Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Différence et tolérance, deux mots incompatibles...


L'été arrive. Les autres sortent beaucoup, vont à la piscine. Mais pas elle. Elle, elle prefere rester chez elle, ou si elle sort, elle se cache. C'est tellement plus facile que de faire fac au regard des autres.



6h30. Le reveil sonne, elle se reveille tranquillement. Comme tous les autres, elle se lève, dis bonjour à ses parents, puis prend son petit déjeûner. Une dizaine de minutes après, elle va se doucher, elle songe à la façon dont elle va s'habiller. Elle est ennuyée: c'est l'été, il fait chaud, et mettre un pull par cette chaleur serait insupportable. Si seulement...Non, elle arrete de penser, elle est en retard, sort de sa douche, enfile précipitament ses affaires. Elle est vêtue d'une robe legère, et d'une chemise. Cette fois encore, elle supportera la chaleur et en rajoutera, elle passera la journée avec sa chemise, "son saunat" comme elle se plaît à décrire son comportement.
Elle, c'est une jeune fille de 18 ans, yeux marron/vert, 1mètre73, brune, pour 60kg. Une fille banale, qui s'entend très bien avec ses parents ainsi qu'avec ses frères, et ses amis. Elle a un petit ami qu'elle aime, et puis un parcours scolaire plutôt réussi: elle a sauté une classe (CM1), elle fait des études de droit, et a toujours son année d'avance.
Une fille "banale" se plaira-t-on à dire en la voyant. Pourtant, elle ne l'est pas.
Le matin, elle aime bien se regarder nue dans le miroir. Mais seulement de profil, le profil droit. De face, elle voit ce que personne ne voit, elle voit ce manque, ce manque qui lui complique tant la vie dans ce monde où tout le monde sort du même moule, tout le monde, sauf elle. Les larmes montent à la vue de ce physique "hors-norme" (après tout, qu'est ce qu'être dans la norme?!).
Comme le disent les médecins, elle a une "atrophie de la main gauche". "Atrophie n.f. (du gr. trophê, nourriture). MéD. Diminution du volume et mauvais fonctionnement d'un tissu, d'un organe, d'un organisme."
C'est bien compliqué, tout ça pour dire que, elle, elle n'a pas cette chance que tout le monde a d'avoir une main gauche. Cela fait 18 ans qu'elle subit cette atrophie, qu'elle voit dans ses dossiers médicaux "main gauche absente", "anomalie coté gauche" etc etc... Cela fait 18 ans qu'elle subit le regard observateur des autres, les critiques, les remarques comme "bah elle où ta main gauche??" ou bien encore "hey manchotte!!". Les autres... Si seulement elle arrivait à les oublier parfois, à oublier ce qu'un regard et une remarque sont capables de faire à sa vie, sa vie qui l'ennuie tant depuis qu'elle la vit à travers le regard des autres.
Alors, pour oublier la sauvagerie du monde qui l'entoure, elle aime à se renfermer dans son cocon familial, le seul endroit où personne ne la regarde comme une bête de cirque. Elle passe son temps à écrire, à essayer d'évacuer sa colère, sa colère contre les autres, contre cette fille qui lui a bousillé sa vie en l'espace d'un an, mais surtout sa colère contre elle; elle s'en veut de donner tant d'importance à des gens qui ont une vie si peu remplie qu'ils aiment détruire celle des autres juste avec leurs yeux.
Cette fille, Charlène, qui lui a bousillé sa vie, c'était au lycée, à son entrée en seconde.
Elle, à cette époque, avait toujours encaissé les remarques, elle était forte. Puis, au lycée, Charlène passait son temps à se moquer d'elle, à essayer de l'imiter pour se moquer. C'était si facile de faire ça, pourquoi ne pas se gêner quand on est "normalement constituée"?
Elle a pris conscience de sa différence, et à l'heure d'aujourd'hui, elle n'aime plus l'été, mais elle adore l'hiver, parce que l'hiver, on peut sortir en gros manteau et dissimuler facilement cette différence qu'elle n'assume pas.
Mais elle doit se faire à l'idée que jamais elle n'aura une vie comme MonsieurToutLeMonde, jamais elle ne pourra sortir bras nus sans que quelqu'un la regarde, la fixe, avec cette curiosité malsaine dans les yeux qu'elle deteste tant; jamais elle ne pourra mener une vie normale. Jamais elle n'aura le bonheur de caresser son petit ami avec deux mains, jamais elle ne pourra tenir ses enfants en même temps par la main... Le seul moment où elle va bien, c'est dans son sommeil. Parce que dans son sommeil, elle se cré son monde à elle, elle s'imagine avec une main gauche, et alors se construit sa vie normale dont elle rêve tant. Rêve qui restera à jamais inaccessible, alors elle s'endort. Elle dort longtemps, puis ne se réveille jamais, elle est tellement bien dans son monde où la différence est acceptée...
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