Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Dévastée


Elle est seule prisonnière de sa souffrance. Elle se blesse. Se fait mal. Cassée, au bout du rouleau, étouffée pas sa tristesse, elle n'est plus que l'ombre d'elle même. Mais les histoires tristes doivent elles forcément terminer mal ?



Il neige.
J'ai le front collé à la vitre.
Les flocons tombent en masse !
Si seulement ils pouvaient tout recouvrir.
J'aime la fraîcheur de la vitre sur ma peau.
Je vois deux passants courir main dans la main dans la rue. Ils sont dans le froid. Je suis dans le chaud. Je souris. C'est cruel, mais je souris quand même.
Puis mon sourire s'efface.
Ils sont ensemble et je suis seule.
La vitre me brûle le visage.
J'ai froid, j'ai chaud, je suis malade.
Je suis vide.
Vide.
Ecroulée sur le sol, dans un coin de la pièce je regarde d'un œil morne l'étendue du désastre.
Le lit défait les draps vieux de 5 mois les magazines déchirés le bureau qui croule sous une pile de vêtements sales le mobilier dévasté les aliments qui traînent sur le sol moisis poisseux grouillants. J'ai un haut le cœur.
Je me dégoûte.
Les autres me disent que je me laisse aller.
S'ils savaient !
C'est plus du laisser aller... C'est Tchernobyl dans un 10m².
Mes bras.
Mes bras sont... Rouges. Scarifiés. Griffés. Brûlés. Abîmés. Détruits.
Ca partira ?
Ca guérira ?
Je réprime un sanglot.
J'ai maigri.
Beaucoup maigri.
Trop.
6 kilos.
Trop quoi.
Dans le miroir j'ai une vision étrange, des yeux grand, rouges d'avoir trop pleuré. Des cheveux plats... Gras. Le visage. Mon visage ! Il... C'est plus comme avant. Il est pâle. Tiré. Maigre. Maladif.
Cette fois je pleure vraiment.
Et je cris.
"SALAUD !!!!!! REGARDE CE QUE TU M'AS FAIT !!"
C'est curieux ma voix. Comme désincarnée. Suraiguë.
Elle se perd dans un long murmure. Une plainte sourde.
"Regarde... Regarde..."
Ca ne sonne pas bien.
C'est faux.
Lui il n'a rien fait.
Ca fait longtemps qu'on ne s'est pas vu.
Il s'est contenté de n'être qu'un salaud. Des salauds, y'en a plein sur terre. C'est pas une nouveauté.
C'est moi qui me suis mise dans mes états. Parce qu'on a... Couché... Juste couché. Un jour. Et qu'il a bien pris son pied pour me dire ensuite que... Quoi déjà ?
Ah oui ! "Je suis paumé, tu comprends ? Je sais plus trop où j'en suis en ce moment. Et puis, je ne suis pas sûr de vouloir... Que... Que l'on se revoit. Je suis désolé. Tu me comprends ?"
Non ! Non je ne comprends pas ! Mais je dis "oui, bien sûr... Je suis paumée moi aussi, je te comprends. Je savais plus où j'en étais. Vaut mieux oublier tout ça.".
Mais je n'ai pas oublié.
C'était trop tard.
Il était dans ma peau.
C'était mon premier.
Il était dans ma peau.
Dans mes songes.
Il revenait.
Il était dans ma peau.
Il m'aimait.
Je l'avais dans la peau.
Mais il n'est pas revenu.
Et j'ai puni ma peau de l'avoir gardé.
Et j'ai tout abandonné.
Mais ça ne durera pas.
Parce que mon regard s'est durci.
Parce que je viens de mettre les déchets à la poubelle. Lui avec. Son souvenir ne vaut pas mieux que les pizzas moisies.
Parce que je viens de remettre tout en ordre.
Parce que je désinfecte mes plaies.
Et que je suis forte.
Et que ces bêtises que j'ai lues sur l'amour... Ca n'a plus de sens.
Même si cela a du en avoir.
Un jour.
Mais j'ai décidé moi.
Un jour.
Que lui je l'oublierais.
Un jour.
Qu'il n'existe déjà plus.
Un jour je recommencerai à briller.
Même sans toi.
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