| Mohand Said Ouvelaid : entretien posthumeLe 8e anniversaire du lâche assassinat dont a été victime le célèbre chanteur Kabyle Mohand-Said Ouvelaid a été célébré le 4 mars 2008. Il nous rappellera une bien triste journée qui nous a ravi un de nos innombrables compagnons de joug. En hommage à son passé, un entretien à titre posthume lui a donc été... Dédié. Il serait utile de rappeler les circonstances de sa mort. Le 4 mars 2000 au matin, la ville côtière d'Azeffoun (Grande-Kabylie) fut réveillée par une troublante nouvelle. Le corps du chanteur Mohand Said Ouvelaid venait d'être découvert à moitié enseveli dans le sable de la plage "Sidi Koriche". L'émoi était à son comble. Le corps qui était dans un état de décomposition très avancé fut évacué sur la polyclinique de la ville.
Mohand Said Ouvelaid (de son vrai nom Larbi Mohand) est né le 16 février 1923 à Ath Smail, dans le Douar el Merdja (qui relève de la commune de Bounouh), une région limitrophe de la Wilaya de Bouira, une région qui a donné naissance à toute une panoplie de chanteurs célèbres entre autres, le regretté Farid Ali. Son parcours artistique a été fort élogieux. En 1953, il enregistra son premier produit chez l'édition "Phillips", devenant ainsi le seul Africain à avoir pu "percer" cette citadelle française destinée uniquement aux nationaux (français bien sûr). Il venait à l'époque de s'engager dans la chanson... Engagée. Les misères endurées par les Algériens le feront réagir. Il connaîtra des démêlées avec la police française à Paris même. Lors d'un entretien réalisé pour le compte de notre journal, Mohand Said Ouvelaid avait prédit sa mort. Son intuition le conduira vite vers cette amère réalité car il sera effectivement assassiné deux mois après.
Mohand Said Ouvelaid a été ravi aux siens par des coups reçus au niveau de la tempe le 26 février 2000. Ayant connu des déboires familiaux, il quittera son domicile et se mit à errer à travers la Kabylie à la recherche d'une quiétude. D'abord hébergé au centre d'accueil des personnes âgées de Yakouren, il se déplacera pour s'installer à Azzefoun. Il louera une chambre d'hôtel. Son "ami" Madjid A., percussionniste de talent, lui rendait des visites. C'est lors d'une d'elles que ce jeune aura la malheureuse idée de mettre fin à la vie du chanteur. Jugé au mois d'avril 2001, il sera condamné à vingt ans de prison ferme par la Cour d'assises de Tizi-Ouzou sous l'inculpation d'homicide avec préméditation. Madjid s'était servi d'une derbouka (tard la nuit alors que le pauvre chanteur dormait probablement !) pour commettre son forfait en assénant à sa victime des coups sur la tempe. Da Mohand-Said Ouvelaid qui n'est plus de ce monde nous doit bien à titre posthume quelques réflexions, pour être "parti" sans nous prévenir.
RACHID YAHOU : Depuis huit longues années déjà tu n'es plus avec nous, qu'en penses-tu ?
MOHAND SAID OUVELAID : Je regrette ma mort et les vivants.
RACHID YAHOU : Les vivants pourquoi ?
MOHAND SAID OUVELAID : Je ne les reverrai pas de sitôt.
RACHID YAHOU : Et ta mort ?
MOHAND SAID OUVELAID : J'ai été tué par un jeune de ma région.
RACHID YAHOU : Vous lui en tenez rigueur ?
MOHAND SAID OUVELAID : Oui ! Ce jeune a commis deux crimes. Il a tué Mohand Said Ouvelaid et un chanteur. Il a tué une personne et une culture.
RACHID YAHOU : Il a été sévèrement puni.
MOHAND SAID OUVELAID : Le châtiment qui lui a été infligé par la justice ne pourra égaler l'ampleur de son désastre.
RACHID YAHOU : Pourquoi ?
MOHAND SAID OUVELAID : Il aurait dû me laisser finir mes jours comme Slimane Azem, par exemple.
RACHID YAHOU : Comment avez-vous connu votre assassin ?
MOHAND SAID OUVELAID : Il était venu me voir. Il prétendait aimer mes chansons.
RACHID YAHOU : Vous l'aviez donc cru ?
MOHAND SAID OUVELAID : Oui, naïvement j'ai pensé qu'il disait vrai.
RACHID YAHOU : Vous l'invitiez donc souvent ?
MOHAND SAID OUVELAID : Oui, souvent jusqu'à cette maudite nuit.
RACHID YAHOU : Comment cela s'était-il passé ?
MOHAND SAID OUVELAID : Alors que je dormais, je ressens un coup violent sur la tête. J'ai eu juste le temps de comprendre ce qui m'arrivait. Je m'en voulais d'avoir fait confiance à ce jeune.
RACHID YAHOU : Votre corps a été retrouvé à la plage. Il vous a donc transporté de la chambre d'hôtel sur une longue distance.
MOHAND SAID OUVELAID : Je ne doute pas qu'il ait été assisté par un ou une complice. Lors de son procès il n'a dénoncé personne, mais le doute demeure tout de même. Je peux vous assurer qu'il avait un complice (je pense à une jeune fille qu'il fréquentait à l'époque).
RACHID YAHOU : Lui pardonnes-tu ?
MOHAND SAID OUVELAID : Jamais je ne pourrai lui pardonner son geste. Il a mis fin à ma vie qui touchait à sa... Fin. Il pouvait attendre ma mort sans la provoquer, la savourer sans être obligé d'en être l'auteur au lieu de se retrouver derrière les barreaux d'où il sortira vieilli.
RACHID YAHOU : Un message à lancer ?
MOHAND SAID OUVELAID : Je lance un appel à la jeunesse kabyle qui se retrouve livrée à elle-même une année après ma mort pour qu'elle prenne conscience des dangers qui la guette. A Madjid A., je dis ceci : "Lorsque tu me rejoindras dans le territoire des ombres tu te rendras compte de l'étendue de ton méfait. Tu sauras que ta place sera parmi ceux qui, deux années auparavant, avaient exécuté un de mes frères, Matoub Lounès, le 25 juin 1998. Ta place sera aussi avec ceux qui ont tué froidement plus de cent jeunes au mois d'avril qui a suivi le premier anniversaire de ton odieux acte envers ma modeste personne. Je ne peux te pardonner Madjid. | | |
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