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Arrêtez de fustiger l'ignorance !

On dit de l'ignorance qu'elle est un mal qui conduit l'homme au vice. Affirmer cela, c'est s'attarder sur une définition de l'ignorance aussi incomplète que subjective; au fond, l'ignorance n'est pas plus mère de tous les maux que la science n'est parfaitement vertueuse.


Qu'est-ce que l'ignorance ? On l'associe très fréquemment à une absence de savoir; suivant cette logique, on peut alors aisément affirmer que le savoir est une absence d'ignorance. C'est là, vouloir définir bien hâtivement ces termes qui sont, tout comme le Bien et le Mal, intrinsèquement liés et absolument indissociables. Tout d'abord, considérons le savoir. Par ce terme, savoir, on peut entendre science. Mais la science elle-même ne crée-t-elle pas indéfiniment de nouveaux questionnements, au fur et à mesure qu'elle avance des réponses ? Ainsi, quand la science met fin à une ignorance, aussitôt d'autres ignorances apparaissent. Dans ce cas, la science, loin d'être une absence d'ignorance, en est plutôt un générateur, comme la quête infinie d'un savoir dont les lacunes iront grandissantes tandis que l'homme tentera avec peine de les combler.
Si, par le terme savoir, l'on entend sagesse, demandons-nous ce qu'est la sagesse ? Baltasar Gracian Y Morales disait : "La réflexion personnelle est l'école de la sagesse.". Ainsi donc, la sagesse découle d'une réflexion, et donc, de l'acquisition d'une science. Bien que la nature de la science détenue par le savant et celle de la science détenue par le sage diffèrent en plusieurs points, elles n'en restent pas moins des sciences, celles-là mêmes qui ne sont qu'un pont entre ignorance et ignorance.
L'ignorance n'est donc pas une absence de savoir, mais justement son opposé symbiotique. Le savant et le sage sont tous deux ignorants, ainsi que l'ignorant est lui-même sage.


L'ignorance est la nature même de l'homme

L'ignorance est la nature même de l'homme. Dans la définition qu'on lui donne, l'homme ne peut qu'être ignorant; s'il ne l'était pas, son savoir serait absolu et serait équivalent, donc, au savoir divin. Ainsi, ce qui fait qu'un homme est un homme est, par définition, son ignorance. Cependant, on peut établir deux sortes d'ignorance : l'ignorance consciente, celle du sage et du savant, et l'ignorance ignorée, celle de l'ignorant. Dans ses Essais, Montaigne distinguait déjà ces deux ignorances : "L'ignorance qui se sait, qui se juge et qui se condamne, ce n'est pas une entière ignorance : pour l'être, il faut qu'elle s'ignore soi-même." ; à l'instar de Montaigne, Victor Hugo disait du savant qu'il "sait qu'il ignore". Le sage et le savant, par leurs réflexions, tentent de trouver une réponse à leurs questionnements; de combler leur ignorance. C'est donc qu'ils désirent y mettre fin. Or, ce désir ne peut être assouvi; de cela, nous pouvons en déduire que le sage et le savant sont des êtres qui n'aboutiront jamais à une complète réalisation d'eux-mêmes. L'ignorant, lui, ignore qu'il ignore; le savoir ne sera donc jamais l'objet de son désir, du moins tant qu'il ne prend pas conscience de son ignorance, ce qui n'aura pas lieu sans intervention extérieure.


L'ignorance est le moteur de l'humanité

L'ignorance est le moteur de l'humanité dans le sens où l'homme ne vit que parce qu'il méconnaît le futur. S'il connaissait à l'avance le déroulement de sa vie, l'homme ne serait alors plus curieux de la vivre, car ce qui pousse l'homme à vivre est bien la méconnaissance de cette vie. C'est en ce sens que Bossuet dit : "Nous nous plaignons de notre ignorance, mais c'est elle qui fait presque tout le bien du monde : ne prévoir pas, fait que nous nous engageons". L'homme bâtit son existence sur un hasard absolu, et c'est exactement cela qui le rend maître de ses mouvements et libre de son avenir. Dire que l'ignorance est le moteur de l'humanité, c'est rejoindre la pensée Sartrienne dans son refus d'un destin tout tracé pour chaque existence. "Tout ce qui m'arrive est mien" (L'Être et le Néant) ; chacun de mes actes étant à ma hauteur, c'est-à-dire à la hauteur d'un homme, il ne peut être qu'humain. L'idée de l'existence d'un destin implique une intervention extérieure que l'homme nomme intervention divine; or le divin ne saurait, pour donner à l'homme des actes à sa hauteur, penser comme lui; ce serait lui ôter sa divinité. A l'instar de l'innocence, "L'ignorance ne s'apprend pas", disait Gérard de Nerval; le divin, possesseur du savoir absolu, ne peut ignorer une part de ce savoir afin de penser comme un homme et de donner à sa créature des actes à sa hauteur.
De par son ignorance, l'homme se rend donc maître de ses actes et libre d'être.


