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Kenshi Ko


Voici l'histoire d'un moine des montagnes oubliées...



Les moines des monastères des montagnes angaraks recueillent souvent de jeunes orphelins, lorsque leur parents ont été tués par les légions de morts-vivants qui infestent les plus sombres vallées de cette région, ou plus simplement quand ils ne peuvent plus survenir a leur besoins. Le moine qui gardait l'entrée du monastère quand Kenshi Ko fut trouvé ne resta pas longtemps dans l'incertitude quand aux raisons de l'abandon. Le visage de l'enfant était barré sur le côté droit par une blessure qui était sans conteste la marque de l'attaque d'une goule. Comment ce nourrisson arriva t'il sur le pas de cette porte ? Personne ne put jamais le comprendre. Il fut donc considéré comme gracié par les dieux, et le supérieur de l'ordre, Belgearath, décida de lui donner une éducation supérieure. Il fut prénommé Kenshi, en souvenir du moine créateur de ce lieu et nommé Ko, nom qui signifiait qu'il était un orphelin à cause des morts-vivants. Les moines voulaient qu'il se souvienne toute sa vie durant que son bonheur avait été volé par les créatures de l'au-delà.
Le jeune Kenshi passa donc les premières années de sa vie choyé au sein d'une communauté qui avait trouvé en lui le fils qui manquait a tous ces hommes rompus à une vie d'exercices spirituels et physiques. Il s'habitua bien vite à la vie à haute altitude et aux rigueurs climatiques des montagnes du sommet du monde.
Jusqu'à l'âge de douze ans, sa vie fut partagée entre la salle de combats où il accompagnait parfois ses pères et la cuisine qui devint rapidement le seul lieu où il pouvait se rendre utile. Il en garda toute sa vie durant un amour pour les cuisines où il retrouvait les sensations de sa plus tendre enfance.
Lorsque arriva l'aube du jour où l'on fêtait pour la douzième fois l'arrivée de cet enfant divin, Belgearath entra dans la cellule de Kenshi. IL lui indiqua qu'il disposait de dix minutes pour se présenter dans la cour principale du monastère. Kenshi sentit la plus grande excitation l'envahir. Il avait déjà pris la mauvaise habitude d'écouter aux portes et il savait qu'il avait enfin l'âge pour commencer le dur entraînement qui lui permettrait un jour de connaître et de maîtriser parfaitement son corps et son esprit. Il descendit les marches du monastère dans un état second et entra dans la cour. Tous les moines étaient là. Il pourrait toute sa vie se rappeler ses visages burinés par les longues heures de travail et d'entraînement dans la neige et le froid. Il les détailla un à un. Il les connaissait tous et pouvait mettre un nom sur chaque tête, mais en cet instant il leur remarquait un air solennel et sérieux qu'il ne leur connaissait pas. Du discours que Belgearath prononça, Kenshi ne retint rien. Il entendit juste à travers le bourdonnement qui couvrait les paroles de son père adoptif les mots honneur, perfection, travail répétés à plusieurs reprises.
Dès le lendemain commença pour Kenshi ce qu'il considéra comme la pire année de sa vie. Il avait déjà à de nombreuses reprises observé l'entraînement de ses aînés, et il était rompu aux exercices physiques intenses et difficiles. Mais le soir de ce premier jour, il entra dans sa cellule austère après une prière qui lui parut la plus longue de sa vie et se jeta aussitôt dans son lit pour oublier que la douleur paralysait chacun de ses membres. Il se jura que jamais plus il ne recommencerait, pour rien au monde puis sombra dans un profond sommeil. Il fut réveillé le lendemain par le gong qu'un veilleur sonnait, à peine apercevait-il les premières lueurs rougeoyantes du soleil. Il tenta de bouger mais il en était incapable. Une seconde tentative lui arracha un cri. Belgearath entra alors dans sa chambre et doucement bien que fermement le fit sortir de son lit. Kenshi pensa que chaque mouvement de son corps le ferait mourir. Pourtant il résista à la prière matinale et réussit même à claudiquer jusqu'au réfectoire. Puis il se rendit à la salle de combat. Son repas, bien que frugal, lui avait redonné un peu de vigueur. Malgré sa souffrance il était heureux de pouvoir enfin partager le quotidien de ces hommes qui l'entouraient, alors qu'il en avait toujours rêvé. Il se présenta donc sur le tapis réservé aux combats. Or c'est Belgearath qui se présenta face à lui. Et si Kenshi avait souffert la veille, il compris bien vite que la douleur peut paraître sans limites. Kenshi ressortit de cette salle les larmes aux yeux. Mais ces larmes étaient plus des larmes de colère que de douleur. Il ne comprenait pas pourquoi Belgearath qu'il avait toujours considéré comme son ami, et même comme son père, s'acharnait de la sorte sur lui et pourquoi il semblait éprouver du plaisir à le torturer. Belgearath le rattrapa à la sortie de la salle
- Pourquoi pleures tu Kenshi ?
Kenshi lui jeta un regard où il espérait exprimer toute sa haine et sa colère. Belgearath éclata de rire. Kenshi lui tourna le dos et continua son chemin de la manière qu'il estimait la plus digne possible, mais il ne pouvait cacher la blessure déchirante de son amour-propre.
- La souffrance physique est nécessaire à ton enseignement, poursuivit Belgearath. C'en est même un des éléments les plus importants. Tu apprendras bien vite à vivre avec. Dans quelques mois tu ne la ressentiras même plus. Tu sauras comme chacun de nous en faire une alliée.
- Je ne vois pas en quoi c'est drôle.
- Ton esprit doit aussi savoir résister à la douleur. Un bon moine ne connaît pas l'amour-propre. Il doit pouvoir plier pour ne pas casser. Le corps peut être très fort s'il est correctement entraîné, mais il ne peut pas être invincible. Tu ne dois donc pas avoir d'amour-propre si tu veux savoir éviter de t'acharner sur une difficulté trop importante, et donc apprendre à renoncer. De plus je riais car tes pleurs étaient dus à ta colère et non à ta douleur. Tu sais déjà maîtriser ton corps Kenshi, c'est la première de nos règles. Je te laisse méditer la seconde... N'oublie pas que l'esprit doit plier tel le corps qui esquive un coup...
Kenshi continua son chemin sans rien lui répondre.

