la première fois que des pressions sont exercées sur nous, mais, selon moi, ce n'est pas là une approche productive pour arriver à l'unité au Conseil", déclare le vice-ministre des Affaires Etrangères Bulgare, Lubomir Ivanov alors que son homologue polonais Adam Rotfeld estime, lui, que "la France a le droit de définir sa politique à sa manière (...) mais la Pologne est aussi en droit de déclarer ce qui est bon pour elle, et il faut le respecter".

La rudesse et le ton autoritaire, qui ne sont pas sans rappeler ceux de Rumsfeld, des déclarations de Jacques Chirac a donc suscité l'émoi dans une bonne partie de l'Europe. Le président français s'est comporté envers ses petits partenaires européens comme l'a fait Bush à l'égard de la France et de l'Allemagne, c'est-à-dire en chef de bande qui ne supporte pas que ses troupes ne rentrent pas dans le rang. En outre, enjoindre de "se taire" à des pays qui sortent de cinquante années de tutelle communiste n'était sûrement pas la meilleure manière de faire passer son message.
Ceci constitue probablement le premier faux-pas de Chirac sur le dossier irakien, alors que jusqu'à présent son attitude forçait le respect.
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