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Dix-sept ans
Posté par nosepicker le 20/08/2004 07:57:13
Mes dix-sept ans, on m'annonçait la liberté et le début de la vraie vie, je n'ai eu qu'une prison de chair, éclats de verre sous ma peau et mes premiers suicides à l'intérieur. À dix-huit ans, c'est pareil.

Fin du mois de mai, l'école se termine dans un un peu moins d'un mois et dans exactement un mois, elle aura dix-sept ans.
Dans mois, elle quittera cette école. Ce qu'elle laisse derrière, c'est presque toute sa vie. Elle part avec les déceptions et les difficultés d'adaption qu'elle ressortira des boîte au début septembre, elle en est certaine. Derrière elle, elle laisse ses amis et ces quatre ou cinq professeurs qui lui ont donné cette soif de vivre qu'ils ont avoué lui envier. Bien plus que cette envie de tout connaître, de tout savoir, de tout comprendre, curiosité infinie. La soif de savoir sans l'envie de vivre n'est rien. Quand on ne veut pas vivre, on se fout des leçons qu'il y a tirer du passé, de la photosynthèse, des mots qui semblent compliqués... Et puis même si on ne veut pas s'en foutre, ça ne rentre pas.
Ça, elle le sait déjà cette jeune fille.
Elle avait douze ans la première fois que ça lui est arrivé. Elle ne sait pas trop comment ça a commencé tout ça, si c'est de sa faute ou de celle des autres, ou de celle de personne, mais elle se souvient que ça s'est terminé le 31 janvier de ses quatorze ans, quand elle a décidé que ce couteau placé sur son poignet n'était pas une bonne solution.
Elle se rappelle qu'après, en revenant des vacances de Noël, elle avait été trop heureuse de voir ceux qui lui parlait le matin en souriant, ceux qui riaient avec elle, ceux qui ne la prenait pas pour une alien, ses amis... Ceux qui en valaient la peine, qui en vaudront toujours la peine.

Elle se rapelle de ça et ça lui fait mal.
Ses malheurs, ils la rattraperont toujours comme une malédiction, celle dont est aussi victime sa mère, la timidité maladive, celle qui fait vomir avant les exposés oraux, celle qui fait trembler quand on marche dans les couloirs... Elle se souvient de ça et ça la blesse, ça la blessera toujours parce qu'elle aurait jamais voulu connaître l'insomnie, la fatigue chronique, le rejet, les visites chez la psycho-éducatrice avec le frère et la soeur qui rient dans la voiture parce qu'ils ne savent pas ce qu'il se passe. Décidement, elle aurait bien aimé éviter ça.
Mais ce n'est pas ça qui lui fait le plus mal.
C'est de voir ses amis qui rient, qui sourient sans penser qu'elle s'en va à une autre école.
Elle, elle y pense tous les jours, tous les instants.
Ce sont eux qui l'ont sauvée, il n'y a jamais très longtemps. Eux.

Et voilà qu'elle s'apprête à les quitter.
Déjà qu'ils ne vivent pas dans la même ville et qu'elle n'est pas très portée sur le téléphone, elle se demande bien comment ces amitiés si précieuses feront pour survivre au changement d'école.
Ses cours à trente-six kilomètres des leurs.
Elle n'ose même pas imaginer l'Enfer que ce sera.

Aujourd'hui, il fait soleil.
C'est la fin mai, la fin de sa vie d'adolescente parce qu'il paraît qu'à dix-sept ans, on entre au collège et qu'au collège, on est adulte. Il paraît. Les adultes ignorent souvent de quoi ils parlent. Mais ça, ils l'ignorent aussi. Contrairement aux ados qui savent généralement qu'ils parlent sans connaître. Elle, elle se tait tout simplement.
Elle se pratique à entrer dans ce monde compliqué et superficiel qui sera le sien l'an prochain. L'école privée, les gosses de riches, le gros programme d'études, baccalauréat international en sciences natures. Elle ne sait pas trop pourquoi elle a choisi ce programme. Peut-être parce qu'elle aime les sciences et que dans deux ans, elle voudrait aller étudier dans un autre pays, voir un peu de ce monde qu'elle veut tant découvrir.
L'école, ça ne lui fait pas peur.
C'est juste ce bout de vie qu'elle abandonne derrière en sachant que ses amis ne seront pas là, à côté d'elle et que tout ce qu'elle aura d'eux seront quelques mots griffonnés sur les pages d'un album.
Oui, c'est ça qui l'effraie vraiment, ce chambardement brutal de ses habitudes en même temps que la perte de tous ses repères.

