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A la recherche de l'amulette (chapitres 11 à 15)

Voici la suite de mon histoire "A la recherche de l'amulette", chapitres 11 à 15...


Chapitre 11

Je ne pensais plus au soleil avec la nostalgie qui m'habitait autrefois. C'était peut-être parce que j'avais oublié la couleur, la chaleur de sa lumière. Un vague à l'âme monta dans ma poitrine et je laissai un sanglot s'échapper. Il ne fallait pas que je perde espoir avant d'avoir commencé ma quête. D'un geste, j'essuyai les larmes qui voulaient à tout prix sortir de mon corps endolori. Je refoulai les dernières pensées noires qui envahissaient mon esprit et pris le livre dans mon armoire. Je repris la lecture là où je m'étais arrêtée. D'un trait, je lus tout le livre et cela me redonna une force nouvelle. D'un pas rapide et cadencé, je me dirigeai vers le salon où Lora s'était endormie, probablement épuisée par le décalage. Son visage d'ange endormi calma l'ardeur enflammée qui s'était réveillée en moi. Je pris Lora dans mes bras, tranquillisant les battements de ce qui me restait de cœur pour ne pas la réveiller, je la transportai jusque dans sa chambre où je la posai sur les draps froids. Je la bordai comme une mère le ferai avec sa fille même si j'avais plus souvent l'impression que c'était elle ma mère. Je venais de me rendre compte que je l'aimais. Elle était beaucoup plus qu'une amie pour moi, une sorte de confidente. Un journal intime que je n'aurais jamais écrit. L'air était lourd autour de moi, je sortis de l'appartement et me rendis en fiacre chez un libraire. Je le connaissais et l'estimais. Il me savait différente mais ne me l'avait jamais fait remarquer. Il semblait trop poli pour ça. Lorsque je descendis du fiacre et que le cocher me demanda de l'argent, j'avais assez d'argent pour payer le livre mais pas le cocher. Comme je ne voulais pas avoir d'ennuis et que la faim me tenaillait, je décidai d'en faire mon repas. Je m'assis à côté de lui et le mordis sauvagement. Un flot de sang jaillit, éclaboussant mon visage. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti cette impression de satiété. Tout mon corps me remerciait de la nourriture que je venais de lui apporter. Je restai aussi longtemps que le sang continuait de couler. Ma victime mourut en murmurant "je serai vengé". Puis il émit un gargouillement sinistre avant de s'affaisser telle une vulgaire poupée de chiffon. Je lâchai son corps et m'essuyai la bouche d'un mouchoir. J'allai ensuite chez mon libraire. Je sonnai à la porte située à côté de sa vitrine. J'étais toujours émerveillée de la beauté de sa librairie. Construite dans le pur style gothique, elle était impressionnante mais toutefois accueillante. Sa boutique était fermée le soir mais il lui arrivait de faire quelques exceptions pour les clients peu ordinaires dans mon genre. Il m'accueillit avec un grand sourire en demandant des nouvelles de Lora et des miennes. J'appris ainsi qu'elle était venue pendant la journée.

- Qu'est-elle venue chercher ?
- Elle m'a fait part d'une bien étrange histoire. Elle a dit qu'elle cherchait un livre sur une curieuse amulette qui donnerait aux vampires le pouvoir de s'exposer au soleil. J'ai regardé sur le registre des livres et je me suis aperçu que j'avais un livre qui traitait ce sujet.
- Vous lui avez vendu ?
- Non, elle m'a dit que vous passeriez le prendre.

Joignant le geste à la parole, il disparut dans l'arrière boutique et revint avec un beau livre en cuir noir. Il me le donna avec son habituel sourire complice. Sans un mot, je le lui pris, le payai et partis.
En rentrant, je décidai de passer chez Jens. Cela faisait deux jours que je ne l'avais pas vu et il me manquait cruellement. D'humeur gaie, je voulais y aller à pied. Dans un excès de bonté, je ne voulais pas sacrifier la vie d'un pauvre cocher et faire de mal à sa famille. C'était la première fois que j'avais un sentiment de culpabilité en pensant à mes anciennes victimes. Après tout, il y avait tellement de mortels à sacrifier que cela me paraissait bien peu important. Du moins pas assez important pour me démoraliser. J'arrivai enfin à son appartement et mon cœur se mit à battre de plus en plus fort. J'étais impressionnée de le revoir. Je frappai à la porte et je l'entendis arriver. Pourvu que je ne l'aie pas réveillé. Il m'ouvrit et me dévisagea avant de me laisser entrer


