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Les mémoires d'un grand homme

Je me permets de vous présenter une nouvelle que j'ai écrite, parlant de la vie des frères Lumière et plus particulièrement Louis. Elle mêle faits réels de l'Histoire du cinématographe et fiction, à savoir les sentimnts intimes des personnages que je me suis permise d'imaginer...


Six juin 1948. Dans la plus étroite chambre d'une modeste maison de Bandol venait de s'éteindre le célèbre Louis Lumière. Agenouillé au chevet du lit de mort de son frère, Auguste murmurait une dernière prière en son hommage tandis qu'une larme coulait sur sa joue. Apprenant quelques jours plut tôt l'état alarmant de Louis, celui-ci ne tarda pas à quitter son château du huitième arrondissement de Lyon afin de le rejoindre. Dans ses pensées revenaient de façon incessante les dernières paroles qu'ils s'étaient échangées :
"Auguste, lui avait dit Louis, te souviens-tu des nombreuses fois où tu me demandas quels étaient les plus beaux moments de ma vie ?
_Je m'en souviendrai toujours Louis, lui avait répondu son frère dans un rire léger qu'il ne pouvait réprimer en se remémorant le passé."
Louis n'esquissa pas même un sourire, comme si la fatigue de la vieillesse qui l'accablait et le tenait alité depuis plusieurs semaines ne lui permit pas d'exprimer la moindre émotion. Le regard empreint de nostalgie, il poursuivit :
"Je me souviens également que je ne te répondais jamais.
_Tu dis vrai, je n'en connais pourtant pas la raison.
_J'ai simplement toujours pensé qu'il ne vaudrait la peine de te répondre que lorsque viendrait le dernier jour de mon existence. Ce jour est aujourd'hui...
_Comment peux-tu dire une chose pareille ?, lui avait interrompu Auguste.
_Dans le troisième tiroir de mon bureau... , avait continué son frère sans accorder la moindre importance à ce qui lui avait dit Auguste."

Cependant il ne termina pas sa phrase. Il ferma les yeux, parti dans une quelconque rêverie, comme s'il cherchait ses mots avec difficulté. Auguste laissa s'écouler une minute pendant laquelle il contempla le visage méditatif de Louis, attendant patiemment qu'il reprît son explication.
Lorsque le front de Louis s'eut déridé soudainement, Auguste se précipita près de son frère et se pencha au-dessus de son visage dans une exclamation de stupeur. Non, se disait-il, son heure ne peut pas être déjà venue... Il devint bientôt si proche de Louis qu'il aurait pu entendre sa respiration. N'entendant rien, Auguste s'était signé et avait commencé à prier.

Son frère, celui avec qui il avait partagé toute sa vie, connu la gloire comme les déceptions, ce grand génie de la physique et célèbre inventeur du cinématographe venait de pousser son dernier soupir avant même d'avoir pu lui confier ses dernières paroles et n'avait réussi qu'à bredouiller quelques mots insignifiants.

