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Parfois l'idée me ronge

Une vie coupée du monde est-elle vraiment une vie ? Les espoirs d'une enfant prisonnière.


Derrière les rideaux le ciel est lumineux. Mais ces putains de lourds tissus carmin, dont le rouge approcherait presque le sanguinolent je dois dire, m'empêchent de voir l'extérieur. On n'ouvre pas, tel est la consigne. Karin ne supporte pas la lumière, elle dit qu'elle la hait, ainsi que le bonheur des gens qui vivent dessous.
Karin est la femme qui m'a mise au monde. On ne dirait pas pourtant. Quand on nous voit, non seulement on ne nous donne pas dix ans de différence, mais en plus, on ne remarque que très peu de ressemblances entre elle et moi. Quand je me regarde dans une glace, je vois une fille frêle et pâle, aux yeux bruns trop grand pour être beaux. Karin est différente. Certes tout aussi fine, mais elle est ressentie d'une autre façon. Personne n'oserait lui tenir tête, car un simple sourire de sa part l'humilierait, comme si la pire idiotie venait d'être proférée. Nous sommes comme deux sœurs qui n'auraient en commun que le sang. Je suis sa prisonnière.


Des années plus tôt

Une enfant brune aux yeux immenses respira profondément pour se donner le courage de prendre la parole. "Karin ? Pourquoi ne puis-je pas sortir ?" L'autre femme se retourna, glaciale : "Tu ne reviendrais pas.". Les larmes aux yeux, la fillette tenta tout de même "Même si je vous le promet ?", sa mère, sèchement : "Je ne te croirais pas.". A ce moment là entrèrent une domestique et un petit enfant. "Pourquoi ce gosse vous accompagne-t-il ?" Interrogea aussitôt Karin, mécontente. "Excusez-moi, je vous en prie, mon fils vient de se faire renverser par un ivrogne. Il... Est à l'hôpital. Pour le moment, je ne pouvais rien faire d'autre... Que... " Cet homme, invisible en temps normal, bredouillait. Pour une fois qu'une personne montrait une émotion, la petite fille, Live, se montra attentive. "Je ne pouvais pas laisser Alex seul !" finit enfin le serviteur, blafard.
"Alex ! Quel nom... Commun. Pour un gamin comme des millions, pour un grain de semble, pour de la misère, pour une existence insignifiante. Faites comme vous le voulez."
En effet, le garçon ainsi que son grand-père dormirent les jours qui suivirent dans la demeure. Pendant ce temps, Live l'avait dévoré des yeux, c'était la première fois qu'elle voyait un autre enfant. Quand elle réussit à trouver sa chambre, elle y pénétra sans honte. Alex était assis sur le lit, l'air perdu dans ses pensées.
-Ton père, il va mourir ?
- Ca ne te regarde pas.
- Si ça me regarde, parce que si j'ai envie, je peux te virer d'ici et tu dormiras dehors tout seul !
- Tu te prends vraiment pour une reine, hein ? J'aime pas les gens comme toi.
- T'es bizarre. Karin m'a dit que tout le monde ici devait m'obéir et être gentil avec moi, sauf la maîtresse, Madame Ghal. Elle je l'aime pas, quand je fais des fautes, je suis obligée d'apprendre une histoire par cœur, et la réécrire sans fautes ! C'est horrible.
- Moi non plus j'aime pas les dictés, mais y a pire.
- Alors ton père il va mourir ou pas ?
- Je sais pas, je sais pas ! Arrête !
- Tu as l'air triste, tu... Pleures ?
- Non ! Je pleure pas ! Papi m'a dit de ne pas pleurer, parce que papa, il voudrait pas, que ça lui ferait de la peine. Je veux pas pleurer !
- C'est pas grave, je le répéterai pas, c'est promis. Tu sais... Je vais te dire un secret.
Live s'approcha du petit garçon et s'assit à côté de lui sur le lit et lui chuchota à l'oreille.
- Moi aussi je pleure, c'est le soir toujours, parce que si Karin me voit, ça risque de devenir atroce, et je peux pas me retenir ! Je sais même pas pourquoi. Ca sera notre secret d'accord ? Comme ça on est sûr de se faire confiance.
Alex fronça le nez.
- C'est toi qui es bizarre.
- Pourquoi tu veux pas me répondre pour ton père ?
- Et pourquoi est-ce que tu m'embêtes ? J'en ai marre ! Mon papa, il dort, mais on sait pas quand il va se réveiller. Voilà t'es contente ?
- Oh mais... S'il se réveille, ça veut dire qu'on va plus se revoir ?
- Oui.
- Alors j'espère que ton papa il va mourir.
- T'es qu'une salope.
- Oh t'as dit un gros mot.
- Tu comprends rien. Toi, je t'aime pas pas pas pas ! Je te déteste même ! Si mon père meure, je serai seul, est-ce que tu comprends ça, princesse ?
Le dernier mot avait été dit avec un profond mépris. Les lèvres de Live tremblèrent légèrement.
- Moi, j'ai jamais eu de papa. J'ai toujours été seule.
- Menteuse ! Tu as plein de domestiques, t'as à manger des bonnes choses, t'as un professeur particulier, t'as des gameboys, t'as des nintendos, t'as plein de jouets et plein de livres, et ta maman elle est super riche.
- J'ai pas de maman, hurla soudain Live, Karin, c'est pas maman ! Maman, elle est gentille, elle sourit tout le temps et elle a plein d'amis et elle est très courageuse ! Karin, c'est Karin, c'est tout.
- Mais on m'a dit que c'était ta mère.
- J'en ai pas, je viens te de le dire.
- C'est pas possible. T'as forcément deux parents.
- Non. Karin n'est pas une maman. Ca se voit quand même ! J'ai lu plein de livres, j'ai même un ordinateur avec internet, et quand je vois maman, ça ressemble jamais à Karin.
- Parce que en fait, tu es super malheureuse c'est ça ? Alex avait un sourire moqueur.
- Je sais pas. Live haussa les épaules. Non, je crois pas.
- T'as l'air pas très intelligente.
- Peut-être que je ne le suis pas, mais est-ce que c'est vraiment important ?
- Les gens idiots, ça m'intéresse pas.
- Alors explique moi comment on devient intelligent.
- Et comment tu veux que je fasse ça ?
- Je ne connais rien à rien. Commence moi à me dire comment c'est dehors. Karin ne m'a jamais vraiment laissée sortir. Ou l'école, c'est comment l'école ?
- Très bien, puisque tu insistes, mais je pourrais jamais tout te raconter, il faut que tu le vois !
- Essaie toujours.