Chapitre 12

- Je ne m'attendais pas à te revoir après que tu sois partie. Je croyais que tu regrettais ce que nous avions fait ensemble.
- Pourquoi voudrais-tu que je regrette ?
- Le mystère féminin est tellement complexe ! Il y a des choses que nous, pauvres hommes, ne pouvons comprendre.
- Je dois dire que je pense la même chose que toi.
- J'ai été tenté de venir mais j'avais peur que tu ne m'ouvres pas.
- Doutes-tu encore de mon amour ?
- Je dois dire que cela m'est étrange d'être amoureux d'un vampire.
- L'amour ne naît-il pas dans les différences ?
- Avec ce que nous sommes entrain de vivre, je n'ai plus aucun doute.
- Lora m'a dit que tu serais prêt à m'aider à retrouver le pendentif.
- Quel pendentif ?
- Celui qui me permettra de retourner à lumière du soleil.
- Oui, bien sur. Je suis prêt à faire ce que tu veux pour que tu sois heureuse.
- Merci. Lora a pensé que la caverne en question se trouve dans la forêt de Fontainebleau.
- Je sais, elle m'en à fait part. Veux-tu partir maintenant ?
- Pas tout de suite. Laisse-moi le temps de me renseigner davantage. J'ai trouvé un livre qui parle de l'amulette.
- Je ne voudrai pas te chasser de la maison mais le soleil va bientôt se lever et à moins que tu veuilles passer la journée ici, je pense que tu ferais bien de rentrer.
- Aurais-je l'honneur de t'avoir à mes côtés pour rentrer ?
- Je serais toujours avec toi, quoiqu'il arrive.

Ces derniers mots me touchèrent. J'espérai de tout mon cœur qu'il en soit ainsi à jamais. Tout en me raccompagnant, il me décrivait Paris tel qu'il le voyait. Pour lui, c'était une ville immense aux routes pavées parcourues par une multitude de calèches tirées par des chevaux blancs, aux quartiers de formes géométriques et aux jardins verdoyants. Pour moi, c'était simplement la ville de l'espoir. Celle qui possédait ce que je convoitais le plus au monde. Je n'arrivais pas à m'imaginer Paris autrement que ça.
Arrivés à la maison, il déposa un baiser rapide sur mes lèvres. Son contact me fit frémir. Il était toujours doux et je ne l'avais jamais vu en colère et ne le souhaitais pas. Souvent le plus calme des hommes qui est les plus dangereux dans l'adversité. Il n'était pas du tout comme Eligor, j'avais peur de ce dernier alors que je faisais une totale confiance en Jens. Eligor est (était !) dur, froid et facilement irascible tandis que Jens était doux, tendre, aimant et attentionné. C'était pour ça que je l'aimais. Il me quitta et nous nous tinrent la main jusqu'à ce que, la distance faisant, nos mains se lâchent. Je montais lentement l'escalier, ouvrit la porte et m'installai à la table du salon. Je commençai ma lecture immédiatement. Dans ce livre étaient inscrit tous les détails concernant l'amulette, la façon dont elle avait été créée, pourquoi et l'endroit où elle pourrait être. Il s'averra que c'était bien dans la Forêt de Fontainebleau. J'appris ainsi que l'amulette avait été créée par le diable lui-même pour permettre à ses démons de revivre et détruire la race humaine complète. Ainsi j'étais une créature du Diable. Dans mon ancienne vie de mortelle, cette idée m'aurait effrayée mais en ce moment j'en étais plutôt fière. Le pendentif aurait été créé juste après la résurrection du Christ. Le but des vampires était de tuer des mortels. Je n'avais plus aucune raison d'avoir des remords en tuant. Je fermai le livre d'un coup sec et allai voir Lora. Je la trouvai dans le salon, plongée dans un livre parlant de quelques cultures de l'Antiquité. En me penchant par-dessus son épaule, je vis des peintures semblables au vitrail de mon ancienne salle de bains. Je la surpris en posant mes mains gelées sur ses épaules. Elle sursauta et se retourna avec vigueur.

