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La grande école
Posté par nosepicker le 20/08/2004 07:54:35
À l'école, j'ai pas appris grand chose. Enfin, rien de ce que j'aurais vraiment dû savoir avant qu'on me lâche seul dans la brousse, la jungle, ce méandre, bref, la vraie vie. Je suis seul ou presque, pas assez loin de tout ce que je voudrais fuir. Les choses changent mais trop lentement et trop peu. Histoire fictive d'un gamin stupide, sixième séquence.

#6 Un autre jour, deux coins de rue plus loin - La grande école

Je n'aurais jamais cru me retrouver si loin du quartier où j'ai grandi. Normalement, quand on naît ici, on n'en sort pas. On voit toujours le même paysage, les mêmes gens (quand ils ne meurent pas), on entend toujours les mêmes choses, seul le nom diffère d'un phrase à l'autre et on se pose constamment les mêmes questions... Hier encore, je croyais que je pourrais m'y soustraire;il faut dire que je ne savais pas où mon semblant de père avait réussi à dénicher une maison encore plus miteuse que la nôtre. Aujourd'hui, je le sais. Moi qui pensais enfin tenir une occasion d'avoir ne serait-ce qu'une toute petite chance de m'en sortir... Déménager, un rêve d'enfance réalisé !
Deux coins de rue plus loin.
Je n'aurais jamais cru qu'il existe plus insalubre que ma chambre dans les mauvais jours. Eh bien, je suis désagréablement surpris. Décidément, je préférais les fourmis aux coquerelles;les araignées aux guêpes (ça, c'est carrément horrible), mon ex-voisin était beaucoup plus tranquille que l'actuel qui semble s'imaginer qu'il est la réincarnation de Kurt Cobain (quelqu'un peut m'expliquer pourquoi tous les débiles de ce monde ont une forte tendance à se prendre pour Cobain ?) et un tas d'autres choses qui ne valent pas la peine qu'on s'y attardent. À vrai dire, je pourrais m'y attarder, mais je n'en ai pas envie. Je n'ai pas envie de grand chose pour l'instant.
Je veux seulement être bien, arrêter de boire, retrouver Joëlle, que Catherine m'ait au moins déjà aimé... À cette liste, je pourrais même ajouter que j'apprécierais énormément une maison qui n'ait pas un besoin urgent d'un exterminateur et des parents qui sont là pour m'aider. Bref, je rêve en couleurs.

Tout va tellement mal, je ne sais plus du tout quoi faire et il n'y a personne pour m'indiquer vers où me diriger. Tous les professeurs que j'ai eu dans ma vie ont prétendu qu'ils allaient m'apprendre à avancer dans la vie. Eh, bien, je crois qu'ils avaient tout faux. Les maths, la grammaire, les sciences, ça n'a jamais vraiment aidé à savoir quoi faire de ma vie. En classe, ils nous ont appris un tas de trucs vraiment passionnants lorsqu'on a rien de mieux à faire, mais ils ne se sont jamais donné la peine de nous montrer quelque chose qui aurait pu nous être réellement utile. Comme apprendre à vivre avec ceux qui nous brisent le coeur ou le désespoir. Vous savez, le genre de choses qui arrivent à tout le monde un jour où l'autre, mais dont on a jamais cru bon de nous parler ? D'accord, je l'avoue, tous les profs nous ont dis au moins une fois que la vie, c'est pas du gâteau sauf que ça, je pense bien qu'on s'en est tous rendu compte seuls, comme des grands. Seulement, on a jamais su que ça pouvait changer. J'imagine que c'est pour cette raison que tant de jeunes se suicident par ici.
On ne voit jamais la fin du tunnel sauf lorsqu'on meurt. Pour tous ceux qui ont cru et croient que la mort est une porte de sortie, j'espère que l'enfer n'existe pas. Et si oui, qu'ils ne s'y retrouveront pas ou que l'enfer est moins pire qu'ici bas. Il y a des jours où je me dis que ça ne m'étonnerait pas tellement la vie est laide. Surtout ces derniers temps.


