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John
Posté par nosepicker le 20/08/2004 07:54:11
N'importe quoi peut détruire quelqu'un, surtout l'impression de n'être qu'un minable aux yeux des autres, les jugements hâtifs aussi. Quelque part dans le monde, ça arrive tous les jours. Peut-être pas à votre porte, mais à celle de quelqu'un, à des anonymes comme vous et moi.

Je marche dans la rue bondée de passants très différents les uns des autres. Dans le centre-ville, il y en a de tous les styles, de toutes les couleurs. Une foule d'anonymes. De l'itinérant crasseux à l'homme d'affaires trié sur le volet en passant cette ado aux cheveux mi-rouges, mi-bleus qui ne fait qu'observer sans jamais rien dire, comme moi, comme les sans abris, comme ceux qui savent qui ne peuvent pas se permettre de parler parce qu'ils ne portent pas un complet à mille balles. Les anonymes. Nous, moi. J'appartiens à la classe moyenne, celle qui sert de tampons entre les riches et les pauvres.
Ce matin, comme tous les autres matins, comme presque tout le monde, je vais travailler. Huit heures à passer entre le jus de steak avarié et la graisses de frites avec mon patron sur le dos pour un salaire minable. Mais au moins, j'ai un boulot. C'est déjà ça de gagné.

Il y a six mois, John avait aussi un boulot. John, c'est mon ami. Il travaillait dans une usine et puis, sous prétexte d'une meilleure gestion des ressources humaines, ils l'ont viré. "Ils", ce sont ces monsieurs en veston-cravate qui se permettent de juger parce qu'ils ont le fric de leur côté ou dans leur poches serait une meilleure formulation. Alors, il y a six mois, pour pouvoir s'acheter des chemises encore plus chères ou refaire creuser la piscine qui, décidément, est réellement plus petite que celle du voisin (quelle tragédie...), ces chers monsieurs ont viré John en même temps qu'une centaine d'autres. Pour la plupart des pères de famille qui ne vivaient déjà pas avec beaucoup de moyens. Ils ont foutu une centaine de travailleurs honnêtes dehors simplement pour faire plus de profits. C'est révoltant. Et si courant. Je me demande quand ça va m'arriver. Parce que je ne me fais pas d'illusions : ça finira par m'arriver aussi. Ce jour là, j'aurai le sentiment d'avoir perdu la dernière parcelle d'honneur qu'il me restait soit un boulot honnête. Ça m'a pris des années m'en sortir. J'ai rencontré John en désintox il y a environ deux ans. En sortant de la clinique, nous ne savions plus où aller, nous étions complètement perdus. Puis, nous avons réussi à nous trouver un travail et reprendre un peu de contrôle sur notre vie, vivre comme tout le monde : avec un job honnête. Ça n'a pas toujours été facile, mais peu à peu, on peut dire que nous nous en sommes sortis. Un boulot, un logement, pas le gros luxe, mais mieux que la rue. Rue dans laquelle John est retourné. Personne n'a voulu l'engager. Pas les qualifications resquises qu'ils ont dit. Il aurait fallu qu'il retourne sur les bancs d'école pour tout apprendre. Et sans argent, ben... c'est pas évident du tout d'étudier. De plus, il en avait pas mal à rattraper. Trop, pour que ce que ça aurait pu changer.
John est retourné dans la rue quelque temps après avoir été congédié. Il n'avait plus les moyens de payer son loyer et il a refusé que je l'héberge. Il était trop blessé dans son orgueil, je crois. Je comprends.

Je le croisais tous les matins en allant travailler. Il ne lui restait qu'une seule chose de ce qu'il appellait son ancienne vie. Une montre, usée, mais fonctionnelle. Il disait que c'était tout ce qui pouvait lui rapeller que son ancienne vie n'était pas un rêve, qu'à une certaine époque, il n'a pas eu besoin de mendier pour vivre.
La dernière fois que je l'ai vu, c'était vendredi, il y a donc trois jours. Il semblait si triste, si las, voire désespéré. C'est - c'était ? - compréhensible.
Ce matin là, je lui ai filé les dix dollars que j'avais dans mes poches et quelques cigarettes. C'était pas grand chose, mais je n'avais rien de plus à lui offrir. Il a mis l'argent dans la poche de son vieux pantalon sale et usé et inséré la cigarette entre ses lèvres en esquissant un sourire timide;je lui ai tendu une pochette d'allumettes en disant que je devais aller travailler si je ne voulais pas que mon patron me colle un rapport. Avec une immense détresse dans ses yeux gris, il m'a regardé et supplié de rester encore un peu, juste un peu, oh, s'il-te-plaît Hank... J'ai cédé. J'avais l'impression que si je partais à ce moment là, je ne le reverrais jamais. Il m'a parlé, il m'a dit qu'à chaque jour, ça devenait de plus en plus horrible dans la rue, qu'il en avait marre, qu'il n'en pouvait plus... Et qu'il faisait tellement chaud, presque pas moyen de se rafraîchir un peu. Il n'a pas parlé des gens chics qui le dévisageaient, mais je savais que ça le faisait souffrir.
J'ai mis du temps à partir, je suis finalement arrivé en retard au boulot. Mais ce n'était pas grave, ça m'était égal, ça m'est égal maintenant.


Le lendemain, je n'ai pas vu John. Ni le surlendemain. Je sais que je ne le verrai pas ce matin.
Hier, aux nouvelles, ils ont parlé d'un clochard qui était mort. Ils ont dit que c'était un suicide puis ils ont changé de sujet. La mort de John, ils n'en avait pas grand chose à foutre. Ça a meublé un peu de temps d'antenne, rien de plus. Ce n'était qu'un fait divers, un "banal" suicide, un "banal" clochard. Comme tant d'autres.

Ce matin, je me suis assis à l'endroit où j'ai parlé à John vendredi matin et je m'y suis assis. Les gens "bien" m'ont regardé avec mépris, les enfants pointé du doigt, quelqu'un m'a lancé une pièce de monnaie et beaucoup m'ont injurié. J'avais les yeux baissé vers le sol et je sentais le regard de tous ces gens me transpercer, me fusiller. Assis par terre sur ce trottoir, je n'avais plus aucune dignité, je ne méritais plus de respect. Je comprends à quel point John était fier d'avoir un travail, à quel point je suis heureux d'en avoir un. Se sentir utile, c'est déjà beaucoup.

Aux nouvelles, ils ont dit que c'était un suicide, mais j'ai bien mieux pour eux. Bien mieux. Indirectement, c'est un meurtre. Je sais bien que personne ne gobera ça sauf moi, sauf ceux qui ont compris. N'empêche, je me demande ça arrivera combien de fois avant que ça change...
Oh oui, j'ai bien mieux qu'un suicide à leur proposer.
Mais les monsieurs qui dirige les réseaux de télévision ne voudront rien savoir. Je ne suis qu'un minable qui bosse dans un fast-food. Et John n'était qu'un clochard.
Ridicule... Quelle merde.

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Re: John
Posté par alal le 20/08/2004 07:54:11
ton histoire est tres touchante et également tres triste, elle démontre linjustice de la société. bravo pr cet article mais je nai pa compri la fin....ce nest pas un suicide mais un meurtre...mai ki aurai commi le meurtre ?

merci de me répondre

kiss good bye everybody

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Re: John
Posté par alal le 20/08/2004 07:54:11
ok merci de mavoir répondu ))) jpense avoir compris..!!

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Re: john
Posté par mc gregor le 25/08/2005 04:38:36
Un miroir de notre societe...Bravo!!!

Modifié le 25/08/2005 04:39:05

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