Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Rome


Dans un pays traditionnellement décentralisé, Rome concentre les critiques, surtout du Nord de l'Italie et en particulier des villes comme Turin et Florence qui furent capitales avant Rome en 1871.



Rome a toujours eu un rapport aigre-doux avec le reste de l'Italie. Jalousie des autres villes pour son immense pouvoir de séduction (Qui n'a pas aimé cette ville en y allant et dit, même dans sa tête, "ti amo Roma" ? Pas beaucoup de monde) ? Non, jalousie pour son pouvoir tout court. Rome est aujoud'hui le symbole de l'administration et des régles établies, dans un pays qui n'a aucun enthousiasme ni pour l'une ni pour les autres. Les autres cités italiennes voient dans la force de la capitale, le triomphe de la classe bureautique, née avec l'unité du pays et grandie sous tous les régimes : la monarchie constitutionnelle, le fascisme et la démocratie de l'après-guerre, dominé jusqu'en 1994 par le parti de la démocratie chrétienne.


Comme pays unitaire, l'Italie est relativement jeune puisqu'elle vient de souffler en 2003 sa 142ème bougies. Son identité passée et présente est caractérisée par le dynamisme de dizaines de villes: de Milan à Palerme, en passant par Turin, Gênes, Padoue, Vérone, Bologne, Florence, Naples et Bari. Milan est appelée la capitale économique ; Turin possède Fiat, principale industrie nationale ; Florence dispute à Rome le titre de capitale de la Renaissance. La beauté de Venise, quant à elle, est la conséquence de siècles de puissance indépendante. Naples, enfin, où fut réalisée la première ligne de chemin de fer italienne, était à la moitié du XIXème siècle bien plus développée que Rome. Bref, fières d'elles-mêmes, les autres villes ont souvent l'impression que Rome profite un peu trop de son rôle de capitale administrative.

Au début du XIXème siècle, Rome etait une ville moyenne en pleine crise, dominée par une aristocrtie déboussolée. "Les patriciens de Rome sont assurément les plus fiers et les pauvres de toute l'Italie ; ils sont la plus fidèle image de Rome elle-même : rien ne caractérise plus exactement cette ville de morts que ces spectres vivants d'une gloire déchue, qui errent encore au milieu des ruines", écrivait en 1828 un voyageur anglais. L'italie fraîchement réunifiée (dont la capitale fut Turin, puis Florence) était prête à tout pour avoir Rome : la ville la plus aimée, symbole d'un passé chargé de gloire et située au milieu de la péninsule. Mais Rome (où les chassepots français ont protégé jusqu'en 1870 le pouvoir temporel des papes) est arrivée en retard au rendez-vous de l'unité italienne et le royaume de Savoie dut attendre Sedan pour y envoyer ses troupes. L'unité de l'Italie y fit tomber une pluie d'argent public et la ville s'enrichit et grandit. Dans le même temps, aux yeux du reste de l'Italie, elle devenait symbole de confusion et d'inefficacité. Les problèmes chroniques de la circulation romaine ( il a fallu des décennies pour réaliser une ligne de métro !!! ) illustrent le chaos de la capitale.


En France, l'adminastration centralisée fonctionne depuis es siècles et la province accepte de vivre en symbiose avec une capitale qui monopolise la vie politique nationale. L'Italie a toujours été "il paese delle cento città" (la pays des cent villes, en français) où les particularits locales ont une énorme importance. En tant qu'emblème de la centralisation administrative, Rome a payé le prix des ratages de ce processus dans un pays qui détient dans ses chromosomes l'aspiration à la décentralisation. Les premières élections régionales dans l'ensemble de l'Italie ont eu lieu en 1970. a partir de ce moment, le pouvoir romano-centraliste a été mieux équilibré par celui des administrations locales.

Mais les polémiques n'ont pas cessé. Les incompréhensions et même les calomnies antiromaines sont devenues plus fréquentes dans les années 80, où l'Italie a connu une augmentation de la pression discale sans que les services publics ne s'améliorent de façon significative. La résultat fut une révolte antifiscale, antibureaucratique et donc anti-Rome, surtout dans le riche Nord (la troisième Italie), où certaines villes inventèrent l'expression "Roma ladrona" (Rome la voleuse, en français), pour qualifier la voracité de la bureaucratie étatique. Si Rome a été capable de digérer cette révolte, c'est que la cité est "fellinienne". fellini décrivit en effet à merveille sa capacité d'adaptation à tous les pouvoirs, qu'ils soient de nature royale ou papale. Aujourd'hui, la même classe politique portée au pouvoir par la révolte fiscale du Nord prend ses aises dans les palais de la capitale. Une fois de plus, Rome a su conquérir et ramener à elle ceux qui croyaient l'avoir conquise.
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