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L'ascenseur
Posté par chiumounou le 17/07/2005 00:00:57
Elle voit les sols des étages passer devant ses yeux. L'ascenseur, petit et étroit, est toujours aussi lent. Combien cela fait-il de fois qu'elle fait ce minuscule voyage ? Aude n'a pas le sens des proportions, mais disons que durant les dix années qu'elle a passé ici, elle a du l'emprunter environ deux fois par jours.
C'est toujours un moment de vide, d'infini... Ou peut être un moment si propice à une méditation complète, un moment où les pensées se bousculent tant dans sa tête, qu'elle ne les sent même plus circuler dans son esprit. Et le vide. Un moment où elle monte ou descend les étages, immobile, le regard fixe, mais qu'elle oublie aussitôt, une fois la porte franchie. Mais ce jour là, Aude pense à une chose précise, et tendis que ses yeux voient passer devant eux le premier pallier, une triste vérité éclaire son esprit encore confus. Ce film qu'elle vient de voir, et cet acteur, elle les aime. On pourrait penser que c'est juste le film qui l'a touché et qui l'a poussé à l'admiration de cet homme, mais non, c'est évident, elle le sait : elle aime l'acteur. Comment s'appelle t-il déjà ? Oui, elle s'en souvient !
Deuxième étage... Elle veut le voir. Aude veut le voir... Elle se voit à ses côtés... Et elle sait qu'il l'aimerait, si seulement elle pouvait le voir, lui parler. Elle se voit, elle les voit, tous les deux enlacé ... Elle se voit à la place de l'actrice qui jouait à ses côtés... Sa femme sûrement ... Aude s'en moque, il est à elle ! Elle l'a décidé à ce moment précis, tout en revoyant ses yeux, son visage ... Oui, ses yeux, qui la contempleront un jour, elle le sait.
Troisième étage. Où habite-il ? En Amérique, ça c'est évident, mais ... Comment le trouver ? C'est si grand ! Elle a 15ans, dans un an, elle pourra partir. Elle trouvera bien comment faire. Après tout, elle a la volonté ! C'est si simple de partir, avec l'argent que ses parents ont mis sur son compte, elle pourra acheter un billet et s'envoler, vers lui. C'est si simple. Si simple...
Quatrième étage. Elle regarde l'heure. Sa main tremble comme une feuille qui peine à décoller du sol sous une légère brise. Son cœur est également semblable à cette feuille. Elle ne sait que penser. Ca ne peut pas être autre chose que de l'amour. Et elle ne peut pas se permettre de douter. Depuis le temps qu'elle est sur cette terre, les gens ne la comprennent pas, ne la croient pas, ne l'écoutent pas. Alors si elle même doute, alors qu'elle est remplie de certitude, cela ne marchera pas. Elle doit juste écouter son cœur tremblant. Il a toujours eu raison.
Cinquième étage... Et dans quelques secondes elle entrera dans l'appartement. Ses parents seront là à l'attendre. Elle se regarde elle même de bas en haut. Sa mère lui dira sûrement que ce pantalon large bleu clair n'ait pas fait pour ce temps d'hiver, qu'elle devrait fermer son manteau qui laisse entrevoir cette chemise bien trop légère et ce gilet sans manche ridicule,. Elle lui dira qu'elle devrait coiffer sa chevelure trop courte et surtout rentrer plus tôt, et travailler au lieu d'aller au cinéma. Aude la fixera de son regard vert et étincelant et lui dira pour la millième fois, avec ce sourire qui lui est propre qu'elle n'a pas froid, que ses cheveux ne tiennent pas en place, que ces vêtement font partie de sa personnalité et que le cinéma c'est sa vie. Sa mère soupirera puis sourira, comme sa fille, en lui déposant un baiser sur la joue. Aude se tournera ensuite vers son père pour lui dire bonjour et, comme sa mère, déposera un baiser sur sa joue. Elle ira ensuite dans sa chambre et s'installera sur son ordinateur.
L'ascenseur s'arrête. Elle reste encore immobile pendant deux secondes, avant de sortir en inspirant profondément.


Le regard embué, Aude regarde son visage. Elle a pris le temps de se préparer dans la chambre avant de redescendre. Il lui a dit qu'elle pouvait prendre son temps car il avait payé pour la journée. Tout c'est passé si vite ! Elle a traversé la rue vers lui, lui a dit timidement bonjour, puis elle lui a dit qu'elle l'aimait, qu'il était son rêve, qu'elle était heureuse. Puis ils ont un peu parlé, et elle s'est retrouvée dans cette chambre. Et maintenant, elle va attendre qu'il la rappelle, comme il lui a dit, quand elle lui a donné son numéro de téléphone. Mais pourquoi est-il partie si vite ? Une larme coule sur son joli visage de jeune femme. Elle l'essuie de sa main tremblante, puis se regarde dans la glace et s'adresse un sourire. Elle se regarde de haut en bas. Elle est jolie, elle l'aime, il l'aime aussi. Elle le sait. Elle est heureuse, et une dernière larme coule sur son sourire.


