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Il se nommait Ulrich


Il se nommait Ulrich et vivait de l'épée. Sur les terres d'Ayanos, il s'était fait un nom que l'on chantait autour d'un feu le soir, quand Dame Lune faisait valser les étoiles et la nuit...



Il se nommait Ulrich, et vivait de l'épée.

Sur les terres de l'Ayanos, il s'était fait un nom que l'on chantait autour d'un feu, quand Dame Lune faisait valser les étoiles et la nuit. Il avait sauvé déjà moult vie, délivrer je ne sais combien de princesses, vaincut les terribles des monstres, bravé les lieux les hostiles, arpenté avec audace le territoire défendu des Dragons. Mu par une quête qu'on ignorait, Ulrich se laissait guidé par les aléas de ce monde, vagabondant de fiefs en royaumes et laissant toujours derrière son passage, un nom, une légende et des âmes réconfortées. A l'inverse de tous ces chevaliers errant auto-proclamés "tueurs de dragons" aspirant à la Gloire Eternelle, notre héros ne se préoccupait guère du mythe qu'il ne cessait d'étoffer à mesure que sa main brandissait Alexis - sa fidèle épée. Qu'importait que ses actes figurassent parmi les Très Nobles Accomplissements du Bien et de l'Honneur, son coeur se tournait ailleurs, en direction de la contrée d'Aerie.


Jadis, il avait foulé son sol recouvert de fleur, de verdure et de vie, caressé de temps à autre par une brise légère et évanescente. Là, il entendit le murmure lointain des montagnes marbrés de neige et le doux clapotis des lacs et étangs. Là, il s'amusa à observer une goutte qui parcourait les sillons éclatants d'une feuille, glissait lentement, se laissait suspendre avant de choir, indolente, sur une terre nouricière. Là, il s'était endormi sous le dodelinement ample et gracieux des arbres feuillus. Le bruissement infime du vent l'avait emporté dans le pays des Songes... Là-aussi les bêtes paissaient paisiblement et les ardents chevaux galopait avec une fougue effrénée... Il s'était dit que cet endroit ressemblait aux perles des huîtres, que cet endroit avait été protégé et nourrit avec soin et amour. Avec un immense amour, celle Terra Mater. Devant ce foisonnement de couleurs et de beauté, cette symphonie de la Nature purifiée de toutes fioritures, ce sanctuaire de l'allégresse, du repos, Ulrich s'était levé, ivre de bonheur, resplendissant, épris d'humilité. Il pensa alors :
"Que les joies de ce monde paraîssent bien dérisoires face à un telle magnificience ! Je croyais qu'ici-bas, nous n'avions pas droit à de paradis si merveilleux... "
Puis il se tut. Il contempla derechef ce paysage digne de l'Elysée. Soudain, dans le ciel, quelque chose attira son attention. Des oiseaux, volettant, surgissant des nuages nacrés, rassemblés rapidement sous un concert de battements d'ailes, décrivant de longues et immenses figures, se mirent à occuper l'ouranos et à défier la Voûte céleste. Bientôt ce fut un incroyable maëlstrom de plumes qui dansait au -dessus des collines de l'Aerie. Puis, aussi vite qu'ils étaient apparus, les êtres ailés de dispersèrent en lambeaux épars. Le calme revint et le Soleil brillait avec éclat et majesté. Ulrich, inconsiemment, regarda son épée et ajouta :
"Non, ici-bas, un tel havre de paix ne nous est pas dédié. Par contre... "
Il se retourna alors et balaya du regard les chaînes rocailleuses par lesquelles il était venu. Alors, il sourit au ciel, à la terre, à la petite abeille qui butinait près de lui sur une douillette marguerite. Il avait compris. Il avait trouvé ce pourquoi il devait se battre. Il avait compris pourquoi son maître avait nommé son épée "Alexis". Dès lors, il s'en alla, gravit à nouveau les chaînes et marcha par-délà les plaines infinies de l'Ayanos, par-delà les plateaux périlleux du Tound'Krain, par-delà les terres indomptées du Galathos, au-delà de l'Océan des Perles de Nacres.
Et à chaque fois que sa main brandissait Alexis, la protectrice, il espérait en son coeur qu'un jour, il reviendrait dans la contrée d'Aerie, il y reviendrait, il en était sûr... pour y vivre à jamais.
Il se nommait Ulrich, et vivait de l'épée.
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