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Un amour de danseur


Un de mes nombreux scénario sur comment cette journée aurait pu etre si je n'étais pas aussi timide. Voici l'histoire se rapprochant le plus de ce qui s'est passé, lors de ma premiere représentation.



Les rideaux s'ouvrent. Plus un souffle ne se fait entendre. Les lumières s'éteignent sur une centaine de visages impatients. Enfin... La musique commence.
Le jeune garçon entre alors en scène splendidement, coupant le souffle à toutes les personnes présentes. Sa beauté infantile, et pourtant si mature, est troublante. Une merveille de la nature... Un cadeau.
Une longue cape rouge recouvre son corps, ne laissant révéler qu'à moitié ses habits noirs.
Une lumière s'allume sur lui, formant un halo autour de ses pieds. Et il commence à danser.
D'abord, un léger mouvement des hanches, rien de splendide, mais un mouvement si gracieux... Et puis la musique s'accentue, et le voilà aux quatre coins de la scène au même moment, tapant des pieds à un rythme incroyable.
Les spectateurs essaient encore quelques instants de le suivre, de gouter avec gourmandise chacun de ses pas, mais très vite ils se lassent. Trop de succulence, trop de plaisir. C'est trop. On ne voit plus le garçon, qui continue pourtant à dégager un pouvoir bouleversant. Il n'y a plus que lui... Et elle.
Elle qui le connait depuis tellement longtemps... Elle qui a vu toutes les étapes de son apprentissage à la danse. Elle qui a appris par cœur les traits de son visage et la façon unique dont il sait bouger. Elle qui était tombée amoureuse de lui, dès le moment où elle l'a vu danser, quelques années plus tôt.
Dans les coulisses, habillée d'un magnifique corsage bleuté, la jeune Carys est assise au milieu d'un rideau de lumière. Son visage est séparé par un contraste de couleurs donné par les jeux d'éclairages. On peut y voir l'ombre du garçon, toujours en train d'offrir la beauté de ses corps au public.
Les yeux de Carys sont posés sur lui, elle sait exactement ce qu'il va faire ensuite. Elle connait la chorégraphie par cœur, à force de l'avoir regardée.


Enfin la musique s'adoucit, et il cesse de danser. La jeune fille l'observe jusqu'à ce qu'il quitte la scène, et baisse alors les yeux, attristée par l'achèvement du moment qu'elle a tellement attendue.
C'est à son tour de rentrer en scène. Suivie du reste de son groupe, elle avance doucement, le cœur noué.
Le morceau ne dure que quelques minutes, et bien sûr les spectateurs sont à présent désintéressés complètement du numéro, après s'être régalé des mouvements du jeune danseur. Un brouhaha pénible sort du public et commence presque à couvrir la musique. Seuls quelques têtes familières sont levées vers les enfants sur scène, mais Carys reconnait les membres de la famille de ses amis.
Toute la magie a disparu... Surement à cause de lui. Au moins ça fait plaisir aux petits, se dit elle.
Mais elle se sent tellement ridicule là haut, devant toutes ces personnes qui ne s'occupent à peine de ce qui se passe sur scène. Car elle a tellement attendu ce moment... Ils ont passé la moitié d'une année à s'entrainer sur leur chorégraphie. Leur professeur lui même a dessiné les costumes, tout a été préparé...
Le morceau fini, quelques applaudissements pathétiques sortent du public, et le groupe retourne en coulisses. C'est fini.
Carys s'assied à terre, le dos contre une paroi de bois bancale. Elle enfouit avec fureur son menton entre ses bras et esquisse une larme.
Jamais, il ne pourra la remarquer... Jamais. Il est bien trop bon pour elle. Trois années de danse les séparent...
Une deuxième larme mouille son coude, puis une troisième. Son maquillage ne doit plus ressembler à rien maintenant. Elle n'en a rien à faire. Pleurer est son seul désir, pour le moment.
Ses amis étaient tous sortis des coulisses pour courir dans le public vers leurs parents. Les familles étaient attablées depuis le début du spectacle, car l'ont avait pensé faire du moment un évènement semblable à un cabaret.
Quelle idée... Même les parents sont plus occupés du contenu de leur assiette qu'à la première présentation de leur enfant.

