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La géopolitique de Chypre
Posté par jujuls le 20/08/2004 07:50:50
Cet article abordant le thème de la géopolitique de Chypre permet de mieux comprendre les aspects de ce conflit, engluant l'île dans un statu-quo depuis près de 30 ans...

Chypre, ou "Île d'Aphrodite", est une île de la Méditerranée orientale proche des côtes turques et syriennes, sa superficie de 9251 km² avoisine celle de la Corse. Elle s'étend sur 230 km de longueur (d'ouest et est) et 80 km de largeur (du nord au sud). L'île prend la forme, selon de plus ou moins poétiques affirmations, la forme d'une côtelette où celle d'un vaisseau antique dont la proue serait dirigée vers l'Asie mineure. L'île appartient géologiquement à l'Asie, attachée à ce continent par un isthme, la montée du niveau des mers est à l'origine de son insularité. Le climat de l'île y est de type méditerranéen.
Du côté de sa population, l'île est peuplée d'un peu plus de 800. 000 habitants ; dont envirion 620. 000 chypriotes grecs de confession chrétienne orthodoxe ; 95. 000 chypriotes turcs, musulmans sunnites de rite hanéfite ; et 22. 100 habitants d'origines divers (arméniens, arabes, britanniques...). S'ajoutent à cette population, 90. 000 turcs du continent. La capitale du pays est Nicosie, avec 170. 000 habitants. Les langues officielles sont le grec et le turc. L'anglais est également bien implanté sur l'île, surtout parlé par les jeunes chypriotes grecs.
Le pays est membre du Commonwealth et de l'ONU depuis 1960, date de l'indépendance du pays. Pourtant, après avoir obtenu son indépendance à la Grande-Bretagne, le pays, reconnu internationalement, traverse une longue crise intercommunautaire et se retrouve, à l'issue de violents affrontements au cours des années1960 et 1970, scindé en deux. Divisée entre deux communautés, l'une chypriote grecque, l'autre chypriote turque, la République de Chypre aspire aujourd'hui à la réunification de l'île. Dernier Etat d'Europe divisé par un mur, la perspective d'adhésion à l'Union européenne pourrait accélérer le règlement de ce conflit qui dure depuis près de quarante ans.

Nous allons donc aborder au long de cet article la géopolitique de l'île de Chypre. En premier temps, nous montrerons que l'histoire de Chypre a été très bouleversée de par sa situation en Méditerranée, que se soit des siècles auparavant, mais aussi plus récemment. Sa position géostratégique et ses richesses auront influencé le cours de son histoire, jusqu'à sa tragique partition en deux parties en 1974, qui sépara les deux communautés chypriotes, grecque et turque.
En second temps, nous essayerons de voir les différentes évolutions sur le terrain et dans les mentalités qu'on prises les deux parties de l'île après la partition dans les années 1970. Une lassitude de cette situation gelée depuis plus de 20 ans est apparue au cours des années 1990.
C'est ce que nous aborderons en troisième partie, la réunification est une volonté bien présente aujourd'hui, nous verrons le point de vue et l'influence que peuvent avoir les différents acteurs, internationaux et locaux en rapport avec ce conflit.





Chypre est depuis longtemps une île qui a connu de nombreuses influences de par les différents peuples qui l'ont conquise. Sa situation en Méditerranée orientale y joue certainement pour beaucoup. Non pas parce qu'elle se trouve au carrefour de grandes routes maritimes, mais parce que sa situation constitue une position stratégique. Aux portes du Proche-Orient, à 65 km au sud des côtes anatoliennes, à une centaine de kilomètres à l'ouest du littoral syrien et à environ 300 km des côtes egyptiennes. Ce "paradis" convoité se situe donc pratiquement à équidistance de trois continents : l'Europe, l'Asie et l'Afrique.
L'histoire de l'île remonte à plus de 9. 000 ans. Conquise par plusieurs peuples : des Phéniciens aux Perses en passant par les Assyriens, les Egyptiens, les Grecs, les Ottomans, etc. Malgré le nombre de pays conquérents, l'île n'a gardé uniquement les langues et civilisations grecques et turques. Ces deux peuples ont vécu pendant longtemps en cohabitant paisiblement.