En ce moment, elle se dit qu'elle voudrait bien avoir seize ans le reste de sa vie, ne jamais les quitter, ces amis qu'elle aime tant et qui l'aiment comme elle est.

Fin du mois de mai, il fait chaud.
Elle se souvient.
Parce qu'en réalité, ce n'est plus la fin du mois de mai, c'est la fin du mois d'août, elle est à trente-six kilomètres de ses amis, ses écouteurs sur les oreilles, elle colle à sa chaise.
Heureusement qu'il y a ces pauses entre les cours parce que sinon, elle crèverait de ne pas pouvoir s'emplir la tête et l'esprit de bruit sauvage, mordant, agressif. Elle crèverait de devoir écouter sans répit ceux qu'elle hait, qui sont là à la pointer du doigt. Elle crèverait d'ouvrir les yeux et de se rendre compte qu'ils sont encore là à rire pendant qu'elle désespère.
Déjà cinq jours que c'est commencé et elle voudrait que ça soit déjà fini, cette foutue session de merde. À ta santé, petite Anna assise sur une chaise trop droite, la session en finit qu'en décembre. Si elle tient jusque là parce qu'elle n'est vraiment pas certaine d'y arriver. En tous cas, pas intacte.
Ça fait seulement cinq jours que c'est commencé et elle n'en peut déjà plus. Au moins, elle peu encore se dire que ça va s'améliorer.

Jusqu'au 19 septembre où elle entre officiellement dans le monde des cruches lobotomisée pour avoir échoué un examen de physique.
Si elle se souvient bien, c'est là que la peur a véritablement commencé à la bouffer de l'intérieur et de l'extérieur.
La peur et l'insomnie qui s'installent et qui invitent la fatigue et le manque d'espoir à venir partager son petit estomac d'oiseau qui peut rester vide trois jours durant parce qu'elle n'a pas faim, la nourriture goûte la puanteur de sa vie du dernier mois.
Elle pense à ses amis qu'elle ne voit presque plus, ils lui diraient sûrement de ne pas s'en faire, que la physique, ça craint de toutes façons... Oui, mais il y a aussi chimie... Et maths... Et les commentaires composés en français, c'est pas trop son truc... Puis il y a la philo, elle n'arrive pas à bien saisir tout ça... Avec l'exposé d'anglais qu'elle fait avec cinq autres personnes qui ne comprennent pas un traître mot et qui ne mène à rien...

Elle ne comprend rien, elle n'entend rien parce qu'elle est ailleurs, elle voudrait être à trente-six kilomètres au Nord de là, dans les bras de ses amis qui sauraient la consoler, lui rendre le sourire et sécher ses larmes.
Des larmes, elle en verse à la tonne.
Cachée dans les toilettes entre deux cours, dans son automobile, entre deux soupirs de soulagement coincés entre les cris de désespoirs et la musique d'Anti-Flag et de Pennywise. Dans son lit si froid une fois la nuit venue, les pieds calés contre le calorifère trop chaud en espérant se brûler, peut-être. La douleur physique est beaucoup plus supportable que la douleur psychologique. Enfin, elle croit.
Elle aime mieux avoir mal au corps qu'à l'âme.

Il pleut toujours, il ne fait jamais beau, c'est toujours gris, foutu ciel jamais bleu.
Elle s'abîme les doigts et l'esprit dans ses cahiers de physique qu'elle lance au bout de ses bras parce que ça ne rentre pas, qu'elle n'y arrive juste pas. Même chose avec la chimie. Un peu moins avec les maths parce que sa prof de maths, elle a une voix si douce et elle est tellement gentille.
Mais ce n'est pas assez.
Elle a un travail à lui remettre à cette prof à la voix si douce et elle n'a pas réussi à le terminer.

Dans le bureau de cette dame toute gentille, elle a pleuré.
Au début, elle voulait seulement lui demander si elle pouvait lui remettre le travail plus tard, mais elle n'a pas réussi à se retenir et elle a pleuré. Beaucoup.
Tellement.
Que sa gentille prof de maths, elle l'a référé à la psychologue de l'école.
Comme sa gentille prof de français avait fait cinq ans plus tôt.

Une autre goutte de plus dans le verre d'eau déjà plein.

