Extrait du site https://www.france-jeunes.net

La Corée du Sud à la française


Incroyable match entre la Corée du Sud et l'Italie. Dans un remake de la finale de l'Euro 2000, les Italiens ont fait la course en tête avant de se voir rejoindre à la dernière minute du temps réglementaire, puis de s'effondrer sur un but en or à la 116e minute (2-1). Les Sud-Coréens confirment leur potentiel et s'offrent un magnifique quart de finale de Coupe du monde "une première pour eux" contre l'Espagne.



Surprise parmi les surprises, la formation de Corée du Sud est peut être la plus grande des "petites" équipes de ce Mondial hors du commun. Et ce huitième de finale de prestige contre l'Italie pourrait achever d'en convaincre plus d'un quant à la qualité du onze entraîné par Guus Hiddink.

Car loin d'avoir bénéficié outre mesure du facteur chance, les Sud-Coréens ont produit un football de qualité, mêlant habilement une technique intéressante à une vivacité exceptionnelle. Les adversaires polonais ou portugais ont pu mesurer à leurs dépens l'ampleur de la tâche face à ce bloc-équipe, toujours en mouvement, où une activité incessante le dispute à une volonté propre à déplacer des montagnes. Des joueurs tels que Yoo Sang-chul, Seol Ki-hyeon ou l'ailier Park Ji-sung se sont déjà fait un nom dans le monde du football mondial, et auront à coeur de prolonger le rêve de toute une nation aux anges.

Reste que se dresse l'obstacle italien, un monument historique aux trois couronnes mondiales que les Sud-Coréens veulent ébranler. Une Italie qui a pour habitude de commencer ses compétitions dans la douceur avant de monter en régime pour finir en trombe, et dont le début de Coupe du monde confirme au moins la première partie de l'analyse. Malmenée par le Mexique, battue par la Croatie, la Squadra Azzurra se cherche encore. En témoignent les incertitudes qui pesaient avant le match quant aux participations de Nesta, Del Piero ou Zanetti. Sauf que l'Italie n'est jamais aussi dangereuse et efficace que lorsqu'elle paraît moribonde, et ses joueurs ne sont jamais plus affamés que lorsque monte l'odeur de la compétition.

Un léger souffle de revanche plane également sur cette rencontre : en 1966, la prestigieuse Italie s'était effondrée face à une formation de Corée du Nord complètement inconnue, provoquant là une des plus retentissantes surprises de l'histoire de la Coupe du monde. La nouvelle génération azzurra affirme n'avoir cure de ce fâcheux précédent, tandis que les Sud-Coréens auront à coeur, une fois n'est pas coutume, de prendre exemple sur leurs cousins du Nord.

Et ce à tel point qu'un gigantesque "tifo", banderole brandie par toute une tribune, en appelait à un autre 1966 ("Again 1966"). Le stade de Taejon, tout de rouge vêtu, affiche haut et fort son soutien aux Diables rouges, promettant dans une ambiance incroyable un enfer aux hommes de Giovanni Trapattoni. L'entraîneur transalpin n'a pourtant guère besoin de cela pour se savoir dans une situation compliquée : outre la suspension de Cannavaro, l'autre pilier de la défense, Alessandro Nesta, est finalement contraint au forfait sur blessure. Le "Trap" redistribue les cartes, choisit Mark Iuliano pour suppléer l'élégant défenseur de la Lazio Rome, et lance Del Piero à la place d'Inzaghi pour former une prometteuse association en attaque avec Vieri et Totti.

Motivés comme jamais, les Sud-Coréens engagent le match sans période d'observation : dès la 5e minute, l'arbitre équatorien, M. Moreno, sanctionne un tirage de maillot de Panucci dans la surface d'un penalty justifié. Mais au lieu d'un départ en fanfare, les joueurs de Guus Hiddink vont prendre un sérieux coup au moral lorsque "Gigi" Buffon détourne la frappe d'Ahn. L'exploit du portier italien va ainsi donner le ton à la performance de ses coéquipiers, et la Squadra installe ses pions. Vieri tente une audacieuse balle lobée des 20 mètres, juste au-dessus (10e minute), avant qu'une offensive bleue ne soit détournée in extremis en corner par le gardien Lee. Un corner qui fait mouche : le service de Totti est repris par le géant Vieri au premier poteau, en pleine lucarne (1-0, 18e minute). L'avantage est mérité pour une Squadra qui impose son rythme et son organisation tactique aux Asiatiques.

Le onze coréen se démène, mais s'empêtre dans les filets tendus par le maître Trapattoni. Les attaquants des Diables rouges sont muselés par un Paolo Maldini impérial, tandis que Tommasi ratisse un nombre de ballons impressionnant. Il faut un exploit personnel d'Ahn, qui met Iuliano dans le vent sur un contrôle orienté, pour que les Coréens se créent une occasion, mais la frappe de l'attaquant passe au-dessus (35e minute). Dans la foulée, Tommasi combine avec Totti, qui lance son coéquipier de la Roma d'une subtile passe en profondeur. Mais une bonne sortie de Lee évite le naufrage de son équipe.