- Chacune son tour de faire peur à l'autre ?
- Effectivement. Je vais te demander quelque chose d'important pour moi.
- Vas-y.
- Veux-tu venir avec moi en France pour chercher l'amulette ?
- Tu sais bien qu'oui.
- Merci. Prépare ta valise. Emporte tout ce dont tu as besoin car je ne pense pas que l'on revienne avant longtemps.
- Bien. Tu veux que je fasse la tienne ?
- Je t'ai déjà dit que je ne te considérai pas comme une domestique donc je ferai moi-même ma valise.
- Comme tu voudras.
- D'ailleurs nous allons nous y mettre maintenant et demain soir nous prendrons le premier bateau pour la France.
- Il faudrait peut-être prévenir Jens si tu veux qu'il vienne avec nous.
- Tu as raison, je vais te laisser une heure le temps que j'aille le voir.
- À la tombée de la nuit, je me rendis chez lui et il m'ouvrit la porte avec un grand sourire. Lorsque je pénétrai dans son salon, je vis qu'il avait déjà préparé sa valise.
- Comme tu as dû le deviner, j'ai déjà préparé mes affaires.
- C'est justement pour ça que je suis venue te voir. Je pensais partir demain soir par le bateau de nuit. Il me faudra faire tout mon possible pour passer inaperçue. Et aussi résister à l'envie de chair humaine. J'ai l'impression d'avoir toujours faim.
- Du moment que ni Lora ni moi te servons de déjeuner, je pense que ça ira.
- D'ordinaire j'adore ton humour mais je n'aime pas trop que l'on se moque de mon état.

Tout en me prenant dans ses bras, il me dit :

- Excuse-moi, je ne voulais pas te blesser.
- Ce n'est rien mais fais attention aux fois prochaines, il se pourrai que je fasse de toi l'un des nôtres.
- J'en frissonne de peur...

Il fit semblant de trembler et m'embrassa. Il me renversa sur le canapé et me chuchota au creux de l'oreille :

- Tu veux toujours me transformer en vampire ?

Je repris le dessus :
- Ne me cherche pas, je serai toujours plus forte que toi. Ce n'est pas que je veuille mettre fin à ces joutes amoureuses mais il faut que je prépare mes affaires et que je me repose. Retrouvons-nous à la sortie de la ville. Lora et moi t'attendrons avec une voiture dès le coucher du soleil.
- J'y serai. Attendre demain sera long sans toi.
- De mon côté aussi. A demain.

Sur ce, je le quittai et rentrai à la maison. Une bouffée de peur me surprit quand je découvris l'appartement vide. Il y avait un mot sur la grande table.
"Je suis sortie faire quelques courses. Ne t'inquiète pas. A tout à l'heure. Lora"

Je mis quelques minutes pour calmer mon cœur. J'avais eu peur que quelqu'un découvrît qui je suis réellement et veuille s'en prendre aux gens que j'aime. C'est à ce moment que je mis à avoir peur de mon entourage. Pas tellement de Jens ni de Lora mais des autres comme le libraire. Cela me confirmait l'idée de partir. Non seulement à cause des personnes que je fréquentais et des autres que je tuais (car je connaissais mal le processus de transformation) mais aussi à cause des mauvais souvenirs que j'avais ici. Comme la mort de mon père, les attouchements de mon frère et surtout Eligor. Comment oublier les souvenirs à part changer complètement d'endroit ? Il n'y a que ça qui pourrait les gommer définitivement. Je me mis à préparer mes affaires. Plongée dans le fatras de mes habits, je n'entendis même pas la porte que Lora venait d'ouvrir. Je réagis seulement lorsqu'elle passa dans ma chambre pour se rendre dans la salle de bains. Je finis de ranger. Cela me prit deux valises entières. J'espérai trouver une voiture assez grande pour y mettre tous les bagages. Je demandai à Lora :

- Peux-tu mettre tes affaires dans l'entrée car dès le coucher du soleil nous partirons.
- Comme tu veux. Je n'ai qu'un sac mais il est plein à craquer.
- Très bien. Maintenant je te conseille d'aller te coucher parce que nous prendrons le bateau et j'aurai besoin de vous deux pour résister à l'appel du sang frais.
- C'est vrai que si tu profites de cette balade pour te nourrir, tu risques de te faire repérer. Je vais suivre tes conseils avisés et aller me coucher. Cela dit je ne sais pas si je vais réussir à dormir.
- Moi non plus. C'est vrai que je suis assez excitée de quitter enfin l'Angleterre.
- Bonne nuit quand même.
- Bonne nuit.