Et l'entraînement de Kenshi continua, il se forgeait un corps et une volonté solides. Lorsque arriva son quinzième hiver, Belgearath le convoqua une fois de plus dans son bureau. Et Kenshi appris avec désespoir la triste vérité sur ses parents. Cette découverte le plongea dans une colère noire. A la place de sa blessure qui avait disparue depuis bien longtemps déjà, il se fit tatouer sur le côté droit du visage des signes pour symboliser la blessure immuable que lui avait assénés les morts-vivants. Belgearath lui offrit un bâton magique qui avait le don de détruire les morts-vivants. Il avait lui-même prié pendant des semaines entières pour pouvoir confectionner l'arme de la vengeance de Kenshi. Il lui apprit le maniement du bâton. Mais Kenshi ne quittait pas sa colère noire. Belgearath trouva une fois encore les mots justes pour tempérer et raisonner son jeune protégé :
- Ne laisse pas la vengeance prendre le pas sur ta vie. Apprend à vivre avec elle. Sache la prendre quand l'occasion se présentera, mais ne l'attend pas.
Kenshi resta silencieux comme à son habitude.

Pour éprouver son jeune moine, Belgearath l'envoya dès l'été de sa majorité participer à un tournoi qui regroupait tous les moines des montagnes du Nord. Kenshi était devenu un beau jeune homme. Sur sa peau mate, on distinguait bien le tatouage qui ornait son visage. Il n'était généralement vêtu que d'un pantalon simple en toile solide qui résistait aux traitements infligés durant les combats. Mais son regard restait inexorablement fermé et glacial. Avant le combat, son premier adversaire était déjà tétanisé par ce regard froid et déterminé.
Au cours de ce tournoi, Kenshi gagna beaucoup de gloire et d'or. Il se fit remarquer par sa maîtrise parfaite du combat à mains nues. Mais, la seule félicitation de Belgearath qu'il obtint fut la confiscation de son or. Une fois de plus Kenshi ressentit de la colère pour son mentor, mais Belgearath avait une fois encore une bonne raison. Il lui donna ce jour-là un autre des enseignements essentiels de sa vie