Et sa mère qui la traîne chez le médecin parce qu'à la maison, elle est devenue insupportable, irritable et qu'elle a de gros cernes tout noirs sous les yeux. Sa maman, elle sait ce qui se passe, elle a vécu la même chose trois ans avant. Et elle n'en a pas encore terminé avec cette saloperie de maladie.
Elle a les larmes aux yeux quand elle regarde sa grande fille qui vit la même chose qu'elle et qui espère tellement que les analyses sanguines montreront quelque chose, elle ne sait pas trop, des monocytes qui disjonctent, un manque de fer... N'importe quoi, peut-être, mais pas rien.
Parce que rien, ça veut dire qu'elle est malade dans sa tête.
Et ça, la gamine de dix-sept, elle ne veut pas le croire, elle ne veut pas l'accepter.

Alors quand le verdict est tombé, jugement final et sans appel appuyé par un prof de chimie qui l'a ramassée en petits morceaux juste avant une expérience et le responsable de son programme d'études qui a du lui parler pendant une heure et encore, ça n'a pas été suffisant.

Elle pense encore à ses amis qui lui manquent tant et qui ne voient pas qu'elle va tellement mal même si elle leur dit que ça va pas, que ça va pas... Oh non, ça ne va pas du tout...
Même avec ses médicaments que le docteur lui a donné, même avec l'abandon de ses cours de chimie et de physique, ça ne s'est pas replacé.
Un mois plus tard, ils croient tous qu'elle va bien.
Décembre. Le mois de tous les dangers.
C'est là qu'elle commence à se charcuter au rasoir, comme ça, elle ne pense plus à se plaindre et à geindre, elle ne pense qu'à ses épaules qui brûlent dès qu'elle bouge. La Génération Génocide. Elle en fait partie, c'est certain. Auto-mutilation, dopage aux aspirines, elle force les doses, joue à des jeux dangereux.
Des mois durant.
Oh, comme elle a l'air d'aller bien.
Elle reprend des couleurs à force de vitamines, retrouve un peu l'appétit et le regrette parce qu'elle a décidé que son corps était tellement horrible qu'il ne mérite aucune chance. Alors elle fait tout pour le détruire même si ça lui fait mal.
Peut-être qu'avec un peu de chance elle en crèvera.
Elle se souvient à peine de son nom, mais ressasse sans cesse ceux qui de ses paradis artificiels, acier, celexa et somnifères qui ne lui font aucun effet.
Elle pense tout le temps, elle ne dort plus, c'en est fout.

Elle écrit, écrit, écrit et écrit, mais elle n'a jamais l'impression de faire quelque chose de bien, les crayons qu'elle aime tant lui écorchent les doigts, les pages blanches mettent son âme à vif, comme les rasoirs le font avec ses épaules. Papillons assassins, ses arrache-coeur préférés, ceux qui font le plus mal, ceux qu'elle ne veut pas perdre parce qu'ils l'expédient ailleurs, loin d'ici où la douleur et le chaos sont la norme.
Alors Anna se penche sur les feuilles blanches et y jette des mots qui ne sonnent pas bien, qui ne s'accordent pas entre eux, elle ponctue ses phrases au rythme des larmes qui coulent et des pensées qui tournent dans sa tête.
Et elle écoute les gens autour qui ne parlent que de mort et de dépression. Elle voudrait leur dire de ne pas faire de blagues avec ça, que c'est pas drôle et que ça n'arrive pas que loin d'ici, que ça arrive devant leurs yeux, qu'on est sûrement plusieurs à crever dans l'école. Mais comment le faire sans se trahir ?

Une fois, pendant un cours de français, elle s'est bourrée d'aspirine parce qu'elle avait trop mal, qu'elle était trop fatiguée. Elle a passé une nuit blanche à vomir ce qui lui restait de son âme

Aujourd'hui, deux mois après, elle pense qu'elle va mieux.
Mais une semaine sans celexa et elle flippe.
La vie redevient grise et elle goûte mauvais.
L'amertume et les paradis infernaux ne vont pas ensemble.


De l'intérieur, la haine de soi.