Chapitre 13

Ce fut une nuit extrêmement agitée. Je n'avais de cesse de me retourner dans mon lit, en proie à des rêves plus horribles les uns que les autres. L'un d'entre eux me montrait pourchassée par Jens et Lora. J'espérais de tout mon cœur que cela ne fut jamais possible. Je me réveillai trempée de sueur. Heureusement c'était déjà la fin du jour. Je m'empressai d'aller réveiller Lora. Elle grommela quelques instants avant de réagir à mon appel. Elle se souvint que l'on devait partir. Elle prépara les valises dans l'entrée et s'habilla. J'en fis de même et sortis dans la rue pour appeler une voiture. Elles étaient nombreuses à cette heure et immédiatement après que je sois sortie, deux voitures se précipitèrent. Je choisis la plus grande et appelai Lora. Elle descendit avec trois valises, les chargea dans la voiture et monta à ma suite. J'ordonnai au cocher d'aller au port à la sortie de la ville. Le chemin fût perturbé car nous passâmes sur des petites routes caillouteuses. Arrivées au port, nous regardâmes si Jens était déjà là. Quelques minutes plus tard, il arriva enfin, le souffle court. Il me semblait qu'il avait couru pour nous rejoindre. Nous attendîmes presque une heure qu'un bateau vienne. Une fois qu'il fût arrivé, nous chargeâmes nos valises. Le commandant du navire nous détailla chacun très longtemps avant de nous accepter à bord. Son regard s'attarda sur moi et j'eus peur qu'il ne découvrit ma vraie nature. Finalement, il détourna le regard et nous laissa monter. C'était un vieux bateau de marchandises qui avait été transformé en navire transportant des passagers. Du bateau de marchandises, il n'en restait plus que la coque. Il n'était pas très grand et les cabines avaient été construites à la va-vite avec quelques planches de bois. Un seul hublot par "cabine". Je m'étais empressée de mettre une chemise de nuit dessus. J'étais soulagée et terrifiée à la fois d'embarquer sur ce rafiot. De toute ma vie de mortelle, je n'étais jamais monter sur un bateau mais ce n'est pas ça qui me terrifiait.

C'était pour les quelques autres passagers que je m'inquiétais car je ne savais pas quelles réactions je pourrais avoir si jamais une faim soudaine surgissait. Les premières minutes du voyage se déroulèrent sans incident, malgré la faim qui me tenaillait. Lora et Jens furent obligés de me retenir et de me faire penser à autre chose pour que je ne succombe pas à mon instinct de vampire. Je n'aimais pas attirer l'attention sur moi, il le fallut cependant car je ne devais absolument pas sortir de jour sous peine de subir une deuxième mort. J'avais déjà succombé à la mort par bêtise et je ne voulais pas mourir une deuxième fois par imprudence. Jens me tenait compagnie dans ma cabine, pendant le jour car, attaquée par le mal de mer, j'avais de plus en plus de mal à dormir. Je me sentais malade et j'espérais arriver au plus vite. Heureusement la mer était plutôt calme. Lorsque que Jens était sorti faire un tour, je réfléchissais à ma philosophie et celle des vampires en général. Dans ma vie de mortelle, je pensais que nous étions des enfants de Satan. Mais si nous étions des enfants de Satan, nous étions aussi des enfants de Dieu. Une chose en amenant une autre, je me souvenais de l'éducation catholique que ma mère nous avait donnée. Dieu a crée Satan pour que ce dernier l'adore. À l'époque, je n'avais assez de maturité pour réfléchir davantage. Si Dieu a crée Satan pour l'adoration alors Dieu est orgueilleux. Et l'orgueil ne fait-il pas partie des sept péchés capitaux ? De plus, on dit que le paradis est un lieu de plaisir ? Or, pour tout humain, le plaisir commence par l'appréciation de la nourriture et plus vieux, le plaisir du sexe. Si Dieu est le créateur de Satan, du paradis et des péchés, alors Dieu est Satan et inversement. Si je suis fille de Satan, je suis aussi fille de Dieu.
Loin d'avoir eu vraiment besoin de répondre à cette question sans importance, cela me permettait de faire passer le temps.


