Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Le sommeil éternel


Ceux qui l'ont lu m'ont dit que je devais être dans un drôle d'état quand je l'ai écrite ! Mais non, c'est simplement une question que je me posais et que j'ai exploité... A vous de juger...



Noir. Tout est noir. Noires sont mes idées. Noire est la vie. Mais vie y-a-t-il ? Tout est noir, je suis vêtue de noir, mais blanc est mon corps.
Je suis vieille maintenant, tellement vieille. Le poids des années pèse sur mon dos. Je suis décrépie, ratatinée, certains diraient momifiée.
Je me souviens quand je suis née, si naître il y a eu pour moi, j'ai crée la surprise puis l'effroi autour de moi, un effroi dicté par une force supérieure...
A deux ans, abandonnée par mes géniteurs, j'ai été adoptée par une vieille femme à l'aspect repoussant et effrayant. Une espèce de vieille sorcière que tous les gens fuyaient comme la peste. Et ils n'ont pas tardé à faire de même avec moi lorsque j'ai commis ma première bévue.

A trois ans la vieille femme m'a inscrite à l'école. Au bout d'une semaine, personne ne m'avait approchée. Et puis des moqueries me sont parvenues. Méchantes, provocantes, blessantes, comme seuls savent les faire les enfants. Il faut dire que depuis ma naissance, mon physique avait évolué : mes cheveux s'étaient raréfiés, la proéminence de mes veines s'était accrûe, mon profil s'était aiguisé, et j'étais pâle, d'une pâleur mortelle.
Une fois, alarmée, l'institutrice avait contacté le médecin scolaire. Il m'avait auscultée et avait diagnostiqué la progéria, terrible maladie qui accélérait le vieillissement, rendait faible et entraînait la mort vers treize ans.
Mais à trois ans, comment comprendre ces paroles médicales ? La seule chose que je savais, c'était que l'on me fuyait, qu'on se moquait de moi, et que je n'étais pas faible. Je me rappelle que l'on avait conduit deux élèves de 4 et 5 ans à l 'hôpital, la tête en sang. L'un était mort, l'autre avait eu de graves séquelles. L'école ne m'avait plus acceptée, mais la vieille femme m'avait félicitée et m'avait dit de ne pas m'inquiéter.
Je me sens proche de la mort, mais la mort viendra-t-elle à moi ?

A 14 ans, je vivais toujours, en bonne santé, mais mon aspect c'était encore dégradé. La vieille femme m'avait alors confié que je devrai lui succéder. Dans quoi ? Elle en avait gardé le secret jusqu'à mes 20 ans. Le jour où j'ai fauché deux petits vieux au bord de la route.

La Vieille m'avait alors déclaré que je venais d'embrasser ma destinée. Elle m'avait confié des choses ignobles, des choses oubliées de l'humanité. Cette vieille sorcière, comme la nommaient les gens, s'était révélée être bien pire. Des profondeurs de mon esprit, elle avait extirpé des démons effrayants et m'avait initiée à sa science. Si science il y avait. En quelques heures, j'étais devenue prête à la remplacer, à régner à sa place. Elle m'avait alors demandé de la tuer, ou plutôt de la délivrer. Avant de mourir, elle m'avait encore conseillé d'être juste et de distinguer le bien du mal, mais de ne céder ni à l'un ni à l'autre, de rester neutre.
Voilà maintenant plus de 500 ans que je voyage à travers le monde. J'arrive au bout de mes forces. Je les ai consommées durant ma longue " vie " à tuer, à assassiner. Meurtrière, moi ? Sans nous, sans cette longue lignée d'élues, il n'y aurait plus de Terre. Notre origine remonte aux débuts des âges de l'humanité, mais me reste encore obscure.
Je me suis trouvée une jeune femme pour me succéder. Je pense lui révéler sa destinée dès demain : elle vient enfin de tuer son premier désigné.

Je regarde mes mains : elles n'ont plus que la peau sur les os, et encore c'est peu dire. Je suis devenue un véritable squelette, je suis déjà une morte-vivante.
Depuis 520 ans, je coupe les fils de la vie, je tue, je choisis avec minutie mes proies. On m'a parfois appelée " La Faucheuse ", mais il est plus simple de dire " La Mort ".
Et j'attends maintenant que mon élève me succède pour pouvoir enfin m'abîmer dans le sommeil éternel.
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