Tellement de temps perdu devant le miroir.
Ces jours où je suis seule et où je m'enferme dans la salle de bains, en sous-vêtements devant le miroir, la porte barrée au cas où même si je sais bien que personne n'entrera. Je suis seule. Mais juste au cas où...
Devant ce miroir, posé juste au-dessus du lavabo blanc, sur le mur brun, je perds du temps. À m'observer. Avec ce mur brun froid, brun amer, brun mauvais jours en arrière plan.
Bizarrement, ça tombe toujours les jours où je porte ma culotte violette, celle qui est tellement confortable. Celle dont la couleur va si bien avec les traces sur mes épaules, sur mes seins et parfois sur mes hanches. Souvent, je suis surprise de découvrir des cicatrices là où je croyais qu'il n'y en avait pas. Les épaules, je m'y attends tout le temps. Mais ça me fait toujours un choc de voir à quel point il y en a des traces. Rasoir, lame double. Pas cher, efficace.

Comme j'en perds du temps devant ce miroir là, les jours où je suis seule. Je regarde mon corps et je le déteste. Enfin, pas tout le temps, mais souvent. Même quand il fait soleil.
Lack of self-respect.
J'aime pas ce visage plus garçon que fille, pas d'émotion, traits trop neutres. J'me fous des taches de rousseur qui complexe tant ma soeur, de mes sourcils trop noirs, de mes cils bêtement ordinaires. Mais j'aime pas ce visage. J'aime pas ces yeux qui me regardent comme si j'étais une merde. J'aime encore moins réaliser que ce sont les miens. Brun foncé. Durs, froids. Peut-être qu'ils sont comme ça parce que c'est moi qui me regarde.
Toujours un peu mal en voyant mes épaules, en découvrant de nouvelles cicatrices.
Les suivre du bout des doigts. Timidement ou durement, j'ai pas peur d'avoir mal au corps.

C'est juste un corps. Mais c'est tout ce que j'ai...
Peut-être.
Mais c'est juste un corps. Charcuté. Disproportionné.
Pas assez bien pour moi. Les autres, ils peuvent aller se faire mettre.
C'est juste un corps. Pas assez parfait. Mais qu'est-ce que j'ai à toujours vouloir être parfaite ? Être bonne ? Hein ? Vous voulez bien m'expliquer pourquoi je suis prête à tout foutre en l'air pour un idéal qui n'en vaut même pas la peine ? Un jour, on m'a dit d'être bonne. On m'a engueulée pour avoir échouer. À partir de là, c'était inévitable que j'en arrive là, je crois. On n'a pas pensé que je savais pas trop comment gérer tout ça, on n'a pas vu que je prenais tout trop à coeur.

Je demande rien aux autres [fauX].
Je me demande tout.
Mes idéaux sont pas les mêmes que les gens en général.
Ils sont durs, crus, violents.
Peut-être à cause de cette peur qui me bouffe le ventre, peut-être parce que je veux plus jamais qu'on me pointe en riant jusqu'à m'en faire pleurer tous les soirs, peut-être parce que je veux plus qu'on me dise qui être, quoi être, comment agir. Comme d'habitude, j'en sais rien.
J'ai toujours été trop timide pour m'affirmer au complet. Depuis l'an dernier, j'ai fait des progrès énormes, mais vraiment énormes. Sauf que c'est pas encore tout à fait au point, je pense. Parce que je suis vraiment perdue. Énormément même.