Chapitre 14

Le capitaine mis une journée de l'Angleterre jusqu'au Havre. Nous étions tout les trois soulagés d'arriver en France. C'était quasiment le dernier espoir qui me restait de retrouver un jour la lumière du soleil. Je voulais absolument pouvoir de nouveau contempler l'aube et le crépuscule en compagnie de Jens. Jens et Lora étaient les seules personnes à qui je tenais vraiment. Ayant perdu toute ma famille, c'était les seuls vrais amis qu'il me restait. Je dus attendre la nuit au beau milieu de bateaux vieillissants et d'odeurs de poissons et de chair humaine. Lora usa de son charme et de quelques billets pour faire accepter à un cocher de nous emmener à Paris. Après de maintes négociations et la promesse d'une belle récompense, le cocher accepta. Nous mîmes deux jours à atteindre la capitale. Arrivés à Paris je descendis la première de voiture. Le pied à peine posé, je courus presque, pressée de me nourrir enfin. Vous ne pouvez pas imaginer ce que ce c'est de ne pas manger pendant trois nuits. Je chargeais Jens et Lora de trouver un hôtel d'affluence où je pourrais passer inaperçue lors de mes sorties nocturnes. Me promenant dans Paris, au détour d'une ruelle je croisai en homme ivre qui m'adressa bruyamment la parole, m'invitant à boire un dernier verre avec lui. Je pensai : "Son dernier verre, il l'a déjà pris." Je trouvais cette idée délicieusement ignoble.

Je m'approchai et il crut sûrement que j'acceptai son invitation. Me faisant suave, je m'avançai avec une grâce de danseuse. Se croyant déjà gagnant, il m'embrassa dans le cou. Tandis qu'il m'embrassait, je plantai mes crocs dans sa nuque âcre de l'odeur d'alcool. Je ne peux vous décrire le sentiment de bien-être qui m'envahit à ce moment. La diète imposée par le voyage m'avait affaiblie et je retrouvais de nouveau mes forces. Cependant, je sentais toujours un poids dans le ventre. Ne pouvant pas consulter un médecin, j'attendrai. Une idée subite me traversa l'esprit. Et si j'étais malade ? Je ne savais pas si cela pouvait nous arriver. Il ne fallait plus que j'y pense. Cela pourrait être fatal à ma quête. Me détourner ainsi de ma recherche ne me semblait pas raisonnable surtout si près du but. Ainsi rassasiée, je me promenai sur les Champs Elysées. De nombreuses personnes se retournaient sur mon passage. Il est vrai qu'avec ma cape noire doublée de rouge et mon teint blafard, je ne devais pas passer inaperçue. Devant leur crainte, je répondais par un sourire glacial. Ils détournaient leurs regards et faisaient semblant de s'intéresser à d'autre chose. Au loin, j'entendis des ricanements adolescents qui s'approchaient de moi. Ils firent silence lorsqu'ils furent à quelques mètres de moi. Sûrement entrain de préparer une mauvaise farce, je les surpris en leur parlant alors qu'ils étaient encore derrière moi.

"Voilà une façon bien puérile d'accueillir des étrangers sur son territoire !"
La voix effrayée, l'un d'entre eux s'excusa :

- Pardonnez nous mais vous nous avez parue si étrange.
- Je me retournai et les regardai fixement :
- Ne recommencez plus jamais cette erreur avec n'importe qui et veillez à ce que je ne vous recroise plus jamais sur mon chemin sans quoi vous aurez à faire à l'Ange des Ténèbres.
- Bien madame.

Ils s'enfuirent en courant. Je voulais jouer un rôle et m'amuser un peu. J'avais réussi. Fière de moi, je continuai tranquillement ma route lorsque Jens vint à moi.

- Ma douce, nous avons trouvé un endroit convenable. Je me suis arrangé avec la patronne pour que tu ais le calme.
- Merci. Où est –il ? Comment as-tu fait pour me retrouver aussi vite ?
- J'ai suivi mon cœur.

