Reviendras-tu Gabrielle ?

Te souviens-tu ma belle ? Quand on marchait, bras dessus bras dessous, des heures durant. On s'esclaffait à la moindre idiotie et le temps s'arrêtait entre chaque éclat de rire. Des projets plein la tête, des rêves interminables, et surtout, essentiellement, de l'amour. Un amour fort. Notre amitié.

Lorsque tu reviendras, ma Gabrielle, on refera le monde. On marchera la terre entière. Enlacées. Et nos sourires fulmineront plus que jamais. De Montréal à Paris, de Shanghai à Rome, de New York à Rio. La distance n'aura plus de frontière pour nous, et le temps sera notre esclave. Si tu reviens, je te le promets ma belle...

Quand donc reviendras-tu Gabrielle ? L'hiver approche. Bientôt, on fera des anges dans la neige. Tu t'emmitoufleras dans ton long foulard rouge, et on s'amusera à attraper les flocons sur notre langue. Comme dans le temps. Mais il me semble que le temps se hâte sans toi. Qu'attends-tu donc pour revenir ?

Reviendras-tu seulement un jour Gabrielle ? Seras-tu encore là pour moi ? Quand la terre s'arrêtera de tourner dans mes angoisses d'adolescente ? N'arrêteras-tu pas le temps de nouveau Gabrielle ?

Hier on m'a dit que tu ne reviendrais pas. Si tu savais comme je me sens seule Gabrielle... Mais je vais survivre. Regarde-moi bien, regarde comme je serai forte. Je vais mordre dans la vie comme jamais auparavant. Pour toi. Je tiens tes rêves entre mes mains. Tes projets les plus fous deviendront les miens. Je les accomplirai avec plus de ferveur que tu ne les aurais toi-même réalisés. Et tu seras si fière... Une partie de toi revivra en moi, et moi, je vivrai en ton honneur.

Protège-moi Gabrielle. Du moins, laisse-moi terminer ce que tu n'as pas pu finir. Parce que le temps presse maintenant. Tu vois, combien tout est éphémère. Et moi j'ai si peur de manquer de temps...

Ce n'est pourtant que quelques centimètres qui nous séparent. Pourquoi je n'arrive pas à prendre ta main Gabrielle ? Je te vois. Et tu dors.

À ma droite, tu souriais. À ma droite, une camionnette nous renversait. À ma droite, tu partais. Et tu ne revenais pas. Et moi ? Je suis en vie. Plus vivante que jamais.