Devant le miroir, ça devient encore pire. Je suis là, en sous-vêtements et je touche, suis des lignes imaginaires, comme celles qu'on trace pour découper la viande, je suis ces lignes invisibles avec mon index et je pense que, parfois, je voudrais bien qu'on me découpe comme si j'étais du bétail. Fini ce corps que j'aime pas, et qui prend trop de place, vous savez, cette impression qu'on est toujours de trop où qu'on soit... Finis ces complexes idiots et futiles que je m'acharne à combattre parce que j'aime pas que ceux que j'aime soient complexés. On dirait pas comme ça, mais j'aime pas que les autres aient mal. Même si ça paraît pas souvent dans mes yeux, parce des larmes, j'en ai plus beaucoup et parce que mes yeux, ils sont inexpressifs. Morts.
Devant le miroir, je pense à tout ça et encore plus. Je me regarde droit dans les yeux, droit dans l'âme. Parce que, mine de rien, il y a quand même des choses en arrière de ce brun trop foncé. Elles sont bien cachées, mais elles sont là. Mais j'crois que personne d'autre que moi ne le sait.
Il y a la petite fille qui n'entendait rien et qui levait la tête, toute étonnée, toute innocente quand on lui criait après.
Il y a la petite fille qui est entrée à l'école sans connaître personne et qui ne savait pas dessiner comme tous les autres.
Il y a la petite fille qui préférait jouer toute seule et qu'on taxait de trop introvertie.
Il y a la petite fille qui ne parlait jamais parce qu'elle n'entendait presque pas et puis, parler, elle n'a jamais aimé.
Il y a la petite fille qui ne comprenait rien à la vie et qui croyait encore à la vraie magie.
Il y a la petite fille qui voulait toujours sa chanson et un bisou avant le dodo, même à douze ans, même à dix-sept ans parce qu'elle aime quand sa maman lui chante une chanson avec sa voix toute douce. Ça la réconforte.
Il y a la petite fille devenue adolescente dont l'univers a été chamboulé du jour au lendemain, changement d'école. Elle n'était pas comme les autres avec ses t-shirts X-Large et ses pantalons trop grands. Elle aimait pas se sentir à l'étroit dans son linge;elle l'était déjà assez dans son petit corps.
Il y a eu son prof d'anglais qui l'ignorait parce qu'elle n'était pas comme les autres filles. Ce prof d'anglais qui a appelé sa mère parce qu'elle avait oublié de faire un devoir, mais qui n'a rien fait quand elle pleurait dans la classe. Au moins, il y avait cette prof de français à la voix si douce qui a appelé sa maman et qui lui a dit que sa fille, elle n'allait pas très bien, pas bien du tout même. Il y a aussi eu les garçons qui ont été ses premiers vrais amis, ceux qui sont encore là, presque sept ans après, ceux qui l'ont endurée beau temps, mauvais temps. À ceux là, je leur dois la vie.
Je leur dois ce que j'ai réussi à être, je leur dois ce que j'aime de moi.
Des rires et des sourires, ils m'en ont tiré tellement... Des étoiles dans mes yeux, ils en ont mis plein, plein, plein, plein...

Devant ce miroir [déformant], je pense à ça. Je ne les vois jamais ces étoiles dans mes yeux et les sourires, ils sont rares lors de ces introspections du mercredi et du vendredi matin.
Je vois juste ce corps et je me rappelle ces journées de mes douze ans où je me sentais tellement à l'étroit dedans. Et j'étouffe. Il n'est pas gros mon corps. Mais il prend tellement de place, il est tellement trop que, souvent, y'a des périodes où je ne sais plus quoi en faire.
Et en plus, il y a le celexa qui me nargue tout le temps, dans son emballage. Une boîte de carton blanche avec une ligne rouge et une autre verte, un gros autocollant avec mon nom, la quantité que je dois prendre tous les matins, combien il y en a dans la boîte... Les 40 mg sont tellement gros qu'à chaque fois que je les regarde, j'ai envie de m'étouffer avec.

Devant le miroir, je me dis souvent que je devrais.
Je la vois cette peur à l'intérieur qui me bouffe et qui me tue lentement. Ell est là, dans mon ventre, elle retourne tout à l'envers et me donne envie de gerber, me fait parfois gerber. Comme après ce sac de chips au ketchup que j'ai vidé après deux jours passés sans manger. Il a fini dans la toilette. Le goût acide m'est resté dans la bouche tellement trop longtemps. Dégueulasse. Pourtant, cette espèce de boule idiote dans mon ventre, elle était contente. Trop contente.
Et moi aussi, je l'étais un peu, dans un sens. Comme si ça voulait dire que j'étais forte. Alors qu'en réalité, c'est probablement tout le contraire. Mais des os, c'est vachement plus solide que de la graisse. [Quelle graisse ? ].

...

C'est juste une mauvaise passe.
Dans une semaine, ça redeviendra normal avant la prochaine fois. Cycle. Comme une fonction sinusoïdale. Alterner en trop et pas assez, le juste milieu, j'le connais pas vraiment. Même quand j'étais gamine, je savais pas ce que c'était. Maintenant, c'est pas nécessairement mieux. Cycle. Cercles. Ça part et ça revient. Depuis septembre, c'est infernal le temps que j'ai passé à me haïr devant ce miroir. Comme si ça soulageait quoique ce soit.

Parfois, je ferme les yeux et je me contente de toucher mon ventre avec mon index, la main gauche qui repose sur une hanche. Et souvent, je me surprends à penser que je voudrais toucher mes os. Juste en crever.
C'est quoi cette idée de me faire du mal tout le temps ?