L'ignorance est la stupidité

Il existe une ignorance particulière, que l'on nomme trop hâtivement "stupidité". A sa naissance, l'homme méconnaît totalement la société; or, au fil de sa croissance, il s'y intègre rapidement. Cette intégration ne peut résulter que de deux facteurs : l'éducation tout d'abord, qui structure chaque pensée et chaque agissement d'un être humain, en lui apprenant par exemple, que "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres"; mais l'éducation n'est que la partie théorique de l'apprentissage de la vie en société. "Lâchez" un être humain dans la société alors qu'il ne possède du savoir-être que des mots et des conseils, aussitôt il aura un réflexe : celui d'imiter. René Girard nommait ce réflexe la mimésis, et en faisait le propre de l'être humain : l'homme n'est qu'imitation. L'homme ne vit pas sans modèle à suivre ou sans concurrence à défier. L'homme ignorant la mimésis n'étant pas soumis à la force d'emprisonnement de celle-ci, il est donc par définition, un homme plus libre qu'un sage ou un savant. Et pourtant, l'ignorant de la mimésis ne possédant pas d'intérêt personnel, on lui prête assurément une inclination à la soumission : puisque l'ignorant ne construit aucune concurrence avec autrui, il obéit à ce qu'on lui demande, tant que cela ne va pas à l'encontre de ce qu'il projetait de faire dans l'intérêt d'autrui. L'ignorant de la mimésis est donc, paradoxalement, libre dans sa soumission; car la soumission est un rapport de force entre plusieurs êtres; or, l'ignorant de la mimésis ne connaît pas le sentiment de concurrence, et par là, méconnaît également le sentiment de rapport de force.


L'ignorance possède la chance d'ignorer qu'il est ignorant

L'ignorant possède la chance d'ignorer qu'il est ignorant. Ainsi le disait Edgar Allan Poe dans Un Chapitre d'idées : "L'ignorance est une bénédiction, mais pour que la bénédiction soit complète l'ignorance doit être si profonde, qu'elle ne se soupçonne pas soi-même". Tout homme est ignorant, mais la conscience de son ignorance en fait un être à jamais incomplet; force est de constater que l'homme possède le désir de savoir tout en sachant parfaitement qu'il ne l'assouvira jamais. L'ignorant, lui, ignore qu'un désir n'est pas accessible; quelque objet qu'il désire, il le poursuivra; ainsi, l'ignorant n'aboutira jamais à une complète réalisation de lui-même, mais l'ignorera. A l'instar d'un enfant, l'ignorant ne connaît pas de limites au désir et à sa réalisation. Mark Twain avait su le résumer avec un amusement perceptible : "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors, ils l'ont fait".
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Re: Arrêtez de fustiger l'ignorance !
Posté par norbert vincent le 18/03/2007 02:10:13
Erreur : ce n'est pas dans "compris", mais dans "connoté" qu'il y a "con". Philo et politique sont pas mal mêlés, voire emmêlés, depuis un bon paquet de millénaires. C'est sans doute pour celà que nous sommes une "société animale" différente de celle des fourmis... bien qu'à part Bernard Werber, nous n'en ayons encore interviewé aucune.

Quant au nain, il est suffisamment reconnaissable [ tiens, il y a "con" aussi dedans ! ]
Re: Arrêtez de fustiger l'ignorance !
Posté par zeromantik le 17/03/2007 09:29:09
norbert vincent -> Le nain de jardin... ^o)
Si je ne m'abuse, c'est connoté politiquement? Ou alors j'ai rien compris? :-s

(Et dans compris, il y a con -_- )
Re: Arrêtez de fustiger l'ignorance !
Posté par norbert vincent le 17/03/2007 00:11:41
Il y a encore des philosophes dans la jeunesse , c'est un nouvel indice de la défaite irrémédiable du nain de jardin !...
[ et dans irrémédiable, il y a diable ! ]
Re: Arrêtez de fustiger l'ignorance !
Posté par zeromantik le 16/03/2007 18:17:48
italo -> Mea culpa, j'ai inversé des dates...

Idem, pour une discussion, MP ;)
Re: Arrêtez de fustiger l'ignorance !
Posté par italo719 le 16/03/2007 17:38:20
Excuse moi de te contredire mais la dialectique est née avec Zénon mais elle changera de statut avec Platon (preuves à l'appui lol)... J'admets cependant que la maëutique ne puisse être qu'une branche de la dialectique ... Au plaisir de discuter philosophie avec toi <... Contaxcte moi quand tu veux !!!
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Publié le 10 janvier 2007
Modifié le 16 décembre 2006
Lu 5 311 fois

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