Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Pourquoi ?


Question bête mais fréquente.



Un fleuve où l'homme ne construit pas de pont. Un fleuve qui n'est pas traversé par une barque. Un fleuve où les poissons ne sont pas pêchés. Ce fleuve-là c'est comme un musée sans visiteurs. C'est comme une fenêtre qui ressemble à une ruche mais qui s'ouvre, se ferme et laisse passer la lumière. C'est comme une vendeuse antipathique à laquelle on achète régulièrement du thé, parce qu'il est bon ce subtil thé indien. Et j'en passe.

Au moment où la terre mère nous accueille nous ne sommes pas encore conscients de la précarité de notre existence. Cette prise de conscience a lieu beaucoup plus tard ou n'as pas lieu du tout, peu importe, le rapport que nous entretenons avec la terre n'en est pas moins affectif. De même qu'une femme écrira des phrases simples regorgeant d'adjectifs et un homme des subordonnées avec une plus grande quantité de verbes. Mais dans un cas comme dans l'autre, pourquoi on écrit ?

Si vous ne suivez pas mon raisonnement il faut le dire. Alors on continue : "je crois que je suis indépendante" alors même qu'entre l'existence et l'écriture il n'y a qu'un simple, qu'un misérable point et qu'entre les deux propositions le lien sémantique n'est pas spécialement clair. Il s'impose donc un changement de catégorie. Ma nouvelle étiquette toute brillante expose : "je crois qu'on me juxtapose". Et là n'importe quel lecteur averti conviendra avec moi que "je crois qu'on me juxtapose" n'est pas la même chose que "je crois que je suis juxtaposée." Analysons la nuance puisqu'on a le temps : dans la première phrase on sent planer l'ombre d'un doute, il pourrait s'agir d'une subordonnée infinitive car on a bel et bien une principale mais on n'a pas d'infinitif. Toutefois c'est précisément ça qui rend notre périple terrestre si intéressant : quand on voit le soleil on ne voit pas la lune et vice-versa. Certains d'entre vous ne manqueront pas à me faire remarquer que des fois on peut voir les deux en même temps. Ne vous inquiétez pas, j'y avais pensé. Ces courts moments où tous les deux sont réunis sont la franche qui sépare le net du flou : elle n'est pas indispensable qu'en cas de risque de confusion. Dit autrement : si vous ne risquez pas de vous tromper en disant, par exemple : "il fait jour" alors qu'il est évident qu'il fait nuit cette franche de sécurité ne se déclenchera pas. Et pour cause : elle est automatique. Mais même si tout ça c'est très logique nul n'est obligé de s'y plier.

Nous sommes donc rendus au déplacement de case suivant : "je crois qu'on me coordonne." L'élément de continuité avec les précédentes crève les yeux : il y a toujours une particule extérieure à moi-même qui sert de lien entre mes différents morceaux. Ceux-ci se cherchent parfois mais pas mécaniquement. Il leur arrive aussi de se détester alors ils se cherchent toujours mais d'une autre façon. C'est tout un art de la recherche mis au profit d'un rassemblement autochtone : lorsqu'on a peur de se perdre dans sa propre diversité. Question qui traversera tous les esprits curieux : que se passe-t-il lorsqu'on se trouve ?

Une première possibilité se présente à nous dans toute la force de son importance : "je crois que je suis principale." Mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire de nous jours ? Si vous répondez "pas grand-chose" j'aurais tapé cet article en vain. Pour les autres j'irai jusqu'au bout de moi-même.

Je ne dépends de rien. Je ne dépends de personne. Ce sont le fleuve, le pont, la barque, le poisson, le pêcheur, même le vendeur et le client qui dépendent de moi. Quant au musée, les visiteurs absents, la ruche et la fenêtre il ne s'agit pas du même mécanisme mais le résultat est le même : la chose essentielle, c'est moi. Et si l'on pousse cette thèse jusqu'à ces dernières conséquences ? Alors on donne un bon coup de poing dans la gueule à la vendeuse antipathique puis on s'en fuit à grande vitesse avec l'Assam supérieur sous le bras. Pour vous inspirer, une seule adresse : quartier breton. Vous avez tout compris : "je crois que je suis principale". Et la différence entre ce que je suis et ce que je crois que je suis réside exclusivement dans cette particule qui permet de cacher l'identité de l'agent : "on"

Voilà. Je suis heureuse de vous avoir aidé à voir plus clair en vous. Car si nous marchons ensemble dans cette quête ontologique qui nous concerne tous au moins nous pourrons communiquer pendant le trajet. Et même être flatteurs comme ce fut mon cas lorsque je vous ai dit un peu plus haut "vous avez tout compris" alors que j'avais déjà donné la réponse dans le paragraphe précédent.
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