Tout changea en 1878, lorsque l'île fut donnée en bail à la Grande-Bretagne par l'Empire Ottoman. Durant la colonisation britannique, une mouvance helleniste apparut. Appelée "enosis", elle réclame la réunion de l'île avec la mère patrie, la Grèce. Les britanniques laissaient entendre que cela pourrait se réaliser à terme. Mais, du fait des guerres mondiales et de la situation au Proche-Orient, la Grande-Bretagne se refusa de plus en plus à céder à l'enosis. Pas question dirent t'ils, pour eux de lâcher ce "porte-avions", d'autant plus que toutes les colonies britanniques au Proche-Orient ou au Machrek avaient été rendues. De ce fait, la Grande-Bretagne se servit de la minorité turque et de la Turquie pour animer des tensions inter-communautaires sur l'île. L'intérêt en jeu pour les chypriotes turcs étant de ne pas se retrouver étouffés par la majorité grecque en cas de rattachement à la Grèce, ou d'être totalement contrôlés par les chypriotes grecs. L'intérêt avancé pour Ankara, la domination géographique de la mer Egée déjà très importante par la Grèce ne devait pas croître, sinon ce la serait un problème capital pour la sécurité des ports turcs à proximité. Un ancien président turc déclarait ainsi : "Chypre est une île qui perce le milieu de la Turquie comme un poignard. Elle est vitale du point de vue de notre sécurité..."

L'histoire de Chypre va donc être très agitée après la Seconde Guerre Mondiale. De 1955 à 1959, les combattants de l'EOKA (organisation nationale des combattants chypriotes favorables à l'enosis) menèrent une lutte armée contre les britanniques. En 1959, la Grande-Bretagne, la Turquie et la Grèce signèrent les accords de Zurich et de Londres. Lesquels prévoyaient la constitution d'un état indépendant de Chypre, co-géré par les deux communautés et dont la souveraineté et l'intégrité territoriale seraient garanties par la Grande-Bretagne, la Grèce et la Turquie. L'histoire de l'île semblait alors se pacifier. En 1960, l'île adhéra au Commonwealth et à l'ONU, en 1961, au conseil de l'Europe. Pourtant la cohabitation va se révéler difficile. En 1963, le président-archevêque, chypriote grec, Mgr. Makarios proposa d'amender la constitution pour donner plus de pouvoir à la communauté grecque et obtenir une indépendance réelle. En réponse, le vice-président, chypriote turc, Fazil Kuchuk, parla pour la première fois d'une possible partition et Ankara menaça d'envahir l'île. C'est alors que l'ONU créa l'UNFICYP (force des nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre). Des casques bleus furent envoyés sur l'île pour assurer le maintien de la paix. La tension crût en 1967 par la prise de pouvoir des colonels en Grèce. Les chypriotes turcs se sentant menacés repliquèrent par la formation d'une administration Chypriote turque. La crise éclata le 15 Juillet 1974. Mgr. Makarios fut renversé par un coup d'état appuyé par le régime des colonels grecs. Pour répliquer, la Turquie débarqua au nord du pays et s'emparra de 37% du territoire. D'importants déplacements de population eurent alors lieu. Chypriotes grecs au sud et chypriotes turcs au nord. Une zone tampon fut érigée entre les deux communautés, occupant 3% du territoire. Baptisée la "ligne verte" ou "ligne Attila", des casques bleus de l'UNFICYP vont y furent déployés.

Dès cette date, l'île va être divisée et va évoluer de deux manières différentes. Des nationalismes exarcerbés et des enjeux géostratégiques mirent fin à des siècles d'entente entre chypriotes des deux communautés.


Depuis 1974, l'île de Chypre est donc séparée en deux parties, présence chypriote grecque au sud et présence chypriote turque au nord. Jusqu'au milieu des années 1990, les deux communautés vont faire face à un statut-quo. Toutes les tentatives de négociations ayant échoué, le conflit va rester figé. L'île va connaître deux sorts différents.