"Tu étais splendide." La jeune Carys relève péniblement la tête, surprise. Il est là. Penché vers elle, un sourire charmeur aux lèvres. Elle bredouille timidement un faible "merci", toute retournée et trop surprise pour retourner le compliment. Il s'assied à ses cotés, en la regardant. Il a gardé la confidence qu'il a gagné sur scène, et s'en sert maintenant pour lui parler, Carys aime penser.
Mais non. Il ne veut surement pas être tout seul, et félicite la plus âgée de l'autre groupe de claquettes, juste pour sa propre figure. Pour qu'on pense vraiment de lui comme d'un garçon formidable qui s'intéresse même aux danseurs débutants.
Confuse, la jeune fille cherche une centaine d'explications a sa présence à coté d'elle, au lieu de profiter du moment qu'elle a tant attendu.
Elle ne lui avait jamais parlé, avant. Elle était devenue très proche de sa mère, une grande blonde fière de son fils, et elle était quasiment devenue la meilleure amie de son petit frère, mais à lui, elle ne lui avait jamais adressé la parole. C'est à peine si elle l'ignorait, quand il était là, juste pour ne pas montrer les forts sentiments qu'elle ressentait pour lui.
Peut être qu'elle ne voulait pas devoir subir un terrible chagrin d'amour, en apprenant qu'il n'éprouvait absolument rien pour elle...

Mais à présent, il est là, avec elle, et il la regarde en souriant. "Je sais ce que tu ressent."
Il dit, en observant son visage immaculé de larmes. Comment ? Donc il savait tout ? Oh non...
"La première fois que je suis entré en scène, j'ai détesté la façon qu'ils avaient à discuter, grignoter... On passe des mois pour leur montrer ce qu'on sait faire... Et ils n'essaient même pas de faire semblant de s'intéresser à nous."
Un silence curieusement réconfortant s'installe alors entre eux.
"Tu n'as plus ce problème." Carys déclare, en s'essuyant maladroitement le visage.
"Sache qu'il y'a toujours une personne... Qui te regarde. Une personne admirative." Il répond, esquissant un sourire complice dans sa direction.
Elle tourne la tête vers la scène, où une bande de filles remuent leurs hanches vulgairement sur une musique très pénible. Il regarde dans la même direction qu'elle et rit. "Oui... Obscène n'est ce pas ?" Ils échangent un nouveau regard. Plus long. La jeune fille sourit. C'est le moment où jamais, elle le sait. Mais elle ne veut pas, pas maintenant. Pourquoi devrait t elle gâcher un si beau moment ?
Une mèche blonde sort de ses cheveux plaqués. Elle lève ses yeux dessus et rigole à son tour. Dieu, qu'il est beau... Il lève également ses yeux vers son front, s'offrant un air extrêmement comique. Souriant il passe ses mains dans ses cheveux et les soulève, essayant d'y retirer le gel. Voilà comment elle le connait... Un jeune garçon sublime avec les cheveux en bataille... Admirable.
Est-ce qu'ils allaient rester ici ensemble jusqu'à la fin du spectacle ? Elle l'espère plus que tout. Ses parents doivent surement la chercher des yeux partout pour la féliciter sur quelque chose qu'ils n'ont à peine vu, mais elle l'ignore.
Un autre morceau commence, et une bande de petits garçons arrivent en sautillant sur scène.
"Alors, tu es une bonne amie de mon frère, hm ?" Carys sourit. Son petit frère est dans le même groupe qu'elle. Ca fait un an qu'ils se connaissent et sont devenus les deux êtres les plus complices du monde. Toutes les matinées qu'ils avaient passées ensemble, en attendant leur leçon. Ils avaient pris l'habitude de déjeuner ensemble dans un petit restaurant, et allaient ensuite s'amuser dans tout le centre commercial, à faire des claquettes ensemble dans le parking ou dans un magasin.
