Extrait du site https://www.france-jeunes.net

Trop bel assaut de mon coeur...


Ma trop tendre amie, trop bel assaut de mon coeur, trop doux tourment de mes nuits. Dans l'exil où vous me condamnez, dans le soin cruel que vous mettez à me fuir. Mon coeur meurtri, blessé, cherche son assassin... "Notre raison, déjà si insuffisante pour prévenir nos malheurs, l'est encore davantage pour nous en consoler. " Choderlos de Laclos.



Ma trop tendre amie, trop bel assaut de mon coeur, trop doux tourment de mes nuits.
Dans l'exil où vous me condamnez, dans le soin cruel que vous mettez à me fuir.
Mon coeur meurtri, blessé, cherche son assassin.
Accordez-lui Madame, ne serait-ce d'un regard, la précieuse dignité dont vous l'avez privé.
Soulagez l'insoutenable douleur qui l'accable, il suffirait d'un mot, d'un sourire, que sais-je...
Ou consentez alors, à abreger enfin d'inutiles souffrances.
Car il n'est pire bourreau, que celui auquel vous me livrez sans indulgeance aucune.
Votre silence Madame, traitement trop cruel, plonge un coeur torturé vers une agonie certaine.
Et l'espoir, dernier souffle vital, enchaîne mon âme à cette existance que seule l'incertitude saurait encore justifier.
Quel est cet empressement ? Cette hâte inexplicable de reprendre ce que vous m'aviez donné ?
Cette douce brûlure, cette douleureuse passion dans laquelle vous avez précipité mon coeur, la morsure de votre regard, sans laquelle je ne saurais vivre desormais.
Et cette froide indifference, quand mes lèvres cherchent encore la fièvre des votres, glaçe jusqu'aux plus profonds recoins de mon être.
Madame qu'avez vous fais de cet être ? Il ne connaissait alors que d'inertes ardeurs, que prudentes fureur, et ainsi, sans un mot de plus, sans baiser ni adieu, vous me renvoyez à cet être sans saveur, tiède et insipide.
Me faut-il accepter ce triste châtiment ?
Quand tout en moi aspire à le rejeter, mon espoir est-il encore coupable ?
Peut-on exiger de moi un bonheur que vous ne partageriez pas ?
Car il n'est de vie, Madame, sous un autre astre que celui de votre amour dévoué et fidèle.
Pardonnez, dans le desespoir qui m'habite, la lettre d'un amant delaissé, où la retenue manque. Il n'est hélas de retenue, dans l'étât où je me trouve.
Je ne pourrais souffir plus longtemps ce trop pesant silence, il ajoute à ma peine de trop lourdes illusions.
Mes nuits sont d'une longueur que je ne leurs connaissaient pas, mon coeur est las et fatigué.
L'infini éclat de votre sourire, la vibrante musique de votre voix, l'azur étourdissant de votre regard, la clarté satinée de votre peau m'apparaîssent trop lointain pour m'y accrocher encore.
Aussi Madame, sur l'affligeant chagrin de ces mots je vous confie le fol espoir de vous voir me revenir.
S'il est vain, il me faut finir cette lettre sur un adieu, car la vie n'a alors que peu d'attrait.
N'y voyez ni rancoeur, ni ressentiment, seulement l'expression de l'amour irraisoné que je vous porte, bien au-delà de la peine qui m'asservit.
Adieu Madame, Dieu vous rende le bonheur que vous avez su m'offrir.
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