Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Utopie


Je vis dans un monde que personne ne connaît. Je trouve ça dommage. Il est un monde où l'on vit heureux. Mon monde est une utopie. Mon monde est une utopie car je pense que le bonheur n'existe pas. Le bonheur ne peut pas exister parce que la perfection ne peut pas exister. Mon monde est parfait, mon monde est une utopie.



J'habite sur une mappemonde : la Terre. Je vis dans ce pays, que les autres appelleraient la France. Mais ici, le mot pays n'existe pas. Ici, personne n'appartient à une nation, personne n'appartient à rien ni à personne. Chacun est libre, libre de se mouvoir, libre de penser, libre d'agir.
Les frontières de tes nations sont comme les murs de tes prisons : difficile de les passer.


Les maisons

Nos maisons n'ont ni portes ni murs. Nos maisons sont ouvertes à tout le monde. N'importe qui peut venir s'y installer pour la nuit, ou pour la vie. D'ailleurs, elles n'appartiennent à personne. Les maisons sont là, simples abris au milieu de la nature.
Pour ma part, j'aime à changer tous les soirs de lieux. J'y rencontre toujours beaucoup de gens, et ça me plaît. Le soir, quand le soleil commence à se coucher, les maisons commencent à se remplir. L'hiver, nous allumons un feu dans la cheminée et nous asseyons tout autour pour manger. L'été, au contraire, nous nous installons sur les grandes terrasses et profitons des derniers rayons de soleil tout en discutant, en nous nous nourrissant, en nous endormant, ou en nous divertissant.
A l'intérieur des maisons, aucune pièce n'a de nom. Les murs n'existent pas. Je me trouve dans un bâtiment composé de plates-formes soutenues pas de nombreux piliers et protégé de l'extérieur par de grandes baies vitrées. Ce qui s'appellerait cuisine est en fait un grand buffet aménagé et un frigo. Des tables et des chaises inordonnées pourraient par exemple servir soit de salle à manger, soit de bureau, soit d'autres choses. Les objets n'ont pas d'utilité définie. Les lits sont éparts. Certains sont regroupés, d'autres isolés pour ceux qui auraient envi d'un peu de calme, certains se trouvent entre deux tables, où près du frigo. Aucun meuble n'est fixé au sol, chacun est libre de les déplacer si besoin.
Les grandes baies vitrées nous amènent la lumière le jour et l'obscurité la nuit. De l'intérieur, je me crois à l'extérieur tellement le panorama est large. Le paysage s'étend assez loin puisqu'aucune maison n'est trop proche de l'autre. Cela nous permet de nous procurer un sentiment de liberté encore plus intense en créant le vide autour de nous. En fait, les villes n'existent pas. Pas de rues, pas de routes, pas de réverbères, pas de voitures, pas de stress. Rien que la nature, le calme et le confort.


Appartenance

Rien n'appartient à personne.
Comme nous l'avons vu auparavant, cette maison n'est pas la mienne. Mais aussi, ce lit n'est pas le mien, ce siège n'est pas le mien, ce livre n'est pas le mien, ce vélo n'est pas le mien, etc. Rien, rien n'appartient à personne comme personne n'appartient à personne. Cet homme que j'aime n'est pas le mien. L'enfant qui sort du ventre de cette femme n'est pas son enfant. Non, ici, tout le monde est indépendant, chacun choisi son chemin, son propre chemin.
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Economie