Aude franchit la porte et se regarde dans la glace du grand ascenseur. Ses cheveux, légèrement bouclés frôlent son cou orné de plusieurs vieux colliers, seuls bijoux qui lui reste. Ses grand yeux vert ont perdu de leur éclat. Elle porte ce vieux jean qu'elle possède depuis si longtemps. Celui qu'elle portait ce jour-là. Quand il l'a vu. Elle s'en souvient si bien ! Il était aussi beau que sur toutes ces photos qu'elle avait accroché au mur et qu'elle regardait sans cesse. S'il ne l'avait pas appeler, Aude savait pourquoi. Sa femme avait certainement trouvé le numéro de téléphone dans sa poche. Ou peut-être avait-il perdu le papier. A moins que la pluie qui tombait ce jour là ait effacée les lettres tracée rapidement par Aude. Il n'avait pas pu l'appeler ou lui écrire, mais ce n'est pas si grave... Depuis ce jour elle le cherche sans cesse, et elle le retrouvera. Elle le sait.
Alors qu'elle s'apprête à appuyer sur le bouton qui mène au rez-de-chaussée, une femme court vers elle : "vous devez payez M'dame Rivers, sinon ils vont vous expulser" Aude, qui maintenait appuyé le bouton qui retenait les portes hocha la tête et remercia la vieille femme qui gardait ce grand immeuble inquiétant. La femme la regarda d'un regard attristé puis retourna là où elle était. Aude relâcha le bouton et appuya sur celui dont les lettres étaient totalement effacées. Pendant que l'ascenseur démarrait, Aude poussa un gémissement. Son bras était douloureux. Elle le tourna et regarda le petit trou qui y apparaissait. L'endroit où elle se piquait habituellement commençait a s'infecter. Aude, qui avait l'habitude de ce genre de situation sortit un flacon d'alcool et versa quelque gouttes sur un mouchoir qu'elle posa sur son bras, et, tout en appuyant dessus, se dit qu'elle devrait arrêter la drogue. D'ailleurs, elle devrait aussi boire un peu moins, et pourquoi pas s'installer autre part. Mais pour cela elle doit travailler dur, et pour tenir elle a besoin d'alcool, et la drogue, elle ne peut pas s'en passer. Ce serait comme l'amputer. Elle en a besoin. Aude est entrée dans un cercle vicieux et ne peux plus en sortir. Si, elle peut, mais pour cela elle a besoin de lui. De cet homme. Elle en a bien connu quelques autres, mais aucun ne valait celui qu'elle aime. Ils l'ont tous traiter comme une moins que rien. Elle, ce dont elle a besoin, c'est de lui. Lui seul peut la sauver.
Aude regarde vers le haut et voit le nombre 6 devenir rouge. Elle arrivera au bar dans dix minutes. Elle n'y arrivera pas. Pas aujourd'hui. Servir encore ces gens sans cesse, entre ceux qui ne la regarde même pas et ceux qui la dévisagent, l'examine au plus profond d'elle même, avec leurs regards qui la percent comme des couteau plus pointus que des aiguilles. Tous ces hommes au teint rougi par l'alcool, qui la touchent de leurs mains moites, ces voix qui résonnent, ces rires pires que démoniaques, et cette envie de les tuer... Mais comment sortir de là ? Comment ? Lui. Il est la seule solution. Elle sait qu'il l'aiderait si elle le retrouvait.
La couleur passe au chiffre 5 quand elle réalise qu'on est en hiver. Depuis combien de temps est-elle ici ? Avant, elle travaillait dans une école, mais ils l'ont viré. Elle buvait trop et n'arrivait pas à l'heure. Quand elle y repense c'était tellement mieux... Maintenant, elle ne compte plus les jours et les semaines, ni même les années d'ailleurs. Elle a l'impression de vivre dans un cercle sur lequel elle tourne encore et toujours. Ces jours, ces heures... Toujours ces heures à vivre et revivre infiniment.
Le numéro 4 s'éclaire. Et sa mère qui l'a appelée l'autre jour. Elle avait bien trop bu ce soir là. Elle lui avait crié des insultes. Elle lui avait dit toutes ces choses qu'on ne dit que dans cet état. Ces reproches qu'on doit garder en nous car ils ne sont en rien vrais ou fondés... Pas une seule seconde elle lui avait dit qu'elle l'aimait, qu'elle lui manquait. Non, elle avait fait une crise d'hystérie et sa mère avait raccroché, en larme, sans savoir que dire.
Le troisième étage. Aude se regarde une dernière fois. Ses yeux sont couvert souligné de noir. Ses cheveux, d'un marron tirant vers le roux, tombent légèrement sur son front prématurément abîmé par le temps. Sa peau, qui avait été claire et fraîche semblait désincarnée. Elle ne souriait plus depuis des années. Elle pleurait souvent, mais le bonheur avait disparu depuis ce jour, le plus beau de sa vie.
Le deuxième étage passé, Aude se retourne de nouveau vers la porte et contemple fixement l'endroit de l'ouverture.
Premier étage, et son esprit s'est vidé.
Et tandis qu'elle passe la porte, elle appréhende cette journée, qui est pourtant comme les autres, et avance machinalement vers la porte d'entrée.


