Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Société de Consommation, quand tu nous tiens...


Je suis une fille comme les autres, j'aime la télé et je regarde la Star Academy, j'aime le chocolat et la glace...



Tous les matins, je prends le RER... Et tous les matins, je vois les murs, les journaux et les boîtes aux lettres remplis de publicité... Pendant ma pause déjeuner, j'aime à me balader pour prendre l'air et le seul endroit où je puisse me balader, puisque je travaille à La Défense se trouve entre deux tours de trente étages ou dans un centre commercial... Et là, dans les allées bordées de magasins, j'écoute le chant des minettes qui magasinent et le bruissement des sacs plastiques... Le midi pour déjeuner, je me contente souvent de quelques fruits ou d'une salade parce qu'il ne faudrait surtout pas prendre cinq cent grammes si je veux moi aussi pouvoir continuer à magasiner et à porter ses vêtements pour jeunes femmes nullipares et androgynes.

Et puis, un de ces midis, je me suis arrêtée... Et j'ai regardé tout autour de moi. Et comme cela se fait souvent par chez moi, je me suis demandé : mais au fait, qu'est-ce que je fais là ? - moi qui aime tant à me promener dans les allées bordées de grands arbres, écouter les oiseaux qui se dandinent, dodus sur les branches et le bruissement des feuilles dans le vent-. A cela point de réponse, la société nous a happés, le capital est omniprésent, et quoi que l'on fasse quoi que l'on souhaite on est englobé dans une logique consumériste. Moi qui aime tant à prôner la défense de la nature et des grands singes, je suis là au milieu même de ce qui les détruit. J'en souffre alors je décide d'agir et pour cela qu'ai-je comme possibilités ? Je peux m'attaquer à ce qui m'entoure, je peux me travestir en terroriste que je ne suis pas, je peux libérer mon venin dans une presse à caractère diffamatoire, comme une science dogmatique qui abreuvera des cohortes de jeunes en quête de reconnaissance et non de connaissance... Je peux manifester auprès de milliers d'individus qui comme moi ont - enfin - compris la vanité de ce monde sans signification, sans justice, et sans partage, ce monde où tout ce qui est important peut être résumé sous la forme d'un stupide relevé de banque...
Ce que je peux faire aussi, c'est m'arrêter un peu plus longtemps, prendre trente secondes pour réfléchir, et me demander, si tout est blanc ou tout est noir, revenir cent ans en arrière et regarder le monde tel qu'il était il y a de cela un siècle :

Rue de Paris, 1910, brouhaha, puanteurs, froid et obscurité, le crépuscule envahit la ville à une vitesse vertigineuse, telle qu'il vaut mieux être rentré chez soi pour échapper aux assassins et vandales de toutes trempes. "Ah, oui c'est sûr, la sécurité, c'est plus ce que c'était, avant au moins du temps de la royauté, c'était plus tranquille, les pauvres, ils restaient par chez eux, ils venaient pas nous chercher sur le pas de notre porte pour nous étrangler et voler notre pain" j'entends en passant... Une fois ma lourde porte de vieux bois refermée à double tour, j'enlève mes godillots de cuir qui m'ont drôlement fait souffrir toute cette journée glacée, d'ailleurs, depuis ce midi quand je me suis fait arrosée par cette carriole, ils étaient mouillés mes pieds, ben je peux vous dire que le cuir mouillé ça gèle maintenant, je le sais- comme quoi, la science, elle est pas que dans ces foutus livres qu'on nous forçait à lire à l'école communale-... Et ce fichu ongle incarné qui pourrit encore, si ça se trouve faudra encore m'en couper un bout de pied... Evidemment, tout ce qui se trouve à manger dans ce foyer froid, c'est du bouillon de poule qu'il faudra chauffer sur la flamme de la cheminée, mais le bois est mouillé... Et après je pourrai aller me coucher, c'est pas tout ça, mais ils m'attendront pas à Rungis, demain matin, cinq heures, pour écouler le poisson, il a déjà voyagé trois jours ; ça doit bien suffire... une fois couchée, je me souviens de la délivrance de mon petio. Ah, ce pays ! T'as beau y réussir et trimer comme une bête de somme, les médecins, y sont toujours aussi mauvais... J'ai failli y rester pour toujours en couche, ils me l'ont sorti mort le petiot qui sentait déjà, et le vieil époux qui était là à regarder d'un air dégoûté ce que sa femme lui donnait... si il avait été beau et gaillard, je lui aurais donné la tétée, et le vieux, il aurait eu à travailler encore plus pour nous nourrir, alors, de quoi qu'y se plaint... ben, je vous jure c'est pas une vie...

Je crois que ces deux minutes de réflexion sont assez pour me rendre compte de cette chance... Je suis là aujourd'hui Paris, La Défense, j'ai 22 ans, je vis en couple, j'ai fait une grande école de commerce, et oui, c'est vrai j'aime la nature et ça me fait mal au cœur de voir ces bêtes torturées, ces arbres arrachés et ces publicités sur le murs... Mais soyons honnêtes, tout ce que nous avons aujourd'hui, la médecine avant tout, mais aussi le confort et le divertissement c'est cette société consumériste qui nous l'apporte... Et si nous considérions que c'est une chance... Il ne s'agit pas bien sûr de renoncer à se battre pour ses convictions, de refuser de donner pour aider les grands singes... Il s'agit juste de dire les choses honnêtement... si aujourd'hui nous avons tout ce qu'il nous faut c'est parce que le modèle de société dans lequel nous vivons, sans être parfait est de loin le meilleur... Oui, les Bushmen sont heureux, au fond de leur forêt, mais qui les soigne de la fièvre jaune à part leurs dieux et leurs esprits défunts, et quelle musique écoutent-ils à part celle de la pluie sur le fleuve...

C'est à nous aujourd'hui, nous les jeunes, de choisir la société dans laquelle nous voulons vivre, et faisons nos choix en pleine conscience de leurs conséquences... Que ceux qui ne se sentent pas à leur place, la quittent et la laissent aux jeunes brésiliens qui rêvent de savoir lire, et pour les autres continuons à construire ce monde que nos parents ont été si fiers de nous léguer, et peut-être que nos enfants à qui nous le léguerons à notre tour saurons réparer les torts que nous avons causé... Et surtout arrêtons de dire que nous ne sommes que des pions, car nous sommes plus que cela, nous sommes des pierres fondatrices.
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