A quoi sert l'argent ? L'argent sert à posséder. Mais ici, nous le savons bien, personne ne possède. L'argent n'existe pas. Pourtant, il existe des supermarchés, mais des supermarchés sans caisse. Il existe de grands entrepôts où chacun vient déposer ce dont il a envi de faire don. Ca peut être de vieux objets trouvés et dont il ne serait pas quoi en faire, comme de la nourriture. Par exemple, moi, hier, le matin, je passais devant un abricotier, et j'ai commencé à cueillir pour manger. Puis, comme je n'avais plus faim et rien d'autre à faire, j'ai décidé de continuer à cueillir les fruits mûrs pour les donner. J'ai tressé des paniers avec des grandes herbes, et je les ai remplis à ras bord. Le soir, en passant devant un des ces entrepôts, j'y ai déposé quelques sacs, et en ai gardé deux pour partagés les fruits avec les gens que j'allais rencontrer ce soir-là.
Comme ça, chacun se sert ce dont il a besoin. Personne ne prend en surplus. La modération est le premier atout pour la stabilité de notre économie.


Travailler

Le travail est un crime contre l'humanité.
L'argent n'existe pas, donc plus besoin de travailler. Eh oui ! Ici, personne ne travaille. Enfin, du moins, comme tu le définis, toi, dans ton monde à toi. Bien sûr, nous ne sommes pas des extraterrestres, nous aussi, nous avons besoin de nous occuper pour ne pas nous ennuyer. Mais, le travail n'est pas obligatoire. D'ailleurs, il ne s'appelle pas "travail" mais "occupation". Chacun s'occupe comme il veut. Et c'est pour ça que nos journées passent sans que nous ne puissions les voir passer : parce que nous ne nous ennuyons pas, nous aimons ce que nous faisons. Chacun décide s'il veut travailler ou pas aujourd'hui, chacun décide le métier qu'il veut faire et peut le changer à tout moment, laisser le relais.
Moi, par exemple, j'aime écrire, mais j'aime aussi organiser des fêtes le soir, ou aider les gens à faire telle ou telle chose pendant la journée, côtoyer des enfants. Je ne m'ennuis jamais.


L'école ?

L'école n'existe pas. Ou du moins, la seule qui existe, c'est le mélange entre la curiosité et l'expérience. Comme chacun décide de ce qu'il va faire pendant la journée, chacun décide de ce qu'il va y apprendre. Les enfants ne sont pas les seuls à aller à cette école : chaque jour, jusqu'à sa mort, un individu pourra apprendre quelque chose. Nous appelons ça l'autoéducation. La connaissance n'est pas un automatisme comme elle l'est chez vous. Chacun apprend la vie indépendamment, en vivant simplement ou en regardant les autres vivre, s'amuser, s'occuper, etc. Rien n'est imposé, et c'est cela qui fait la richesse de nos connaissances : le volontariat.


Famille

Ce matin, alors que je pédalais sur le vélo en direction de la plage, j'ai rencontré Benoît. Il était accompagné d'une fille. Ils allaient eux aussi à la mer. Ils marchaient depuis le levé du soleil.
Benoît est ce qu'on appellerait mon frère biologique ou peut-être... Mon demi-frère biologique, je ne sais pas trop. En tous cas, nous avons la même mère. Mais ici, tous ces mots, n'existent pas. Ici, personne n'appartient à une famille, personne n'appartient à une caste, tout le monde est égal. Les parents n'ont aucune autorité et aucun droit sur les enfants. Ils ne sont que créateurs. Et cela leur suffit comme rôle.
Pour ma part, je n'ai pas vu ma mère depuis quelques années déjà. Quand à mon père, je ne sais pas qui il est. Je ne l'ai jamais vu. Ou peut-être l'ai-je déjà rencontré sans avoir su que c'était lui. De toutes façons, cela m'est bien égal. Je n'ai pas besoin de famille. Le monde entier est ma famille.