En disant cela, il m'embrassa ce qui provoqua l'embarras et le rire des badauds. Il me prit par la main et m'emmena vers le havre de paix qu'il me promettait. J'avais hâte de retrouver Lora et un bon lit. Le chemin vers le bonheur d'une bonne nuit me parut interminable. Je n'y croyais plus lorsque Jens me fit tourner au coin d'une rue de la même couleur que mon âme, noire. Une immense porte cochère se dressa devant nous. Au-dessus de cette porte, une sorte de drapeau flottait. Il prit les devants et entra le premier. C'était une auberge fort tranquille. Je ne pensais pas qu'un endroit aussi calme pouvait exister dans l'agitation perpétuelle de Paris. Dans la première salle où nous pénétrâmes, se trouvait un comptoir fort charmant où un homme bourru nous regarda d'un œil maussade. Derrière lui se trouvaient des étagères de verre sur lesquelles étaient disposés différentes sortes d'alcools. Un miroir était placé derrière les étagères. Un miroir où je ne voyais que le reflet de Jens. Bientôt le mien apparaîtra. Enfin je l'espère... De nouveau je sentais cette étrange douleur à l'intérieur de moi tandis que Jens m'emmenai dans la chambre. Les couloirs étaient tapissés de tapisserie rose. Quelle horrible couleur ! Ma préférence pour le noir et le rouge sombre me faisait détester les autres couleurs. Mais j'avais les couleurs pastel en horreur. Les murs étaient boisés et la porte devant laquelle nous nous arrêtâmes portait le chiffre 17 inscrit sur une plaque blanche en émail. Comme un homme galant, Jens ouvrit la porte devant moi et s'effaça pour me laisser passer. L'intérieur de la pièce était clair et cela me fit mal aux yeux. J'avais toujours été habituée à vivre dans des pièces sombres et ça me convenait très bien. Je devais me faire à l'idée que la mentalité et les goûts français n'étaient pas les mêmes qu'en Angleterre. Je sentis de nouveau cette douleur dans le bas-ventre. D'instinct, j'y portai la main. Une certaine rondeur s'y faisait percevoir. J'avais l'impression d'avoir doublée de volume à ce niveau. L'idée d'être enceinte me retraversa l'esprit. D'un pas décidé, je cherchai Lora. Elle était dans ce qui deviendrait sa chambre, entrain de ranger ses affaires dans un vieux placard.

- Lora, est ce que je peux te montrer quelque chose ?
- Je suis toute à ton écoute.
- Donne-moi ta main.

Elle me la tendit et je la posai sur mon ventre.

- Qu'est-ce que tu en penses ?
- Tu me crois si je te dis que tu es enceinte ?


Chapitre 15

À ces mots, une vague de froid me pénétra. Je perdis connaissance. Lorsque je me réveillai, j'étais allongée sur un canapé. Je mis quelque temps avant de me souvenir de ce qui venait de se passer. Jens était à côté de moi, il me caressait les cheveux. Je sentais la joie dans son regard. Il y avait aussi de la fierté. Je tournai légèrement la tête et vis Lora revenir du bar de la chambre. Elle devait tenir un verre d'alcool entre les mains. Arrivée à mon niveau, elle mit le verre sur mes lèvres et souleva le verre. Je sentis la douceur âcre du cognac sur le palais et ma gorge se réchauffa. La tête me tourna et j'en connaissais maintenant la cause. Je m'assis et contemplai Jens. Lora lui avait dit que j'attendais un enfant de lui. Je ne savais pas que nous, immortelles, pouvions porter un enfant. Après le bonheur me venait l'horreur : comment notre enfant allait vivre le fait que je vive éternellement alors que son père deviendrait vieux et finirait par mourir ? Cette pensée fugace partit aussi vite qu'elle était venue. Jens était rayonnant. Ses premiers mots furent :

- Comment te sens-tu ?
- Comme une femme qui croyait que la grossesse était réservée aux femmes normales !
- Mais tu es normale.
- Est-ce qu'une femme normale se nourrit du sang des autres ? Est-ce qu'une femme normale vit éternellement en voyant ses proches mourir ? Non. Donc je ne suis pas normale. Même si je porte ton enfant.
- Je t'aime comme tu es. Quand nous aurons trouvé l'amulette tu seras une femme normale !

