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L'argot : la langue des voleurs

Il a mauvaise réputation l'argot. Une "langue de délinquants" selon certains, un mode d'expression selon d'autres. Voici une petite analyse de ce langage aussi vieux que la civilisation.


En fait, l'argot n'est pas braiment langue. Il en existe autant qu'il existe de langues dans le monde, chacune ayant son propre argot. Je ne parlerais donc que de celui que je connais : l'argot français.

Il apparaît pendant le Moyen-Age, en même temps que se développent les villes. En effet, à ce moment là, apparaissent, les premières bandes organisées de voleurs. L'argot est leur langue. En l'utilisant, ils se reconnaissent entre collègues. Il permet également de parler sans que les gens du commun et en particulier la Police puissent les comprendre. A cause de cet usage, c'est une langue qui évolue très vite. De nouveaux mots apparaissent régulièrement alors que d'autres tombent dans l'oubli. Il y a donc en argot un nombre impressionnant de synonymes. Sa principale caractéristique est d'être plein de sous-entendus et de métaphores. C'est une langue très subtile.

Il continue à se développer et atteint son apogée au XVIIIe siècle, grande époque pour les voleurs. Il perd son exclusivité au XIXe siècle, au moment ou des intellectuels s'y intéressent. Victor Hugo donne un magnifique cours d'argot dans Le dernier jour d'un condamné. Au XXe siècle, il est récupéré par les classes populaires et en particulier les jeunes. De nouveaux mots apparaissent encore, dont beaucoup empruntés à l'arabe. Vient ensuite le verlan qui augmente encore le nombre de mot, puis le verlan en verlan (arabe=beur=rebeu). Il évolue toujours à une vitesse folle, dès que l'ennemi (les adultes ont remplacé la police) commence à le comprendre. Il a donc gardé la même fonction qu'au Moyen-Age : identification et secret.

Mais l'argot est aussi devenu une langue littéraire. En plus de Victor Hugo, d'autres auteurs l'ont utilisé.frédéric Dard, l'auteur de San Antonio, l'utilise dans tous ses livres en grande quantité. On en trouve aussi chez Raymond Queneau (Zazie dans le métro, Les fleurs bleues...). Ces deux auteurs décrivent un univers populaire et l'argot sert à créer une spécificité de leur univers. Il ne ressemble à rien de ce qu'on peut lire ailleurs. Essayez, c'est du grand art. L'argot est également présent dans les chansons de Pierre Perret (surtout en ce qui concerne le sexe).

Le domaine qui comprends le plus de mots argotiques est l'argent. Quelques mots au hasard : blé, pèze, oseille, jonc, pognon, flouze, fraîche, tune, pépettes, maille, ronds, fric... On en trouve aussi beaucoup pour "être saoul" : bourré, noir, rond, gris, pété, raide, sec... Bref, ce qui concerne le plus les jeunes (et les voleurs).

Pour finir, un petit lexique de vieil argot, celui du XVIIIe siècle (je pense que je n'ai pas besoin de vous apprendre celui d'aujourd'hui)

Vous avez probablement été azimuté par tout ce jargon. Vous devez vous demander si vous êtes pas un peu quoqueret. Mais avec un peu de pratique, n'importe quel matois peut-apprendre le soltif des choses. Ecoutez moi et vous branlerez bientôt vos râteliers comme de véritables affranchis. Vous pourrez jouer un air à un grossium et envoyer caguer un chevalier de la gueuserie. Ouvrez grands vos esgourdes :

-Affranchi : un maître dans son art, un voleur ayant de l'influence
-Arbre mort : la potence, là où finissent ceux qui ont été garrottés
-Azimuté : fou
-Bâcle-çà : tais toi
-Bibard : ivrogne
-Bibe : mauvais alcool
-Bige : imbécile
-Bled : ville paumée
-Bougre : un pauvre type qui n'a pas de chance
-Cagette : cellule de prison
-Caguer : Va caguer signifie va te faire foutre (un peu d'argot moderne)
-Chanson : la chanson, c'est les nouvelles du coin, les actualités
-Chevalier de la gueuserie : voleur, tricheur, menteur
-Cracher au bassinet : payer même (et surtout) si on a pas envie de le faire
-Empailler : trahir, arnaquer un allié
-Enfumé : idiot
-Epouser la veuve : être pendu
-Esgourdes : oreilles
-Estamper : tromper la confiance de quelqu'un, profiter de sa crédulité
-Eustache : couteau
-Garniche : pot de vin
-garrotté : arrêté
-Gravé dans le marbre : mort
-Gueuserie : vol et autres activités illégales
-Guitoune : petit hôtel borgne
-Inscrit au livre des morts : Mort (encore un)
-Jargon : autre nom de l'argot
-Jouer de la corde : être pendu
-Jouer un air : jouer un air à quelqu'un, c'est lui échapper alors qu'il vous en veut.
-Lascar : manière neutre de se référer à quelqu'un
-Matois : Terme se référant à quelqu'un d'audacieux et de débrouillard
-Méfieux : suspicieux
-Peler : arnaquer
-Péquin : n'importe qui
-Perdu : mort
-Quoqueret : quelqu'un qui met du temps à comprendre
-Râtelier : la bouche. Branler son râtelier, c'est parler
-Soltif : un secret
-Surin : couteau

Voilà, bienvenue dans le monde de la gueuserie.
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Re: L'argot : la langue des voleurs
Posté par appelez-moi-jadka le 20/08/2004 07:54:09
pas mal comme article
Re: L'argot : la langue des voleurs
Posté par kant1 le 20/08/2004 07:54:09
Oui, et...
Re: L'argot : la langue des voleurs
Posté par white-damon le 20/08/2004 07:54:09
brique = mille francs ; 15 briques = 15 mille francs
Re: L'argot : la langue des voleurs
Posté par kant1 le 20/08/2004 07:54:09
Je ne connaissais pas Alphonse Boudard, mais je vais bientot combler cette lacune.
Re: L'argot : la langue des voleurs
Posté par marquis le 20/08/2004 07:54:09
Il ne faut pas oublier aussi que l'un des maîtres de l'argo contemporain est l'écrivain Alphonse Boudard, qui est également académicien ;)

Excellent article...
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Publié le 28 septembre 2003
Modifié le 28 septembre 2003
Lu 6 354 fois

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