Tout d'abord dans la partie Nord, soit 37% de l'île. Le dirigeant chypriote turc Rauf Denktash nommé par Ankara depuis les tensions de 1974, proclame en 1975 l'état autonome, laïc, fédéré, turc de Chypre. En 1976, il est élu président. En 1983, il proclame la RTCN (République de Chypre Nord) qui sera seulement reconnue par le gouvernement d'Ankara. L'évolution de cette partie de l'île s'avère douloureuse. Du fait de son caractère illégal du point de vue international, la RTCN se trouve en état de dépendance vis à vis de la Turquie. En 1974, cette partie de l'île concentre l'essentiel des ressources sur Chypre (environ deux tiers pour les ressources hydrauliques et minérales). Pourtant ces dernières ont été seront sous-exploitées et le nord de l'île tombe en état de sous occupation, sauf bien sûr par l'armée, avec l'arrivée de 35. 000 militaires turcs. De nombreux villages sont transformés en casernes. Ces derniers vont d'ailleurs nuir au tourisme, qui reste quasiment nul de ce côté-ci. Pour palier à des manques démographiques, le gouvernement va faire appel à des travailleurs immigrés, surtout originaires d'Anatolie, région très pauvre de Turquie. L'arrivée de 90. 000 turcs du continent créé un autre problème, un sentiment de xénophobie va naître de la part des chypriotes turcs qui vont se sentir vite envahis. Dans la population, le sentiment de haine ne va plus être envers la communauté grecque mais plutôt vers la communauté immigrée turque. D'ailleurs le poids d'Ankara se fait de plus en plus lourd. Les chypriotes turcs rendent la Turquie rendent le gouvernement Turc et celui de la RTCN comme responsable selon eux de l'atrophie de cette partie de l'île. Pour ne citer qu'un exemple, le PNB par habitant du nord de l'île est de 4. 590 Euros, alors que celui de la partie sud n'a cessé d'augmenter pour atteindre ces dernières années les 18. 390 Euros.

En effet, la partie sud a evolué tout differement. Dans les 67% de l'île occupée par la communauté chypriote grecque, on ne constate pas de désertification, et la population qui occupe cet espace est homogène, composée de chypriotes grecs. Cette partie n'a pas été affectée par un exode rural massif, par contre, le réseau urbain s'est développé et s'est modernisé. Il en a été de même pour le tourisme et l'agriculture, qui restent supérieurs, bien au delà de celle de la partie nord de l'île. Le tourisme et les affaires restent tout de même les principaux secteurs responsables de l'essor économique chypriote grec. En effet 73% du PIB est réalisé dans ce secteur. La présence de deux bases militaires britanniques et la reconnaissance internationale de la "République de Chypre" sont en partie la cause à la base de cette réussite. De nombreuses sociétés "offshore" s'y sont d'ailleurs développées, la législation y étant favorable. Le sud de Chypre est devenu un véritable paradis fiscal, qui porte parfois le surnom de "Suisse de la Méditerranée". Cette île est en effet la plus riche des îles de cette mer. L'indépendantisme alors acquis par les chypriotes grecs et l'essor économique qui s'y est produit a détourné a effacé la volonté d'enosis et a renforcé le sentiment national chypriote grec.

Un changement des mentalités semble donc avoir eu lieu dans les deux parties de l'île de part les évolutions qui s'y sont produites de part et d'autre, depuis 1974. Le niveau de maturité et les faits semblent aller dans le sens d'accords sur une réunification de l'île.


Fière de sa réussite, la République de Chypre a déposé une demande officielle d'adhésion à l'Union européenne en 1990. Cette demande a fait l'objet, en 1993, d'une acceptation de principe. Chypre satisfait pleinement aux critères politiques et économiques de l'Union européenne. Toutefois Bruxelles préférerait à ce que le conflit soit résolu rapidement, pour éviter de faire entrer au sein de l'Union Européenne des problèmes diplomatiques. Le statut-quo de Chypre semble donc être sur la voie d'un règlement. Le problème reste tout de même complexe et de nombreux acteurs sont mis en cause dans ces pourparlers. L'Union Européenne, à la base, qui souhaite intégrer Chypre dans son club des 25 en 2004, a laissé entendre qu'elle intègrerait Chypre en son sein, divisée ou non. En effet, la Grèce, déjà membre de l'Union Européenne avançait que "l'Europe sera élargie, Chypre compris, où ne le sera pas...", en jouant de son arme du droit de veto. Cela n'a pas plu à la Turquie, qui a répliqué en menaçant d'annexer la partie Nord de l'île. Dans l'Union Européenne, on a alors rétorqué qu'une adhésion de la Turquie ne serait pas même envisageable si une annexion se produisait. Or, la Turquie souhaite vivement intégrer l'Union Européenne. La seule solution qui peut alors satisfaire tout le monde reste bien la réunification de l'île de Chypre.
Tous les acteurs internationaux se sont donc mis d'accord, et les engagements de la Turquie et de l'Union Européenne semblent avoir été à peu près confirmés lors du sommet de l'UE le 12 Décembre 2002 à Copenhague. Recep Tayyip Erdogan, l'homme fort d'Ankara ; Georges Papandréou, ministre des affaires étrangères de la Grèce ; et Romano Prodi, président de la Commission Européenne, approuvent donc que Kofi Annan (secrétaire général de l'ONU) cherche un terrain d'entente entre les deux parties concernées pour que puisse être garantie "la représentation unique, la souveraineté unique et la nationalité unique de Chypre".