Et cette nouvelle maison affreuse n'aide pas vraiment. Je regarde la pièce qui me sert de chambre et je n'en reviens pas. Toutes mes choses sont encore rangées pourtant, la pièce réussit tout de même à avoir l'air d'une porcherie mal entretenue. C'est purement dégoûtant;même volontairement, je ne sais pas si je pourrais atteindre un tel niveau de désordre. En tous cas, j'espère que non. J'ouvre une fenêtre afin de faire entrer un peu d'air neuf. Le vent est frais. Normal, nous sommes à la mi-octobre... Septembre est terminé, mais tous les malheurs qu'il m'a apporté continuent de me faire souffrir. Catherine, Joëlle, cette fille dans le parc qui m'a fait réalisé certaines choses, ces dimanches assis sur la pelouse à ne rien faire d'autre que penser, ces balades au parc avec Nicolas, les cris de ma toute nouvelle petite soeur... Tout ça, ça me fait mal. Entendre Nicolas parler m'a rappelé qu'ici, les gamins ne sont sûrement pas comme ceux d'ailleurs. Nicolas ne parle pas comme un enfant de 8 ans, il parle comme une personne qui a grandi trop vite. Dans le parc, il peut déjà nommer les principaux dealers, il sait comment utiliser une seringue parce que ses parents ne se gênent pas pour faire leurs injections devant lui, il a déjà pris une cuite, même. 8 ans, bordel. Je sais bien qu'à son âge, j'étais comme ça aussi, mais je n'en reviens pas. Les enfants ne devraient pas avoir à subir tout ça;leur innocence est leur première erreur, leur seul crime.


Pourquoi est-ce que je m'inquiète du sort de ces microbes tout d'un coup ? Ce n'est pas moi ça.
Moi, je bois, je roule vite, je baise, Joëlle me manque, j'aimais Catherine qui ne m'aimais pas. En bout de ligne, on dirait que tout me ramène à Catherine;cet enfant que Joëlle n'aura pas, ceux que moi je n'aurai pas, ceux qui grandiront ici et ceux qui jouent déjà dans le parc.
À ces gamins, on n'aura jamais appris tout ce qu'ils devraient savoir. On leur a montré les chiffres, les lettres, les saisons, les jours de la semaine et peut-être même les planètes... mais on ne leur a jamais dit de ne pas accepter des friandises de la part d'un étranger, de ne pas toucher aux seringues qui traînent dans le parc, que l'alcool détruit les neurones, que la drogue ne règle pas les problèmes... On leur a appris les grandes lignes de l'histoire de leur pays, mais pas celles de l'histoire de leur quartier;on leur a raconté la vie des premiers colons, mais pas celle de leurs parents.
C'est tout ça qui fait que plus tard, ils seront comme Joëlle et moi. Ils ne sauront pas où aller, ils ignoreront comment aider leurs enfants parce qu'ici, les parents ne savent même pas où ils sont. Ils font de leur mieux et leurs enfants les détestent généralement. Avec ou sans raison.
Ici, c'est comme ça. Et j'ai souvent le sentiment, la certitude que ça ne changera jamais. Plus ça change, plus c'est pareil comme qui dirait.
Certaines personnes essaient de faire bouger les choses, mais d'autres s'acharnent à tout gâcher.
Un vieil homme avait pris l'habitude de nettoyer le parc;une bande de cons l'a battu à mort. Un bon samaritain répare quelque chose, la chose en question est aussitôt réduite en poussière. Des exemples comme ça, il y en a des tas. Trop, beaucoup trop. Pas étonnant que la place soit si laide.


Le réveil sonne. Encore une fois, je n'ai pas dormi alors pas de danger que je me lève en retard. Je sors de mon lit et m'habille rapidement. Psycho ce matin, maths cette après-midi. Il faut être cinglé pour choisir maths comme cours complémentaire. Surtout quand on déteste les maths.
Je ramasse mes choses et déjeune en vitesse;pas question que je passe plus de temps qu'il n'en faut dans cette maison.J'hésite à sortir.
Dehors,c'est trop dur,trop froid,trop cruel.À chaque pas,il y a des gamins qui ne s'en sortiront pas,des adolescents qui ne savent plus où se diriger...Et pui aussi,il y a encore et toujours Catherine,ma Catherine.À chaque coin de rue,à chaque coup de vent,il y a un peu d'elle,une ombre,un souvenir,un espoir.Partout,il y a la présence de cette fille que je ne peux pas oublier.Catherine que j'aime,Catherine que j'ai trahie,Catherine qui ne m'a jamais aimé,Catherine que j'aimerais tant pouvoir détester.
Parfois,un curieux me demande si je pense encore à mourir à cause de Catherine.À chaque fois,je réponds honnêtement...Je veux encore mourir.Mais pas à cause de Catherine.Et si c'était à refaire,je n'essaierais pas de me tuer.Je ferai autre chose.Quoi exactement,je ne sais pas.Par contre,je sais que je ne tenterais pas de mourir pour Catherine.Ce n'est ou plutôt,ce n'était que de l'amour.Absolument rien d'important...
Catherine et moi,c'était une erreur,une anomalie et ça ne restera plus jamais qu'un rêve.Rien d'autre.
Les garçons d'ici n'aiment pas les filles de là-bas.Elles trop différentes,trop bien pour nous.
Finalement,je sors.

