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Et Monfils craqua

D'abord secoué dans tous les sens par Andy Murray durant deux sets, on a bien cru que Gaël Monfils inverserait la tendance quand il revenait à deux sets partout. Mais il passa complètement à côté de sa dernière manche et d'une demi-finale historique face à Rafael Nadal.


S'il y a vraiment une chose de très bien chez Gaël Monfils, c'est qu'on ne s'ennuie jamais lors de ses matches. Gaël Monfils est un joueur unique en son genre. Vous pourrez chercher pendant des heures, écumer les courts des quatre coins de la planète, jamais vous ne trouverez une homme capable de tenir la comparaison. Il construit ses matches comme des films. Le tennisman se mue alors en un cinéaste très inspiré qui élabore ce genre de thriller qui tienne en haleine jusqu'à la dernière scène et même parfois toute l'intrigue se joue sur le dernier plan. D'abord samedi pour son match de troisième tour contre l'Italien Fabio Fognini, il commençait de la pire des façons, accumulant les fautes, les mauvaises décisions et laissant à son adversaire du jour le soin de prendre la première manche. Il s'était alors réveillé petit à petit à force de beaux échanges remportés, de coups droit faisant enfin la différence et le hissant presque tout droit vers la semaine suivante. Mais il allait s'écrouler au quatrième set avant d'achever sa proie sans contestation aucune dans la manche décisive. Lundi après-midi, il nous pondait un scénario tout autre contre Guillermo Garcia-Lopez, tombeur de Stan Wawrincka au premier tour. Il faisait une bonne entame et ne relâchait pas une seconde son étreinte pour aller arracher un nouveau quart de finale dans son antre de Roland-Garros.
Au détour d'un quart de finale, on savait pouvoir faire confiance en Gaël Monfils mais surtout en sa faculté à nous envoyer des émotions par paquets de dix. Au tour précédent, il nous avait suffisamment surpris par un premier set tonitruant, le mettant sur la voie royale menant aux quarts, pour nous refaire le même coup deux jours plus tard. Il n'y a besoin de rien de particulier pour que Monfils manque ses débuts de matches. Mais quand l'attente d'une après-midi pluvieuse se mêle à un vent soufflant à pleine bouche, on dira que ça n'arrange rien au problème. Le vent, c'est l'ami d'Andy Murray. Lors de l'US Open 2012, il ne fait plus aucun doute que les conditions climatiques, le vent fort plus particulièrement, l'ont aidé à mettre sur la touche des guerriers de la trempe de Tomas Berdych ou même Novak Djokovic. En ce qui concerne Monfils, ce n'est pas exactement la même chose "je l'ai toujours dit. Je n'aime pas jouer quand le vent est très fort. Ce n'est pas qu'il me gêne mais je ne peux pas jouer comme je le veux. Il faut vraiment réfléchir tous ses coups, il faut doser alors que moi ce que j'aime, c'est cogner fort et chercher des angles". Pendant que les fautes se multipliaient pour le Français, Murray s'amusait à frapper en coup droit, à terrasser Monfils d'un seul revers. Le Britannique distribuait et Monfils courait de kilomètres en kilomètres en sachant que ça finirait dans la poche de l'Écossais. Comme ça, l'image à l'air cinglante. Le score l'était tout autant. Il parvenait à débreaker avant de gâcher tous les efforts consentis en lâchant son service à 5-4 pour Murray. Le deuxième set était encore plus sévère, le seul fait d'arme de Monfils étant d'avoir sauvé sept balles de set avant de céder sur un revers anodin.


Un retour pour rien

A deux sets à zéros, la situation se compliquait et parvenait à un état critique. C'est souvent dans ces moments précis que Gaël Monfils aime à inverser la vapeur pour surprendre une nouvelle fois son public. Le vent qui commençait à disparaître devenait son allié de circonstance. Il était contraint de sauver trois balles de break dans le premier jeu du troisième set avant de lui même en vendanger trois dans le jeu qui suivit. Murray se mettait à faire des fautes, à ne plus passer de premières balles mais il tenait bon malgré tout. Comme Monfils, il perdit le contrôle à 5-4 pour Monfils d'un revers forcé qui mourrait dans le filet. Les spectateurs commencèrent alors à se regarder du coin de l'œil. Pouvait-il revenir ? N'était-t-il pas juste en train de démarrer un come-back dont lui seul en a le secret ? Les cris poussés par Monfils sur chaque coup servit de réponses aux interrogations du public. Plus il frappait fort, plus le public applaudissait et criait tout son soutien. Avec l'heure qui s'approchait des 20h30, le court Philippe Chatrier se vidait malheureusement mais loin de se laisser démotiver, il semblait avoir de plus en plus d'énergie. Ses coups droit en retour filaient comme des missiles. La fatigue se fit sentir sur le visage du Britannique qui se parlait de plus en plus, se demandant comment il en était arrivé là alors que le match lui appartenait et alors que sa place en demi-finale se trouvait tout près de sa main. Les rôles s'inversèrent. Monfils frappait de toutes ses forces et ça restait dans le court, de quoi décourager un homme.
Il était revenu à deux sets partout mais il était tard, presque 21h20. On se pose généralement la question de continuer ou de se donner rendez-vous le lendemain midi. Murray disait au juge arbitre que c'était ridicule de continuer tant il ne voyait rien mais aussi tant il se savait proche de sauter. Monfils voulait continuer bien évidemment "je savais qu'il fallait que le match se finisse le jour-même. Je n'avais pas vraiment le choix. J'ai toujours du mal à commencer mes matches". Tellement fort sur les deux derniers sets, on imaginait un Gaël Monfils allant le plus vite possible pour en finir. Il commençait par mener 30-15 sur le service de Murray. On le croyait proche du break mais il perdit ce jeu et par la même occasion le match. Cette dernière manche ne durera finalement que vingt-quatre minutes, le temps au Britannique de lui coller une bulle. Sévère manière de voir son nom rayé du tableau masculin. Chez Monfils, la déception régnait "si vous saviez ô combien je suis triste. Je ne me l'explique pas. Comment j'ai pu laisser ce set filer aussi facilement ? Je ne sais pas. Ce n'est pas de la fatigue. Je cognais aussi fort mais rien ne rentrait. La roue avait tournée et j'étais du mauvais côté". Dans son entourage, il s'agissait plus de consternation "je ne comprends pas vraiment ce qu'il s'est passé. Je suis d'accord avec lui. Il ne s'agissait pas de fatigue physique. Personnellement, je pense que le mal était psychologique. Il a un mental solide mais je pense qu'il a craqué dans ce domaine" tentait Rufin, le père de Gaël. Quand on allait voir Amélie Mauresmo, les justifications n'étaient pas plus claires "il ne perd pas ce dernier set, il le donne à Murray. Il ne joue pas. Il s'arrête de servir. Il était sorti de son match et c'est très compliqué de revenir. Murray a gagné à l'expérience". Regarder un match de Gaël Monfils, c'est comme faire un pari. On le regarde parce qu'on sait qu'il y a un grand match à voir mais on prend aussi le risque de repartir déçu. C'est comme ça. C'est Monfils et s'il n'était pas comme ça, ce ne serait pas vraiment Monfils...
L'auteur : Fruitier Manu
29 ans, Paris (France).
Publié le 13 juin 2014
Modifié le 12 juin 2014
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