Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Flash


A travers l'objectif le monde c'est plus beau. Conneries. Je prend le moins moche de toute cette merde. Ce qui me donne le moisn la gerbe. Je vous raconte un peu aussi. C'est trop con, trop inutile, trop vulgaire, trop sensible, c'est trop moi. C'est pour étouffer les larmes. C'est de la douleur en image. Je pleure pas je capture.



A travers l'objectif le monde c'est plus beau. Conneries.
A travers l'objectif, de la merde, rien que de la merde.
Bien-sûr ils sourient, evidemment ils sont heureux.
L'espace d'un flash, une perfection, on prend la pose et on se demerde pour avoir une tête potable.
Non pas qu'on soit complexés tu vois, juste pour ne pas être trop mal quand on ressortiras ces photos l'année prochaine.
Faudrait pas avoir l'air d'un con tu comprend.
J'ai la gerbe.
Un sourire qu'on me dit.
T'as l'air triste fillette.
Mon sourire chiale comme un gosse ces temps ci, je vais le garder pour moi.
Allons-y gaiement, à 3 on fait tous un grand sourire.
Pas trop crispé.
Naturel.
Illusion.
Bon evidemment ça a de la gueule.
Y'a les photogéniques ceux qui ont l'air de sortir d'une couverture de vogue.
Après y'a ceux pour qui on peut plus rien.
Y'a ceux qui souriaient depuis déja quelques minutes, en attendant que l'autre con se décide à appuyer sur le bouton, ça fait déja 4 fois qu'il compte jusqu'à trois.
Y'a ceux qui ont pas regardé l'objectif, les yeux fermé, la gueule ouverte, les pris au mauvais moment.
Y'a l'autre au fond qui met ses doigt en v au-dessus de la tête du pauvre type de devant.
Y'a les absent, qui ont pas forcemment eu tort, qui se sont eclipsés au bon moment, ou qu'on a pas appelé.
Et puis y'a les gosse comme moi, qui essayent même pas de sourire parcequ'ils sont fatigué, et qu'au fond on s'en fout pas mal.
Effacée.
Pas vraiment là.
Rien à foutre.
Je fait contraste dans le tas.
Tant mieux.
Tant pis.
Rien a foutre j'ai dit.
Dégage c'est mon tour.
Derière l'objectif, à l'ombre, cachée.
A moi.
Non rangez vos conneries, je prend pas ça moi.
Nan me regardez pas, d'habitude vous y arrivez plutôt bien.
Nan j'suis pas là.
Un fantôme.
Je déambule, je marche, j'observe.
Je chope des moments.
Nan c'est pas beau.
Et alors qu'est-ce que ça peut bien te foutre que je fasses des photo pour rien pauvre conne ?
Je prend pas que du noir, mais j'évite bien le blanc.
Gris.
Gris couleur sale.
Couleur ordure, saloperie de gris.
C'est souvent flou, genre indécis.
Rien a foutre, c'est moi.
Là t'as un regard perdu dans le vide. Ca dure deux seconde, mais je t'ai eu, une demi seconde t'étais plus là toi non plus, et t'avais mal.
Une étoile qu'on a dessiné du bout des doigts sur une vitre embuée.
C'est inutile.
C'est trop con.
En plus elle est même pas bien dessinée.
Miette d'enfance.
Je prend.
Je prend tout ce qui est à prendre...
Je prend les silences. Je prend les silences qu'on écoute pas.
Je prend les geste comme des battements d'ailes, ceux auquels t'as pas pensé.
Je prend le fond des tasses de cafés trop sucrés qu'on a laissé traîner sur un meuble.
Je prend l'instant ou ton regard croise le sien, et c'est sûrement la plus belle de toutes mes photo ce soir. On dirait des gamins, et moi j'ai mal. Et toi tu baisse les yeux. Mais tu sais qu'il te fixe toujours. Et moi j'ai mal, putain ce que j'ai mal. Et lui il crève d'envie de t'approcher, et moi je crève tout court.
Pas devant eux.
J'me casse pas la gueule comme ça moi.
Saloperie de fierté.
Je pleure pas je capture.
Sa main...
Les larmes me picotent les yeux.
Ma gorge se serre.
Je pleure pas j'ai dit.
Flash.
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