La mort

La mort n'est pas une fatalité. La vie est un passage. Je vis en pensant toujours que je vais mourir demain. Qu'importe. Le tout c'est de profiter du dernier instant. Alors je profite chaque instant en pensant que ça sera le dernier. Et je vis, je vis réellement, pas comme toi. Nous vivons tous comme ça ici. Ne pas penser à demain. Laisser le temps au temps. Vivre au jour le jour.
Un jour, j'ai rencontré une vieille femme qui était sur le point de mourir. Elle m'a dit : "Ne m'aide pas à survivre, j'en mourrais de douleur et de souffrance". Survivre c'est vivre au dépend de la vie. La vie est douce, la survie l'est beaucoup moins. Comme dans ton monde, lecteur : dans ton enfance, tu vis, insoucieux, mais tu vis ; puis dès que tu atteins l'âge adulte, que tu quitte ton insouciance, tu ne fais plus que survivre, tu te fane, tu souffre, tu meurs malheureux. Ici, nous ne la quittons jamais notre insouciante, nous restons des enfants toute notre vie pour ne pas souffrir de vieillesse.
La vieillesse est la chose la plus horrible. Être vieux, c'est vivre au-delà de son espérance de vie. C'est défier la vie, la combattre, et y mettre toute ses forces, se fatiguer. Et pour quoi ? Pourquoi ? Pour ne pas atteindre la mort. Mais pourquoi ne pas vouloir atteindre la mort ? Qui sait ? Peut-être, est-ce mieux que de vivre...
Non, ici, nous laissons en paix ce qui veulent partir à la découverte de l'inconnu. Nous ne leur en voulons pas. Ils nous quittent, peut-être, mais nous ne sommes pas égoïstes : nous ne les retenons pas. L'atout ici est la tolérance.


Le temps

Le jour, la nuit, l'été, l'hiver : voilà les seuls systèmes du temps que nous connaissons. Pas de fuseaux horaires, pas de mois ni d'année, juste le temps...
Le matin, lorsque je me réveille, je ne sais pas quelle heure il est car il n'y a pas d'horloge. Et je m'en fous. Je sais juste que c'est le début de la journée, car le soleil, me le dit. A l'extérieur, le soleil brille, il commence déjà à faire chaud. Je sais que nous sommes au début de l'été dans ce mois que les autres appelleraient juin. Mais ici, le temps n'a pas de nom. Nous ne connaissons que le rythme du soleil et des saisons.
Ce qui est bien, c'est que les rendez-vous, les horaires, nous ne connaissons pas. A quoi sert une horloge ? Tu regardes ta montre par habitude. Tu regardes ta montre quand tu es stressé. Tu regardes ta montre quand tu aimerais que le temps passe plus vite. Moi, je n'ai pas besoin de ça. Je vis au jour le jour sans me soucier de demain. J'aime ce que je fais, et n'aimerais pas être un jour plutôt qu'un autre puisque je les apprécie tous. Je suis bien le moment présent, car je sais en profiter.
Manger par exemple. Vu que le temps n'est pas compté, je peux aussi manger quand j'en ai envi. Je ne suis pas obligée de me mettre à table à midi, de goûter à quatre heures et de souper à huit heures. J'ai faim, je mange, et c'est tout.


Ni dieu ni maître !

Il est une chose que tu dois avoir du mal à imaginer, lecteur : dans mon monde, il n'y a pas de religions.
Ici, nous ne sommes pas spirituels, nous ne nous inventons pas des histoires, nous préférons les vivre. Un être n'a pas besoin d'un Dieu s'il n'a aucun scrupule d'infériorité. Personne ne veut être mené par une sorte d'idéologie fictive. Nous le savons, tout le monde est égal, et donc, personne n'a besoin de se créer un supérieur divin. Concurrence et rivalité n'existent pas. Nous sommes libres de choisir notre chemin, et ne croyons pas à la destinée.


La politesse

Ce qui est bien ici, c'est que le monde n'attend pas du monde d'être bien élevé. Je m'explique : merci, bonjour ou le vouvoiement n'existent pas. Pourquoi faire existeraient-ils ? Ici, tout le monde se comprend, pas besoin d'être poli d'utiliser des formules désuées de sens, seule la tolérance compte.
Personne ne vouvoie car personne n'est maître plus que quelqu'un d'autre.
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