Les négociations inter-communautaires à Chypre ont donc repris depuis janvier 2002 sous l'égide des Nations unies, les pourparlers sur l'avenir de Chypre ont débuté le 16 janvier 2002. Les deux hommes forts de l'île, (le chypriote grec Glafcos Cléridès et le chypriote turc Rauf Denktash) comptent aborder tous les aspects du contentieux, y compris les dossiers les plus difficiles, qui sont le statut de l'île, la sécurité, les compensations financières et le sort des réfugiés. A raison de deux rencontres hebdomadaires dans la zone neutre de Nicosie, les négociations devraient se prolonger jusqu'en juin 2003, date à laquelle les deux hommes ont promis de parvenir à un règlement du conflit sur la base des propositions du secrétaire général des Nations unies.
La formation d'une confédération bicantonale sur le modèle Suisse semble la plus probable. Encore faut t'il qu'il y ait une réelle possibilité de réconciliation. Côté RTCN, le gouvernement semble déconnecté des volontés de son peuple. Rauf Denktash, au pouvoir depuis 1974, semble selon le peuple être totalement manipulé par Ankara. Chypre ne serait qu'un sujet de marchandage pour la Turquie. Côté République de Chypre, la communauté accuse son dirigeant de faire trop de concessions à son homologue turc, et certains craignent un "turquisation" et une paupérisation de l'île.





Chypre aura été tout au long de son histoire, une île de convoitises, mais aussi une île de brassages et d'influences culturelles de tout le bassin méditerranéen. Les enjeux géostratégiques dus à la situation de l'île et aux richesses qu'elle recèle ont été une des cause qui a servi à allumer le feu de nationalismes exacerbés d'une part et d'autre des deux communautés majoritaires sur cette île (chypriotes grecs et turcs). Ce qui va créa en 1974, un fossé entre celles-ci. Une partie de l'île (partie sud) va connaître un développement à l'occidentale et son autre partie (partie nord) va s'atrophier, sous le poids de plus en plus pesant d'Ankara.
Un changement de mentalités s'est tout de même produit et l'émergence d'une identité chypriote semble faire surface. Les affinités insulaires seraient donc devenues plus fortes au fil du temps que celles qui unissent les deux communautés à leurs "patries mères". L'envie de réunification se fait donc de plus en plus pressante, l'adhésion à l'Union Européenne de la République de Chypre accélère considérablement ce processus. L'envie de la partie Nord de participer à cette aventure fait l'unanimité, cela lui permettrait d'échapper à son destin tragique.
La formation d'une confédération bipolaire sur le modèle Suisse semble donc être la voie la plus probable pour assurer une refondation de l'île en douceur.
Les chypriotes en tout cas souhaitent plus que tout, prendre leur destin en main, le siècle dernier les ayant lésés de ne pas avoir eu la possibilité de choisir leur destin.

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par lililapute! le 20/08/2004 07:50:50
Franchement un seul mot à dire BRAVO !!

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par jujuls le 20/08/2004 07:50:50
Merci )

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par link886 le 20/08/2004 07:50:50
tre bel exposé, t'as eu combien ?!!! excellent

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par jujuls le 20/08/2004 07:50:50
14 ou 15 je sais plus trop... )

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par jujuls le 20/08/2004 07:50:50
Et en français ça veut dire? ...

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par dany dool le 20/08/2004 07:50:50
exellent ton article , et les commentaire sont cool ici , vive le respect

a++

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Re: La géopolitique de Chypre
Posté par hueiyare le 20/08/2004 07:50:50
vraiment super ton article tres complet il m'aurait bien servi y a deux ans lol
na zisi h kipros ke i ellada

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