En plus, j'ai aucune raison d'avoir aussi mal. C'est juste de ma faute. Je crois pas avoir eu une vie atroce. Des parents que j'aime, qui ont tout fait pour que je sois bien. Sauf que j'ai jamais accepté ça. Un peu trop sévère avec moi-même, peut-être.
Alors, qu'est-ce qui va arriver ? Encore une fois, j'en sais trop rien.

Je casse des pots et je peux pas les réparer parce je sais plus comment, parce que j'en ai plus la force, parce que je me coupe avec chaque éclat. Je tiens ma vie entre mes mains trop grosses, trop garçon,, usées, abîmées et tout ce que je trouve à faire, c'est de me foutre des lames dans les épaules, sur les seins et sur le ventre. Là où ça se voit pas trop.
Devant le miroir, c'est insupportable.
Les yeux fermés, mon index droit qui court le long de lignes invisibles et qui me découpe comme du bétail, comme si j'étais morte.
Pas envie de me regarder, trop mal, trop dur.

Lack of self-respect.
C'est juste un corps.
C'est juste mon corps.
C'est juste moi.

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Re: Dix-sept ans
Posté par lyne222 le 20/08/2004 07:57:13
bravo pour ton article. Il est super bien ecrit, et decrit à merveille le mal etre que certaines personnes peuvent ressentir. Encore bravo.

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Re: Dix-sept ans
Posté par julien1201 le 20/08/2004 14:59:30
je trouve que c'est un super article, bien décrit trop peut-être pour que cette histoire appartienne à quelqu'un d'autre. Il montre une douleur atroce et non passagère qui dure, qui dure... Donc un grand bravo forcément

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Re: Dix-sept ans
Posté par nuwanda le 20/08/2004 19:44:41
Magnifique !!! Dur ! Prenant ! Boulversant ??! je sais pas, les mots me manquent . Très reussi en tous cas . Magnifique article . Vraiment bravo !!

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Re: Dix-sept ans
Posté par saperlipopette le 22/08/2004 03:25:31
je comprend tellement ce que tu vis que je me sens ''chanceuse'' de ne pas m'être charcuté. je viens de lire ton texte en étant moi-meme dans une situation semblable mais''moins pire'' (meme si il n'y a pas de moins pire situation lorsque l'on se sent ainsi) souvent on a l'impression que c'est juste une mauvaisse passe mais non ca ne l'est pas... onv ivra ainsi toute notre vie... mais sa nen vaut pas la peine....et ce qui fait le plus mal c de n'en parler a personne...les gens se dise, elle est belle ta fille, bla bla bla.........pourquoi jai cette horrible souffrance qui vient et qui revient en me laissant des acalmie qui donne de faux espoirs.,,, quesse queje suis venu faire ici....

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Re: Dix-sept ans
Posté par bleublancrock le 06/09/2004 21:53:14
j'li ton mess é j'peu pa m'empêcher d'pleurer... parceke cke j'li, c moi... j'peu rien dir ki pouré t'aider parceke j'pense pa kon puisse aider une personne qd on est ds le mm ca kel... j'peu just te dir de t'acrocher, ke t pa seule... é encor + important... j'pense kil fo donner conseil a tte personne ki liré ce forum, étan décidé a se taillader sans avoir encor oser franchir le pa, de surtou pa le fair ! ok c super, ok sa défoule, ok ya ke la kon se sent vivante... mai pr moi en tt ca... bha c une vré drogue...une drogue a lakel tu deviendra dépendante é a lakel tu voudra toujours gouter, encor é encor... é qd a la baz t'arive déjà plus a suporter ton corp en face d'une glass, imagine le toi rempli de cicatrices: une insulte a ton propre regard... imagine toi la façon dont tu va tjrs essayer de cacher c cicatrices par peur du regard d otre... é enfin, imagine toi ce regard, ke lé otre te jèteront :la peur mélangé a l'incompréhenssion é o dégout... j'trouve ke c sa le + dur : affronter le jugement d gens... le pire ds tt sa... c ke c une drogue ki ne mène pa a l'overdoz...ocune échapatoir, ocune porte de secours... tjrs un long tunel de + en + noir, néanmoins zébré par la povre lumière dé ouvertures sur le monde k'oront provoké lé maintes coulures de ce likid si précieux mai telment écoeurant...ta maman t'avé pourtan prévenu kil ne falé jamé jouer ac la drogue... el oré égalemen du te prévenir kil ne fo pa non plus joué ac un outil ki pouré déchirer ta chair ! bonne chance a tt ceux ki voudré s'en sortir

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