Le bruit résonne dans ses oreilles. Tel un coup de tonnerre brisant un vacarme. Brisant le vacarme d'une vie. Mais le silence, apparaissant avec le coup. Un silence trop lourd, trop fort, trop difficile. Après avoir senti tant de bruit dans ses oreilles, comment supporter ce silence. Puis le deuxième coup. Et là, une sorte de vide. Un sentiment étrange. Elle entend la voix, mais ses oreilles trop occupées à se remémorer ces éclairs, ne distinguent pas les mots. Puis, enfin, son esprit regagne sa place et elle entend une voix inconnue crier : "il faut l'opérer ! La balle est dans sa poitrine". Puis elle entend des porte se refermer. Les portes d'un ascenseur. Une autre voix demande quel bloc ils occuperont puis la première voix répond que le bloc 7 au 4eme étage est vide. Aude se remémore alors la matinée qui s'était déroulée avant les deux grands coups. Cette homme qui riait bruyamment, ses yeux, clos sur son visage grimaçant, et cette envie terrible de planter le couteau avec lequel elle coupait la viande dans son corps. Et plus il riait, plus la tentation était grande. Puis, elle s'est jetée sur lui et planta et replanta le couteau encore en encore dans son corps gras. Elle ne souvient plus combien de temps dura cet acte, tout la dernière chose dont elle se souvient c'est l'homme qui tira sur elle. Et maintenant, elle entend ces gens, des médecins sûrement, qui parlent de l'opérer. Elle ne sent plus son corps, et ses yeux peinent a s'ouvrir. "Vous notez Jenny ? La patiente se nomme Aude Rivers, femme, 32 ans, porte des traces d'utilisation récente de stupéfiant par voie sanguine, la balle a transpercé le poumon gauche et se situe au dessous du cœur. Entre nous ça m'étonnerait qu'elle survive". Aude avait envie de crier, mais quelque chose bloque sa voix. Alors c'était fini ? Mais c'est comme ça que ça fini la vie ? Et lui alors ? Comment le saura t-il ? Non ! Seul lui a le droit de la sauver... Elle ne veut pas partir comme ça ! Non ! Mais qui va lui dire ? Qui le saura ? Qui saura qu'elle est morte ? Non ! Et maman ? Et ses seuls amis ? Enfin, ses anciens amis ? Elle n'a personne ici a par lui ! Qu'à t'elle fait ? Et tous les autres ? Personne ne la connaît dans cette ville, dans ce pays... Pas même lui. Pour la première fois elle réalise que même lui ne la connaît pas. Pas vraiment. Elle le connaît pourtant si bien ! Les seules personnes qui l'ont connues ne sauront jamais comment tous cela a fini. Ils rigolaient tous quand elle disait qu'elle irait à New York le trouver. S'ils savaient qu'aujourd'hui elle est sur ce lit, après avoir passé toutes ses années à vivre pour lui, à penser à lui, à leur rencontre, à ce rêve... "Bon, allons-y" cri le m édecin tandis que la porte s'ouvre. Aude sent qu'on soulève son corps puis le repose. Elle sent ensuite une piqûre sur son bras. "Peut-être me réveillerai-je a ses côté" murmure t-elle intérieurement, juste avant que toute pensé la quitte, et que les portes de l'ascenseur se referme derrière sa tête qui est, pour la première, mais aussi dernière fois, vidée de tout espoir. Elle voit juste l'ascenseur se décrocher et tomber. Tomber, éternellement.

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Re: L'ascenseur
Posté par stgermain75 le 20/07/2005 08:28:49
15 ans....bigre.....très bien....envoutant..... réaliste....mature.....

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Re: L'ascenseur
Posté par safran le 20/07/2005 09:42:29
J'ai bien aimé

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