Le match est intense, parfois musclé (les Italiens semblent d'ailleurs incapables de sauter sans lever les coudes à hauteur du visage de leurs adversaires), mais l'expérience des Azzurri prend le pas sur la fougue coréenne. La pause n'y change rien, le "catenaccio" à l'ancienne des Italiens rend fous les Diables rouges, dont les changements de jeu, accélérations et débordements ne parviennent pas à déstabiliser la muraille bleue.A une énorme débauche d'énergie asiatique répond une admirable maîtrise italienne, et ce dans la circulation de balle au milieu comme dans l'engagement défensif.

Le scénario paraît écrit d'avance, tragi-comédie à l'italienne fatale à tant d'équipes auparavant. Un but marqué sur coup de pied arrêté, préservé par une défense de fer, et souvent le coup de grâce porté dans le dernier quart d'heure pour achever l'adversaire. La stratégie azzurra est bien rodée, et toute proche de l'aboutissement sur des raids de Vieri, intraitable sur ce match : seul face au but à la 73e minute, il frappe au-dessus, puis voit deux minutes plus tard un nouveau tir détourné frôler la barre transversale de Lee. C'est ensuite Totti qui passe en revue les quelques défenseurs restés en couverture, avant de faire le crochet de trop qui permet à un rouge de le reprendre.

Forts de la rentrée de trois attaquants, les Sud-Coréens mettent le feu à la fin de match, manquant d'un rien l'égalisation sur un cafouillage à trois mètres des buts de Buffon. La réussite semble fuir les protégés d'Hiddink, jusqu'à la 88e minute...Un une-deux raté entre Ahn et Yoo rebondit dans la surface sur Panucci, qui sert involontairement Seol. Seul aux 6 mètres, et probablement seul au monde à ce moment-là, Seol ajuste Buffon et égalise (88e minute, 1-1).

Le stade explose, rouge de bonheur, les Italiens n'y croient pas et voient se répéter le scénario catastrophe de la finale de l'Euro 2000, perdue contre la France (2-1, égalisation de Wiltord dans les arrêts de jeu et but en or de Trezeguet en prolongation). Sauf que le temps réglementaire n'est pas terminé, et la folie n'est pas retombée. C'est d'abord Vieri qui rate une occasion incroyable, envoyant dans les nuages un ballon offert sur un plateau par Totti (89e minute). Sur la relance, le rentrant Cha Du Ri tente un retourné plein de culot, bien capté par Buffon. Plus rien n'arrête les vingt-deux acteurs présents sur la pelouse, si ce n'est l'arbitre qui siffle la fin du match.

Les prolongations commencent, avec au-dessus de la tête des joueurs l'ombre terrible du but en or. Mais les Sud-Coréens ne connaissent pas la peur, et se ruent à l'assaut de la cage de Buffon. Pas question d'attendre la loterie des tirs au but : les Diables rouges et leur formidable public s'en vont avec enthousiasme conquérir leur premier fait d'armes au niveau international. Mais le premier à voir rouge est le malheureux Francesco Totti. A trop abuser des plongeons, les Italiens ont fini par s'attirer le mauvais oeil de l'arbitre, qui sort un second carton jaune pour une simulation du Romain (103e minute). Trappatoni rentre dans une colère noire, s'en prenant à des officiels de la FIFA, en vain. La Squadra ne compte plus que dix combattants, et resserre les rangs.

Le sort hésite encore, et en cinq minutes, Italiens, Coréens et spectateurs vont passer par tous les états. C'est d'abord Tommasi qui est signalé en position de hors-jeu alors qu'il venait d'inscrire le but victorieux, puis Hwang qui rate la tête la plus facile de sa carrière seul à trois mètres du but, avant que Gattuso ne profite d'une incroyable erreur de Seol (talonnade manquée dans sa propre surface) pour fusiller Lee. Mais le gardien a les mains fermes, et dévie le ballon hors de danger (112e minute). Une prolongation de folie, rythmée par une tension insoutenable qui va finalement éclater par la grâce d'un seul homme, le jeune Ahn Jung-hwan. Héros malheureux du début de match, avec un penalty manqué, qui se mue en idole nationale lorsqu'il propulse d'une tête rageuse le ballon au fond des filets de Buffon. (2-1, 116e minute).

Terrible coup de poignard pour des Italiens qui revivent à l'identique la finale de l'Euro 2000, et voient le sort leur rire au nez pour la troisième fois consécutive en compétition internationale (après l'élimination aux tirs au but en 1998, toujours contre la France). Pour la Corée du Sud, la récompense est formidable, grandiose et au-delà de toutes les expectations pour Guus Hiddink et ses joueurs. Le buteur Ahn reste allongé de longues secondes, incapable de comprendre ce qui se passe ; d'autres joueurs dansent sur la pelouse, ivres de bonheur, tandis que leur entraîneur préfère savourer seul son bonheur, assis sur son banc les larmes aux yeux. Les quelque trois millions de Coréens qui s'étaient réunis dans les rues de Séoul pour assiter au match sur écran géant exultent, au terme d'une soirée historique pour leur pays, et au bord d'une nuit que l'on devine aussi longue que festive.

La Corée du Sud fait donc durer le plaisir dans cette Coupe du monde de toutes les surprises, et s'avance la tête haute pour défier l'Espagne en quart de finale.
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