- Kenshi, si tu veux rester loyal et bon, n'accorde pas d'importances aux possessions matérielles. Elles pervertissent ton esprit et tu risques de devenir comme ces marchands qui passent leur journée à compter leur or et ne dorment pas de la nuit par peur du vol. Si tu n'as rien, tu ne crains pas qu'on te vole. Si l'or ne t'intéresse pas, on ne peut pas t'acheter. Bien sur tu peux blesser quelqu'un plus facilement avec une épée magique puissante, mais quand tu la perdras, car les objets ne sont pas éternels, tu ne sauras plus combattre. La plus grande richesse que tu ne pourras jamais posséder, c'est ton corps et ton esprit. Pour les enrichir tous les deux, ne recule devant aucun entraînement, n'économise pas ta soif de savoir et d'expériences multiples.

Kenshi retint bien cet enseignement, comme tous les autres. Il devint un combattant d'exception. Mais il pensait de plus en plus au monde extérieur. L'enceinte du monastère où il avait grandit lui paraissait de plus en plus petite, mais surtout il voulait mettre en pratique les centaines, les milliers des techniques qu'on lui avait enseigné. Il alla donc voir Belgearath. Lorsque Belgearath entendit les paroles de Kenshi, il pâlit mais resta impassible.
- Je savais que le jour où tu me tiendrais ce discours approchait, mais je ne le voyais pas aussi tôt. Il y a maintenant 23 ans que nous t'avons recueilli. Nous t'avons enseigné tout ce que nous connaissons et tu présentes manifestement trop de potentiel pour rester enfermé dans notre monastère. XXXXX m'a parlé en songe cette nuit. Il m'a dit que ton enseignement a été bon et que tu es armé pour affronter le monde extérieur. Le message qu'il te laisse est de ne pas vivre pour ta vengeance, mais de ne pas connaître de repos tant que les morts-vivants hanteront la vie des humains. Il espère que tu sauras trouver ton chemin sur la voie étroite et périlleuse du bien sans perdre l'équilibre. Il t'investit en tant que bras armé de sa Volonté et combattant pour sa Justice. Ne le trompe pas, soit lui toujours fidèle et tu connaîtra une vie heureuse, si tant est qu'on peut être heureux en ce monde.

Kenshi resta silencieux. Il ne savait pas quoi dire à l'homme qui était devenu son père et qu'il aimait. Il était au centre d'un conflit sans merci entre la tristesse de quitter le seul lieu et les seules personnes qu'il avait jamais aimés et la joie de connaître le monde extérieur, de pouvoir agir comme bon lui semblait. Belgearath repris la parole :
- Bien des années ont passé depuis que j'ai appris à maîtriser mon corps, mais jamais je n'ai tenté d'expérience aussi incertaine que de vivre dans le monde extérieur. Promets moi que tu sauras résister au mal et à la corruption. J'avais un fils comme toi autrefois. Ses parents nous l'avaient confié car ils ne pouvaient plus le nourrir. Comme toi il avait des aptitudes exceptionnelles. Mais il n'a pas résisté à l'appât du luxe et des artifices de l'argent. Il est devenu un assassin qui ôte la vie pour quelques poignées d'or. Il ne mérite plus le titre d'homme, je ne voudrais pas voir mon deuxième fils suivre le même parcours.
Kenshi promis qu'il saurait résister aux illusions de l'or. Mais ce n'est qu'une fois qu'il vit disparaître le lieu où il avait toujours vécu derrière une montagne qu'il ressentit pleinement la force des paroles de Belgearath. Il était maintenant libre, mais il ne savait pas où aller. Il résista pourtant à l'envie qu'il avait de rebrousser chemin en courant. Il passa sa première nuit d'errance en prière. Il promis a son dieu de se rappeler et d'appliquer chaque enseignement de Belgearath. Enfin lorsque le soleil se leva, Kenshi leva la tête. Son regard était plus ferme et plus assuré. Il était prêt. Il vengerait ses parents même s'il devait le payer de sa vie. Mais avant il voulait parcourir le monde, enseigner le chemin du bien à d'autres âmes perdues et connaître le bonheur. Il prit donc le chemin qui le conduirait vers les vastes plaines et les collines boisées du nord, lui qui n'avait jamais vu un arbre de sa vie.
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