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Le petit prince


Une nuit, dans une ville anonyme, la bêtise et l'ignorance des adultes a conduit à la mort... La mort d'un petit prince.



Le petit prince, c'est comme ça qu'il m'apellait. Pourtant, la première fois qu'il m'a rencontré, je ne devais pas lui ressembler, au petit prince. J'avais traîné dans les rues trois jours durant, marchant la nuit, me planquant le jour. Il m'a trouvé devant sa porte, un matin, à six heures.
C'était pas de ma faute, je m'y étais endormi. J'avais trop froid pour rester dehors, il y avait ce hall d'immeuble, je voulais juste de réchauffer.

Je ne savais pas que cette rencontre allait changer ma vie, et me la faire perdre.
Je suis mort un 4 août, victime des adultes qui ne me comprirent pas, victime des apparences.
Ma mort, je l'ai déclenché moi-même, voici mon histoire.

Le bruit de la porte me fait ouvrir les yeux. A peine réveillé, gelé, le ventre vide, puant la crasse de trois jours d'errance, je vois des pieds, des jambes, une tête, puis ses yeux.
J'ai peur des adultes, ils ne m'ont apporté que misère et souffrance, je n'ai que dix ans mais je sais déjà qu'ils me sont hostiles et néfastes. Mais ses yeux à lui... Je n'ai pas eu peur.

Il ne m'a pas chassé, cet homme d'une vingtaine d'année, au look ordinaire, qui, partant bosser un matin, a trouvé devant sa porte un clochard en cavale de dix ans.

Il m'a fait rentrer chez lui, m'a donné à manger. Il n'a pas été travailler ce jour là, ne m'a pas dénoncé à la police, qui pourtant devait me chercher partout.

Au fil des jours, je lui ai raconté ma fugue, ma vie, mon désespoir. Lui écoutait sagement, me donnait confiance en la vie, me laissait croire à nouveau en elle, me laissait parler, ne posait pas de question.

Je ne sortais que très rarement de son appartement, craignant d'être arraché à cette nouvelle vie de douceur, de calme, de tendresse qu'aucun parent ou autres adultes ne m'avaient jamais offert. Il m'a apprivoisé, j'étais son petit prince.

Parce que notre relation était pure et simple, et parce qu'à mon avis la vie ne l'avait pas épargné lui non plus, nous sommes devenus des frères, des parents, notre relation était en fait celle d'un père à son fils, sauf qu'il ne me demandait rien.

Le soir, lorsqu'une crise d'angoisse me paralysait, je venais me faufiler dans son lit, comme un tout petit effrayé par l'orage, nous nous endormions ensemble. Alors, entre ses bras qui auraient dû être ceux de mon père, ou de ma mère, je me sentais aimé, et donc invincible.

Il s'apellait Maxime, avait 25 ans. C'était tout ce que je savais de lui. Cela me suffisait, je ne demandais rien d'autre que sa présence.

Une nuit, alors que j'avais eu un cauchemar terrible, je dormais avec Max, j'étais bien. Quelqu'un a frappé très fort à la porte, mais il était très tôt, nous n'avons pas bougé. Puis, les flics on débarqué, ils nous ont vus ensemble dans un lit, lui l'adulte, et moi l'enfant, et ont de suite tiré des conclusions abominables. Ils étaient accompagnés d'une dame que je reconnus, une voisine, qui d'une phrase, m'éclaira sur cette situation :
"Je vous l'avais bien dit, que cette pédale se tapait des mômes, vous devriez l'enfermer à vie, ce monstre !"

Comment osaient ils pénétrer dans notre havre de paix ? Comment osaient ils nous salir ? Comment osaient ils le salir, lui, qui m'avais faire renaître, quand je n'étais qu'un fantôme d'enfant en perdition ? J'appris qu'il était homosexuel, je ne le savais pas, et qu'est ce que cela changeait ? Même moi, du haut de mes dix ans d'expérience de la vie, je savais faire la différence entre un homosexuel et un pédophile, et cette femme, cette adulte, elle ne le savait pas ?

Ils nous on emmenés. Lui, au commissariat, moi à l'hôpital.
J'avais beau répéter, hurlant entre leur bras, qu'on ne m'avait rien fait de mal, ils ne m'ont pas écouté, ils disaient : "Ne craint rien, on va bien s'occuper de toi, ce n'est pas ta faute"
Mais je ne voulais pas de leur aide, je le voulais lui, mon frère, mon père, mon sauveur ! Rendez le moi ! Ecoutez moi !
Ce sont eux qui m'ont fait du mal, pénétrant mon intimité, pour finalement annoncer, que, non, effectivement, on ne m'avait rien fait.

On m'a placé en foyer, loin de lui, qui tout de même était resté enfermé. Pourquoi ? Pour avoir été le seul à m'aider quand je crevais la dalle, dans le froid ? Pour m'avoir nourri ? Logé ? Sauvé ? Pour m'avoir redonné l'espoir ? Etais ce un crime ? C'était eux, qui étaient bons à juger !
J'étais séparé de lui aussi vite que je m'en étais rapproché. Seul, dans ce lieu hostile en froid, je ne pouvais survivre, leurs mots, leurs attention, n'étaient que du vent, je voulais Maxime.

Seul, dans une salle de bain lugubre, je me suis tranché les veines. Depuis, je le regarde suivre sa vie, je reste près de lui, afin qu'il continue à avancer malgré la bêtise humaine, afin qu'il ne se sente pas coupable, puisqu'il ne l'est pas. Si ce n'est d'avoir été humain. Je veille sur lui, comme il l'a fait pour moi, tel est mon devoir, maintenant que je ne vis plus dans le même monde que lui, juste retour des choses. Et je sais qu'il le sent.

Bien sûr, cette histoire est fictive, et je l'ai écrite pour dénoncer le monde des "grands", la bêtise humaine, le mur auquel se heurtent ces petits êtres insignifiants que représentent les enfants à leurs yeux.
Etre adulte est une responsabilité, restons humbles et rappelons-nous de ce que nous avons été.
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