Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Le seigneur des clefs (2)


Petite pause dans l'histoire pour nous pencher un peu plus sur cet étrange peuple que sont les pickpockets, car après tout, c'est quand même eux qui ont le premier rôle.



Les pickpockets étaient un peuple qui était apparu récemment comparé aux Elfes. C'étaient des gens étranges, qui vivaient entre eux, mais avaient toujours commerce avec des étrangers. D'aucuns prétendirent qu'ils étaient le produit de la décadence des cambrioleurs, eux-mêmes étant issus (soi disant) de la dégénérescence des Hommes, ce dernier point étant totalement faux étant donné que pickpockets et cambrioleurs respectaient un code d'honneur (cependant, il est vrai qu'il était impossible de faire physiquement la différence entre un cambrioleur, un pickpocket et un Homme). Ils étaient moins appréciés que les cambrioleurs, car s'il était aisé de se protéger contre ces derniers en s'assurant que sa maison était bien fermée, il était impossible de défendre ses biens face à un pickpocket.
Ce peuple avait des mÅ“urs quelque peu étranges. En effet, ils mangeaient peu et vite, car ils devaient constamment faire attention à ce qu'aucune bonne affaire ne leur échappe, et s'entraînaient dès leur plus jeune âge à courir le plus rapidement possible pour les besoins de leur métier futur, métier qu'ils connaissaient longtemps à l'avance puisque c'était toujours le même que celui de leur père et que chacun dans le village avait le même : On naît pickpocket, on ne le devient pas. Le fait que leurs enfants soient rapides à la course, tant pour échapper à un collègue s'apercevant qu'il avait eu commerce avec un pickpocket que pour fuir une remontrance, avait poussé les mères à fermer portes et fenêtres pour éviter toute évasion de leurs chers bambins ; aussi n'était-il pas rare, lorsque l'on se promenait dans un village de pickpockets, de voir une poignée de porte tourner brutalement (ou de voir un visage juvénile et désespéré apparaître à la vitre dans le cas d'une fenêtre), puis d'entendre les bruits d'une grande agitation derrière la porte (ou de voir le visage disparaître brutalement dans le cas d'une fenêtre) et enfin de discerner des cris de douleur (même chose dans le cas d'une fenêtre). Cependant, c'était le seul moment où l'on pouvait trouver les maisons de ce peuple fermées, car le reste du temps, elles étaient ouvertes, les pickpockets ne se volant jamais entre eux, par respect du code d'honneur. Aussi ne connaissaient-ils pas l'utilité des clés et des serrures, car leurs demeures fermant au moyen de simples verrous. Cette excentricité constituait pour les autres peuples du Coin Gauche en Haut une raison de les mépriser et de les éviter aussi, car peut-on imaginer une personne saine d'esprit se passer de serrure, et donc de clé, et de faire confiance à ses concitoyens et à un misérable petit verrou ?
Les pickpockets étaient des gens simples et bons vivants. Rien ne les amusait davantage que de faire des bulles de savon à l'aide d'une sorte de bâton au bout duquel se trouvait un anneau, passe temps qu'ils avaient élevé au rang d'art : les concours de bulles étaient une attraction incontournable dans le Leerdammer, leur pays. L'autre événement incontournable dans la tradition pickpocketienne était les fêtes d'anniversaire, lesquelles constituaient en vérité une étrange coutume : le pickpocket qui fêtait son anniversaire invitait généralement moult amis à manger avec un repas végétarien (les légumes se digéraient plus rapidement que tout autre nourriture, ce qui évitait les ballonnements toujours gênants en cas de course précipitée), mais gargantuesque et chacun essayait de deviner son âge véritable, souvent supérieur à celui annoncé dans le cas d'un homme (la maturité étant fort prisée par la gente féminine) et inférieur à celui annoncé dans le cas d'une femme (la puérilité étant fort appréciée par la gente masculine). Le gagnant recevait en récompense un des cadeaux apportés par les convives, produits de leurs affaires qui n'avaient aucune valeur mais n'en étaient pas moins appréciés, car ils brillaient.
Pourtant, il y avait dans le Leerdammer un pickpocket qui apparaissait comme fort excentrique, même aux yeux de son propre peuple, et ce pickpocket n'était autre que Vidpoche. En effet, aux anniversaires, il apportaient toujours des cadeaux, mais pas issus de ses larcins, c'étaient des objets possédant une véritable valeur. De plus, les étrangers n'évitaient guère son logis, mais au contraire étaient nombreux à le visiter, et le plus étrange étant qu'ils repartaient souvent, sinon contents, du moins sereins, lorsque la plupart des gens ayant affaire aux pickpockets devenaient furieux. Nombreux furent ceux qui pensèrent que Vidpoche s'était attiré la faveur d'un peuple d'uluberlus un peu fous ou complètement stupides (ou les deux) qui ne s'apercevaient pas qu'ils repartaient plus légers qu'ils n'étaient venus, et ils s'imaginèrent que Vidpoche devait être, à force, devenu fort riche, et certains l'envièrent. Aussi, lorsque Vidpoche annonça que pour son cinquantième anniversaire il invitait toute sa famille et tous les gens de son village, mais que, contrairement à la coutume, ce serait lui qui offrirait à chacun de ses convives une surprise, tout le Leerdammer fut en émoi.
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