A chaque fois qu'elle lui parlait, Carys essayait d'en apprendre le plus possible sur son grand frère, et c'est ainsi qu'elle connaissait un nombre incroyable de détails sur lui, sur sa famille, et sa vie quotidienne.
"C'est vrai... " Ses joues prennent une teinte rouge, en dessous du peu de maquillage qui lui reste. Est-ce qu'il l'a remarqué ? Au fond d'elle, elle l'espère...
Il la regarde à nouveau en souriant. Ses grands yeux verts étincelants de curiosité, il frôle du doigt son médaillon. "Ton père te l'a donné ?"
Surprise, elle acquiesce. Comment sait t il ? C'est vrai que son père n'est jamais venu à ses leçons de danse. Mais est ce que, lui aussi, avait appris des choses sur elle ?
"Il est..."Elle commence. Le jeune garçon lâche son médaillon. "Je sais".
Il savait. Comment ?
Peut être lui aussi ressent quelque chose d'extrêmement fort pour elle... Qui sait ? Personne ne s'est jamais intéressé à ses histoires de famille. Il a dû l'apprendre en demandant à quelqu'un, ou simplement en écoutant une conversation...
Elle se promet de lui demander un jour.
Ils restent assis l'un à coté de l'autre pendant un long moment, sans se parler. Ou simplement pour lancer des remarques du groupe sur scène. Des centaines d'enfants passent devant eux en costumes, tous maquillés et coiffés impeccablement. C'est leur moment, à tous. Ils l'ont comme Carys attendu avec une grande impatience, et s'y sont préparés moralement pendant plusieurs mois.
Mais elle est avec lui maintenant. Et même furieuse contre le public pour ne pas leur avoir donné l'attention qu'ils méritaient, elle est heureuse.
Pourtant quelque chose lui manque. Une honnêteté, surement. Elle aurait voulu tout lui dire.
Comme elle l'aime, plus que tout au monde, comment elle voit ses yeux, la nuit. Tels des soleils qui manqueraient à sa survie s'ils n'existaient pas. Il la regardait si rarement, que lorsqu'il le faisait, elle en était bouleversée pour plusieurs jours. La façon irrésistible qu'il a de regarder les gens à qui il parle... Carys l'a remarqué, elle.
Un sourire envouteur est toujours posé sur ses lèvres, elle s'en nourrit d'une manière accablante, tout en essayant de le dissimuler.
Dieu que c'est dur.
Le noir s'installe à nouveau dans les coulisses. Ceci pour quelques minutes. La jeune fille tâtonne le sol, sans savoir exactement ce qu'elle cherche.
Soudain elle la frôle. La main du garçon est moite, mais d'elle ressort une énergie brulante surprenante. Elle ne retirera plus sa main de la tienne, maintenant qu'elle l'a trouvée. Courageusement et guidée par une voix de son subconscient, Carys la pose dessus avec confidence.
Elle n'a jamais touché le garçon avant, et il s'est également bien gardé de faire un geste en sa direction.
Mais à présent tout deux se régale de la chaleur de l'autre, en souriant dans l'obscurité.
Un tourbillon insensé est entré dans son esprit, ce n'est pas désagréable, non, au contraire...
Il s'approche alors d'elle, et ne sait-ce par quel guide trouve sa joue pour y déposer un baiser. Elle sourit.
Posant sa tête sur son épaule, elle pense avec plaisir à combien de fois elle avait imaginé ce moment. Décrivant dans sa tête un scénario différent à chaque fois.
L'instant où ils seraient ensemble... D'une façon différente, du moins.