Comme à tous les matins, je suis soulagé de voir que mon automobile est encore là. Ici, la plupart des véhicules qui circulent sont volés et je n'ai pas envie que le mien en fasse partie.
Je roule (trop vite, comme toujours) en direction de l'école. Psycho est un cours moins pénible que la philo. Au moins, la psychologie aide à comprendre quelque chose alors que la philo, ce n'est que l'art de dire "oui" ou "non" en plus de mots qu'il n'en faut ce dont personne ici n'a besoin.
Les cours de philo me rapellent Joëlle. Je me souviens que c'est dans l'un d'eux qu'elle a décidé qu'elle ne serait pas mère. Tous ces souvenirs font mal, j'aimerais tant les oublier ou mieux encore, que tout ça n'ait jamais eu lieu. Que Joëlle ne soit pas morte, qu'elle n'ait jamais été enceinte, que Catherine m'aime...
C'est si dur. Dire que je suis presqu'un "vrai grand" et que je ne sais toujours pas comment faire pour survivre à tout ce qui se passe autour.
Pauvres enfants. Pauvres adolescents. Pauvres adultes. La vie vaut-elle la peine d'être vécue ? Si j'en juge parce que je vois ici et par ce que je vis, j'ai de la difficulté à croire que la réponse à cette question puisse être positive.
120 km/h... 130 km/h... 140 km/h... Ralentis, Derek, ralentis. Non. J'en ai pas envie. Tant qu'à vivre, allons-y à fond.
Ce qu'ils nous apprenent à l'école, ça ne vaut rien. La vraie école, c'est celle de la vie. C'est elle la grande école. Tout le monde y va. Personne n'en sort jamais.
150 km/h... 160 km/h... Ma sortie approche. Je sors ou pas ?
Trop tard. Je reviendrai plus tard... Après tout, ici, l'école, ça sert à rien. Le cégep, c'est pas ça qui va me montrer ce que je dois savoir.
170 km/h... Je lâche l'accélérateur. Faudrait pas pousser l'audace à dépasser la voiture de police qui est devant moi. J'ai pas les moyens de payer de contraventions.

Bonne chance.

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Re: La grande école
Posté par elodelu le 20/08/2004 07:54:35
c'est tellement réaliste (quoi que ça fout le cafard, quand même) et tellement bien écrit, que je vais te mettre un peitit "exellent" dans la che-tron, à toi! Tu le mérites, à quand la suite??

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Re: La grande école
Posté par la_vie_c_blasant le 20/08/2004 07:54:35
super, franchement, trooooooooo bien...moi jdis, vivment la suite et jV copier élodelu pour la note paske tu le mérite largement...continue à écrire des trucs comme ça !!!
bye

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Re: La grande école
Posté par siam22 le 20/08/2004 07:54:35
J'ai beaucoup aimé! L'histoire est entraînante, émouvante et j'aurais vraiment envie de connaître la suite... Je crois que je vais voter excellent!!!

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Re: La grande école
Posté par latoya le 20/08/2004 07:54:35
troooooooooop biennnnnnnn !!!!!!!!
LA SUITE ...LA SUITE...LA SUIIIIIIIITEEEEEEEEE !!!!!!

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Re: La grande école
Posté par o0mirage0o le 20/08/2004 07:54:35
jaime bien on part dune histoire toute con pour arriver ds les grandes lignes de la vie ... jure j'ai envie de mourrir quand le lis sa ! mais c'est genial et tres bien ecris !
Continue !

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Re: La grande école
Posté par serra-partisane le 20/08/2004 07:54:35
wow, toujours impec. un excel de plus lol... tu sais quoi celui-là je le conserve dans mes archives... comme ca jpeu le relire après, plus tard...

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Re: La grande école
Posté par nosepicker le 20/08/2004 07:54:35
Merci pour vos commentaires,c'est vraiment très gentil de votre part.
Pour ceux que ça intéresse,la suite s'en vient dans un mois...et sinon,y'a la partie 8-9 qui est déjà publiée (j'ignore pourquoi elle l'a été avant toutes les autres,mais bon) sous le titre de parfums d'amour.
Paix

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