Lora, qui avait gardé le silence jusque là, nous dit :

- Il faudrait faire venir un médecin
- Penses-tu honnêtement qu'un médecin ne se rendra pas compte de ce que je suis vraiment ?
- Il suffira de le payer assez pour qu'il se taise. Même s'il parlait, tu crois que quelqu'un le croira ?
- Pour l'instant je ne pense pas en avoir besoin. Le jour se lève. Pour le bien de notre enfant et de moi-même, je vais aller me coucher.

Mettant fin à la conversation, j'allai passer ma chemise de nuit et me plongeai entre les draps frais malgré l'étouffante chaleur française. Je ne pouvais pas me mettre en tête que je portais l'enfant de Jens. Être mère alors que je n'étais même pas encore une femme. Mon corps avait encore seize ans même si mon esprit et mon "âme" en avait davantage. Je pensais presque avec certitude que je ne serais jamais une bonne mère. Je m'endormis pour essayer de ne plus y penser. Cette nuit fut hantée par des rêves d'avenir où je me voyais en robe blanche devant l'autel, notre enfant dans les bras. Seulement un cauchemar vint troubler cet instant de bonheur. Toujours en robe de mariée, devant l'autel. Au moment où le prêtre prononçait le sacrement, les habits de Jens ainsi que les miens s'enflammèrent. Nous brûlions et notre enfant aussi. Je me réveillai et me mit à pleurer. Plus le temps avançait moins j'avais l'impression que je retrouverai cette amulette. Un enfant compliquera fatalement la tâche et pourtant il fallait que je la retrouve. Un temps de réflexion sera nécessaire. Je n'avais pas d'autres choix que de le garder. Jens, en entendant mes pleurs étouffés, vint me sortir doucement de mes réflexions et prenant ma main, il me fit revenir sur Terre en pressant ses lèvres contre les miennes. C'est à ce moment précis que je réalisai à quel point je l'aimais. Il posa sa tête contre ma poitrine et me dit sur le ton d'un secret lourd à porter "sans toi, je n'aurai jamais eu le bonheur d'aimer quelqu'un." Cette phrase me fit monter les larmes aux yeux. Je ne pensais pas qu'un jour un homme, mon homme, me dirai ça. Cela me semblait parfaitement irréel. J'avais l'impression que nous flottions sur un nuage au-dessus de tous les problèmes et nos inquiétudes terrestres. Il me prit dans ses bras et me rallongea sur le lit comme un objet en cristal et s'installa à côté de moi. Je m'endormis bien avant lui et mon sommeil ne fût troublé par aucun rêve.

Ce fut l'odeur du déjeuner qui me fit ouvrir les yeux. Je ne parle pas du déjeuner que les mortels prennent mais plutôt du notre. Jens était parti. Une personne de l'hôtel était venue nous donner un double des clefs. Comme Jens était parti et que Lora aussi, elle vint directement dans ma chambre où elle me trouva couchée. Tandis qu'elle s'approchait de moi, la tentation fut plus grande que la résistance et je lui sautai à la gorge. Elle poussa un cri de surprise puis j'entendis le grognement qui signifiait qu'elle allait bientôt s'éteindre. J'avais toujours la même sensation que les autres fois. Un bien immense s'emparait de moi. Une fois de plus, je me retrouvais seule. Ce que j'avais appris de l'immortalité m'avait caché le sentiment de solitude que l'on ressentait parfois. Même si Jens et Lora étaient là, je me sentais seule car personne ne partageait la vision du monde avec moi. J'avais envie de crier au monde entier ma solitude mais personne ne m'écouterait et tout le monde me prendrait pour folle. Tout en y repensant, je m'étais remise au lit. Tandis que je fermais les yeux, je vis l'endroit où Jens était. Comme j'aurai aimé être avec lui en ce moment ! Tout à coup je fus traversée par un froid étrange et lorsque j'ouvris de nouveau les yeux, j'étais à quelques mètres seulement de lui. Comment avais-je fait pour aller d'un endroit à un autre à cette vitesse ?
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Publié le 03 juin 2005
Modifié le 08 mai 2005
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