Elle approche ses lèvres de son oreille et chuchote timidement "Toi aussi, tu as été splendide."
Les lumières se rallument. Les deux enfants ne bougent pas, ils sont si bien, là, ensemble...

Des gens se précipitent groupe par groupe dans les coulisses. Il est temps de se séparer, c'est le salut final. N'osant pas faire le premier mouvement, Carys se contente de tourner les yeux vers le garçon, un sourire penaud aux lèvres. Il le lui rend, en ayant l'air beaucoup plus épanouit.
Savait-il tout faire mieux qu'elle ?
Une bande de filles arrivent en courant devant eux, leurs lançant des rires accusateurs.
"Allez, Carys ! Quitte le un peu et vient avec nous ! On entre en scène dans un instant." Lâche l'une d'elle.
Les joues pourpres, elle se lève en offrant un dernier regard vers le garçon, Son cœur léger. Enfin, elle est apaisée de toute sa souffrance. Elle est aimée. Et elle est aimée par lui.

Elle court sur la scène, où toute son école de danse est réunie. Plus de deux cents danseurs y sont présents, et elle ne le trouve plus. Tourmentée par le volume des applaudissements, elle tourne la tête dans tout les sens, essayant en vain de le voir.
Est-ce qu'il est sur scène ? Tout le monde se bouscule, elle ne peut plus respirer.
Et si elle a rêvé ? Est-ce que ce moment passé avec lui a vraiment existé ? Elle a tout oublié, elle ne sait plus rien.
Si seulement elle était restée avec lui, elle serait rassurée maintenant. Mais peut être n'allait t elle plus jamais le voir... Existait t il ?
Un halo de confusion tourne dans son esprit, embrouillant toutes ses connaissances, ses souvenirs, son identité...

Autour d'elle, des visages sourissent, ils tournent autour d'elle...
Soudain le sol se rapproche et elle sent son crâne heurter le plancher de bois.
Tout se calme, elle ne voit plus... Elle se sent si bien à présent...
Elle entend le rideau se fermer, des cris d'enfants surexcités, les félicitations des professeurs...
Déjà, un cercle de gamins curieux se forme autour d'elle. Les voix fluettes de petites américaines résonnent dans sa tête. "Is she dead ?"
Elle est morte ? Non, surement pas...
Des mains tâtonnent son corps pendant quelques instants, et puis elle est hâtivement soulevée par des bras puissants et réconfortants.
Elle ouvre à moitié ses paupières et observe le visage de son porteur.
Non, ce n'est pas lui. Seulement son professeur de danse. "Ben alors, Carys ? Trop de succès pour toi ?" Quelques rires retentissent.
Elle ouvre complètement ses yeux et observe son entourage. Tout son groupe de claquettes est là, autour d'elle.
"Mais poussez-vous, laissez la respirer un peu !" Carys se tourne vers celui qui vient de parler. C'est le frère du garçon.
Quel apaisement... Il existe donc vraiment.
Avec grand effort, elle essaie de soulever sa nuque des mains de son professeur. Elle remercie tout le monde et prend son ami par la main, l'entrainant loin des autres.
Tout deux courent ensemble vers une table tout au fond du public.
Toute sa famille est là, mais même en le cherchant des yeux elle ne l'aperçoit pas. Déçue et quelque peu reprise par la frayeur que le moment passé avec lui n'était qu'un rêve, elle essaie quand même d'offrir son plus beau sourire à sa mère.
Tout le monde se bouscule pour complimenter les deux amis, tapotant joues et épaules.
Chacun croit être unique en chuchotant ses "Tu étais la meilleure ma puce" ou encore "On ne voyait que toi" dans son oreille.
Ils n'ont même pas compris. Comment peuvent t ils mentir ainsi ? Bien sûr, c'est leurs devoirs de féliciter leurs enfants. Mais si seulement ils avaient réellement profité du moment, en essayant de comprendre le message dissimulé dans les chorégraphies...

Sa mère est là. Carys s'approche doucement d'elle. Toute deux se sourissent, compréhensives. La jeune fille lui a toujours soupçonné de connaitre l'amour qu'elle avait pour son fils.
Elle l'accueille dans ses bras. Elle est sûrement la seule à les avoir réellement regardés danser...

Un rire séducteur se fait entendre derrière elle. Comme dans un de ses scénarios, elle se retourne doucement, afin de lui faire face.
Ce n'était pas un rêve. Ce qui s'est passé s'est réellement passé.
La jeune fille avance vers lui, un sourire envouteur esquissant de ses lèvres maquillées. Comme s'il sait exactement ce dont elle a envie, il passe un bras autour de sa nuque. Celle-ci étant encore fragilisée par la chute, elle frissonne, se mordant la langue pour ne pas crier.

"Tu n'étais pas avec nous, pour la finale ?" Elle demande. Il hoche négativement de la tête. "Je n'aime pas les finales." Et elle comprenait. Carys n'entrerait plus jamais en scène pour une finale. "Je dois y retourner. Ils m'ont demandé de danser pour le départ des familles. Pathétique, n'est ce pas ?" Elle acquiesce, heureuse.
Ce ne serait pas pathétique si lui était sur scène, quoique fusse l'événement.
Il effleure avec passion son bras encore frissonnant, et la quitte pour courir vers la scène. La musique reprend, plus énergique encore. Et il danse. Tout le monde quitte peu à peu la salle, laissant au passage des chaises mal rangées, et des bouts de nourriture répugnant.
Il n'y a plus qu'elle et sa famille, à présent. Mais elle est la seule à le regarder.
Son beau danseur...
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