Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Déception, point


Quelle est la différence entre Tragédie et Dan Brown ?



Réponse: Ils sont précurseurs de la même mode. Mais pas de n'importe laquelle.





(Cf. article précédent) La dernière mode pour éviter les remarques constructivement destructives et négatives des critiques est d’avoir un titre exhalant explicitement le vide culturel, un titre qui anticipe non pas l’idée générale, mais l’idée essentielle, à savoir la nullité de certains produits dits artistiques ou littéraires. Un titre de chanson, de groupe ou de livre qui vous fait savoir dès le début que vous perdrez votre temps à l’écouter ou le lire. Ainsi, pas de client grincheux : tout le monde est averti.


Déception, point

Ayant apprécié le Da Vinci Code comme livre de plage (et non comme lecture culturellement enrichissante), je me suis décidée à lire un autre ouvrage Brownien : Déception Point. À quoi je m’attendais ? Probablement à un nouveau thriller historico - ésotérique, un genre de récit qui convient relativement bien à Monsieur Dan Brown. Là, j’ai eu droit à un nouveau genre : de la basse science-fiction, un livre qui mérite à grand-peine sa place dans les toilettes turques. Si encore le renouveau concernait suffisamment de points dans l’histoire pour engendrer ne serait-ce qu’un semblant d’évolution, j’aurais applaudi des deux mains. Mais Dan Brown se refuse manifestement à la rénovation complète. Il garde la même trame narrative du DVC, chose qui plonge le lecteur tout au long du livre dans un lassant sentiment de déjà vu. À l’instar du Da Vinci Code où il s’attaque à une grande institution dans le domaine historico - religieux que « traite » le livre (en l’occurrence, l’Église catholique), ici on le voit mettre à mal la NASA, géant avéré dans le domaine de la recherche scientifique. Il met en place le même stéréotype lassant d’héros : des célibataires, plus très jeunes mais pas dans la fleur de l’âge non plus, de sexe opposé bien entendu. Le héros est assez célèbre et réputé pour son charme envoûtant. La héroïne, quant à elle, est jolie également (bien sûr !), de bonne famille (cf. une lointaine descendante de Marie-Madeleine et la fille du sénateur favori des états unis) et excelle dans le domaine dans lequel elle pratique. Autre similitude avec le Da Vinci Code, le rocambolesque affreusement peu crédible. Si l‘enchaînement des péripéties arrive à captiver dans DVC, il est désespérément ennuyeux dans ce livre-ci. L’invraisemblable est un affront insultant pour le lecteur. Les héros sont aussi immortels que les méchants dans les slash movies : il ne meurent ni se blessent jamais. Hallucinant est le mot ! Ils survivent immanquablement aux attaques combinées de Mère Nature et d’un commando surentraîné. Certainement une progéniture oubliée de Superman et Loïs qui n’a pas eu droit à sa part du gâteau de la médiatisation. (À quand des figurines Rachel Sexton et Michael Tolland, les premiers super-héros tout le temps vêtus comme M. Toulemonde ?)




Extrait :

Il revit les dernières secondes de leur folle cavalcade, le vol plané derrière le ballon météo, la rupture de la corde, la dégringolade depuis la crête de la congère, l’élan qui les avait entraînés par-dessus la suivante, la glissade vers le bord de la falaise et la chute finale. Une chute qui lui avait paru étonnamment courte. Au lieu du plongeon dans l’océan, ils avaient atterri trois ou quatre mètres plus bas, sur une autre plaque de glace. Et ils avaient fini par arrêter de glisser, ralentis par le poids de Corky qu’ils traînaient toujours derrière eux. Tolland leva la tête en en direction du large. Non loin d’eux, la plate-forme tombait à pic dans l’océan, dont il entendait le grondement. À une vingtaine de mètres derrière lui, il finit par distinguer dans la nuit une haute muraille blanche en surplomb au-dessus d’eux. Il comprit alors ce qui s’était passé. Ils avaient glissé de la plate-forme, atterrissant sur une sorte de corniche de contrebas –une section du glacier principal, plate, de la taille d’un terrain de hockey- à moitié effondrée…et qui menaçait de se décrocher.

Mais ce beau ramassis d’idioties méritait une fin digne de ce nom, une sorte d’apothéose mirifique de la médiocrité : en plus du cliché du coupable auquel personne ne pensait (qui fait bailler à en décrocher la mâchoire à un crocodile), nous assistons à ZE démêlement émotionnel : l’histoire d’amour à l’eau de rose, qui introduit la seule question existentielle du livre : faut-il rire du cliché ou pleurer de l’insulte ?



Extrait :

En attirant Rachel contre lui, en respirant le parfum de ses cheveux, Michael Tolland sentit que les années de silence et de solitude étaient derrière lui. Il l’embrassa longuement, pressant contre le sien le corps vibrant de la jeune femme. Les lis blancs tombèrent à leurs pieds et les défenses qu’ils avaient construites sans le savoir s’effondrèrent brusquement.
Rachel l’entraîna vers le lit, en lui murmurant à l’oreille:
_ Dis-moi, ce n’est pas vrai que tu trouves les poissons romantiques ?
_ Mais si, répliqua-t-il en l’embrassant encore. Si tu voyais le rituel d’accouplement des méduses…c’est incroyablement romantique.
Elle le fit basculer sur le matelas de crin, et glissa doucement son corps au dessus du sien.
_ Et les hippocampes…, enchaîna Michael fébrilement, retenant son souffle pendant qu’elle passait une main sur le satin de son pyjama. Les hippocampes exécutent une danse d’amour d’une sensualité invraisemblable.
_ Assez parlé de poissons, chuchota-t-elle en lui déboutonnant sa veste. Tu n’as rien à me dire sur les rites d’accouplement des primates évolués ?
_ Désolé, ce n’est pas ma spécialité, soupira-t-il.
_ Eh bien, cher naturaliste, je te conseille d’apprendre vite, conclut Rachel en ôtant son T-shirt.



Pour finir, je dirais que Dan Brown tombe dans le piège du mièvre et de l’insipide ; poncifs qui, s’ils ne manquent pas de faire de lui un auteur à succès, ne laissent planer aucun douter sur ce qu’il est réellement : le nullissime simulacre d’un bon écrivain.
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