Extrait du site https://www.france-jeunes.net

La dernière des saisons


Quand l'appel de la dame à la faux est plus fort que tout autour, on attend pas qu'elle nous coupe la tête, on va la rejoindre.



C'est la fin, la fin de tout, j'en ai marre. Je ne suis plus capable de continuer, je ne veux plus continuer. Peu importe ce qui pourrait arriver, je ne veux pas le vivre, je ne sais plus vivre. Les déceptions, les joies... Quelle importance si elles ont le même goût amer ? Les déceptions me poussent de plus en plus loin de la surface de l'eau qui me semble à présent hors de portée, à chaque effort fourni, la pression augmente et avec elle, mon envie de lutter s'amenuise. Les bons moments me propulsent en arrière vers un passé où les belles journées sont rapidement transformées en jours de tempête et ce sont ces journées qui m'atteignent réellement comme si le reste ne valait rien. Et c'est exactement ce que je ressens, le reste ne vaut rien, absoluement rien... Et ça ne me fait absolument rien parce que ça n'a plus d'importance maintenant que tout s'achève. Quatorze longues années et puis plus rien...

Je sais que si j'y tenais vraiment, je pourrais trouver quelqu'un pour me redonner ce goût pour la vie que j'ai perdu il y a si longtemps déjà. Seulement, je ne veux pas m'aider, je ne veux pas être aidé.
Désolé pour tous ceux qui ont su mettre un sourire dans mon visage le temps de quelques rayons de soleil et de quelques bouffées d'air frais, surtout pour toi, Kath.
J'irais bien t'expliquer de vive voix les raisons de mon départ sur le prochain vol pour le dernier des voyages, celui dont on ne revient plus, mais je ne peux pas. Je sais trop bien que le soleil de tes yeux me ferait changer d'idée et je sais que je ne désire pas rester. Je veux vraiment partir, il faut que je parte. La dame à la faux m'appelle et son souffle que beaucoup redoutent s'apparente à celle de la mère que j'aimais tant et qu'on m'a arrachée.
Je refuse de résister à ses appels qui chaque jour me rapprochent du bonheur éternel, mais avant de m'en aller, je veux te remercier. Te remercier pour les raisons de me battre que tu m'as données pendant si longtemps. Aujourd'hui, cependant, il n'y a plus de raisons quoique tu puisse en penser, toi, éternelle optimiste.
J'ai toujours su que j'avais été chanceux de te rencontrer, tu es la personne que je m'attendais le moins à trouver sur mon chemin. La première fois que nous nous sommes croisés, je me souviens d'avoir pensé que tu étais une espèce rare et unique... je ne m'étais pas trompé.

De mon point de vue, tu es sortie de nulle part comme ces fleurs qui poussent dans les failles qui lézardent le ciment des trottoirs des grandes villes et tu es resté vivant sans jamais rien recevoir de ma part. Tu as accueilli les orages de mon coeur, séché ces torrents sur mes joues, apaisé mes éruptions de haine, atténué les conséquences de mes glissements de terrain sans jamais me juger, me rejeter et plus important encore, sans jamais exiger ce que je ne pouvais donner.
Tu étais là même lorsque je n'y étais pas et tu seras encore quand je ne serai plus... De toutes les fleurs de cette planètre, tu es celle qui vivra le plus longtemps, que je vive ou pas n'y change rien;cette forêt que je suis devenu s'est épanouie autour de toi, petite -mais solide- fleur du béton, ne disparaîtra jamais complètement, elle sera toujours là, car je suis certain que tu t'en occuperas pour qu'elle reste aussi verte qu'au printemps. Mon printemps, je l'ai connu en ta présence, l'été ne sera plus long, l'automne arrivera bien vite et avec lui, les feuilles tombent, mais les miennes sont désormais éternelles, car jamais plus elles ne verront ni septembre ni octobre.
À l'enfer,
Au paradis,
À la vie,
Au bonheur.
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