Alors il lui parla. Des pigeons qu'il fallait évités quand ils passaient au dessus des têtes si on tenait à rester propre, des voitures dangereuses, du soleil les chaudes journées d'été, de la forme des nuages, des insectes dans l'herbe, des gens drôles dans la rue, des batailles d'eau avec des amis, des nombreux parcs et comme c'était agréable de s'allonger dans l'herbe pour lire, des parties de foot, des jeux de bille, puis il enchaîna avec l'école. La maîtresse, une vraie garce, à qui on lançait des boulettes dès qu'elle tournait le dos, des devoirs pénibles qu'on était obligé de faire, de la cantine et de la queue qu'il fallait se taper alors qu'on avait la dalle, des jeux vidéos dans la cours de récré...
Et Live buvait chacune de ses paroles comme si elles étaient pour elle un vin exquis transformant sa propre vie solitaire par tous ces souvenirs qu'elle désirerait tellement les voir lui appartenir.
Quand le petit garçon eut fini pour cette fois, tous deux avaient un sourire aux lèvres.
Cependant, les jours passèrent et Alex dut partir. Et Live avait réussi à lui arracher une promesse. Celle de revenir la chercher, un jour.


Mais je ne l'ai jamais revu. Comme le monde m'avait paru, malgré ses travers, désirable ! Et moi comme une conne, j'attends.
Je ne suis qu'une gamine, alors je ne peux m'empêcher d'espérer qu'un jour une main se tende pour prendre la mienne à travers mes barreaux, histoire de me sortir une fois pour toute de cet enfer tapissé de riches tissus moirés.
Je rêve d'une peau satinée contre la mienne, douce. D'un sourire tendre me prenant les lèvres, et de la lumière d'un regard.
Ouais. Comme une conne. A essayer d'imaginer ce monde qui me boude, dissimulé derrière des rideaux rouges comme du sang.
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Re: Parfois l'idée me ronge
Posté par elodelu le 11/12/2008 21:27:57
ha enfin un bon texte, j'allais laisser tomber!
C'est très bien écrit, j'ai vraiment accroché mais je trouve deux choses à y redire:
trop de vulgarités!! ça m'a destabilisé dans ma lecture non pas que je sois prude mais ça ne colle pas avec l'ambiance
et puis l'incrustation de termes comme nintendo et internet heu... j'aurais préféré que ce texte reste intemporel, et puis si la mère ne veut pas que sa fille sache comment c'est dehors elle n'a pas intérêt à lui fournir internet lol
mais c'était super continue comme ça!!!
Re: Parfois l'idée me ronge
Posté par pacôme.martin le 28/07/2008 16:34:36
c'est rigolo. Au début, Je n'ai pas accroché. Néanmoins, au fil des lignes, j'ai trouvé un effort d'expression... Quelque-chose se cherche, quelque-chose veut des mots. Surtout, laisse le venir sans te hâter.
Un conseil: Lis " Les lettres à un jeune poète, de RAINER Maria Rilke"
Re: Parfois l'idée me ronge
Posté par nadi1992 le 23/07/2008 18:02:34
trés jolie histoire qui décris la soufrance de plusieure personne qui s'enferme dans leur ésprit.
je vous félicite et vous souhaite une bonne continuation.
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L'auteur : Diane Elddir
33 ans, Bruxelles (Belgique).
Publié le 21 juillet 2008
Modifié le 31 mai 2008
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