La cérémonie des funérailles eut lieu le lendemain après-midi, pendant laquelle la toute dernière phrase de son défunt frère ne cessait d'occuper l'esprit d'Auguste. Sitôt revenu dans la maison à présent inhabitée de Louis, il se dirigea vers son cabinet, salle dans laquelle il passait parfois des soirées entières sans avoir jamais permis à quiconque d'y pénétrer. Il ouvrit le troisième tiroir de son bureau et fut surpris de n'y trouver qu'un unique carnet aux coins cornés, dont le papier était jauni comme s'il datait du siècle dernier. En effet, lorsqu'il l'eut ouvert, il y découvrit en première page des lignes d'une écriture fine et
serrée qu'Auguste reconnut aussitôt comme étant celle de Louis, racontant la vie qu'il menait au XIXème siècle, la "belle époque" disait-il. Quand il commença à lire le journal de son frère, le vieillard se sentit basculer un demi-siècle en arrière, comme si tous les souvenirs que le temps avaient pu effacer eurent ressurgi tout d'un coup, et se voyait revivre au fil des pages les années les plus marquantes de son existence, celles qui virent apparaître le cinématographe. Auguste se remémorait notamment, grâce à ce précieux journal et non sans un profond émoi, le onze janvier de l'année 1888. Ce jour-là, il avait déposé avec Louis le
brevet de la toute première caméra-projecteur de l'Histoire à Londres, avec laquelle ils tournèrent leur première vue. Il se souvenait avec admiration de son frère lorsqu'il inventa le cinématographe et du jour où il fut breveté à leurs deux noms bien que Louis eût davantage travaillé sur cette fabuleuse invention, dont il voyait le succès à venir fulgurant. Son optimisme et sa fierté ne firent que s'agrandir le 22 mars de l'année suivante, alors que lui et son frère animaient une conférence devant la Société d'encouragement à l'industrie Nationale. Une de leurs premières vues, "La Sortie des usines Lumière", avait effectivement été
diffusée ce jour-là, reçut un succès remarquable et fut breveté.

Il se dégageait de ses pages une émotion qu'Auguste n'aurait su vraiment décrire, mais qu'il ressentait au fond de lui-même pour avoir été si proche de son frère tout au long de leurs vies. Auguste lisait son journal page après page, quand soudain son attention fut attirée par l'une d'elle présentant une écriture précipitée, comme si Louis eût été agité d'un émoi tout particulier en l'écrivant :

"28 décembre 1895,
Voilà enfin venu ce jour qu'Auguste et moi attendions tant, un jour qui restera gravé dans l'histoire du cinématographe à jamais, celui qui vit la toute première projection cinématographique en public dans le monde... Tous ces mois, toutes ces années de travail passés sur l'élaboration de cette invention ont abouti aujourd'hui à leur consécration !
Le Salon Indien du Grand Café de Paris ne fut certes rempli que de trente-cinq personnes alors que celui-ci pouvait en accueillir cent vingt, mais je vois commencer une ère nouvelle, celle d'un élargissement des esprits, celle d'une progression de la technologie encore jamais connue... Le cinématographe s'apprête enfin à devenir un art populaire, l'ouverture de centaines de portes sur le monde ! Ont été diffusées entre autres "La Sortie des usines Lumières", "L'Arroseur arrosé", "Le Repas de bébé" et "Le Débarquement du congrès
de photographie à Lyon". Les spectateurs étaient émerveillés... "

Ainsi se terminait le journal de Louis Lumière. Le message qu'il avait voulu transmettre à Auguste lui était maintenant très clair : les moments les plus chéris de son défunt frère remontaient au jour de la toute première inauguration du cinématographe en public, celui de la concrétisation de son rêve le plus grand, de toutes ses espérances.

Auguste sourit. Malgré son âge, lui aussi se souvenait du moindre détail de ce jour mémorable, dont il se rappelait le regard alors brillant de fierté de son frère. Il connaissait la suite de cette glorieuse journée : leurs espoirs de succès furent bien loin d'être vains, car dès le lendemain de cette date historique, les articles de presse élogieux attirèrent bientôt chaque jour de deux mille à deux mille cinq cent spectateurs, proclamant les frères Lumière comme étant résolument les inventeurs les plus importants et les plus ingénieux du siècle. Le triomphe de
leurs films furent d'une telle ampleur que les bénéfices leur permirent alors d'ouvrir Boulevard Saint-Denis une salle de cinématographie immense.

Auguste referma le carnet et plongea dans des rêveries qui faisaient revivre Louis dans son esprit et dans son cœur.
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Re: Les mémoires d'un grand homme
Posté par 2003 le 07/10/2005 11:22:45
Je te remercie Menchi! ça me fait très plaisir!
Re: Les mémoires d'un grand homme
Posté par menchi le 06/10/2005 04:08:48
Tres sympa ton article! Original!
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Publié le 05 octobre 2005
Modifié le 01 octobre 2005
Lu 1 078 fois

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