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Les dépendances


Parfois, vous vous réveillez en paix, tout se passe bien; il vous arrive même de chanter sous la douche... Soudain, vous avez perdu quelque-chose; vous ne savez vraiment quoi. Mais il vous manque une chose...



J’avais oublié mon journal. Je marchais tranquille, dans les allées d’Aix-en-provence. Ces ruelles bondées de piétons, de magasins exotiques, et de vie chère... Tout se passait bien ; je chantais même. Soudain, je pris peur! Mon cœur se mit à gronder. Il me manquait, je ne savais quoi. Pourtant, j’avais sur moi, mon téléphone portable !... D’où me venait ce vide, brusque ?... Le trouble m’apprivoisait. Mon soleil se mit à geindre, je ne voyais plus les passants ; les belles fontaines, et les amoureux. J’étais absent.

Une terrible peur, m’accablait ; comme si un ogre m'eut poursuivi. Pourtant, je n’avais rien fait !... il me poursuivait; avec son courroux; il m’accablait. Je ne sais, ce qu'il me voulait. L'épouvante... Il ne m’aura pas. Je me perdrai avant, et lui avec moi. Je me noierai dans l’alcool. Moi, je ne suis rien ; mais lui, il ne tient qu'à moi...

J’avais mal au ventre, qu’il m' était indispensable de crier. Un indicible, me visitait. Je cherchais les mots pour l’animer, le chérir, le consumer. J’avais chaud à la tête, et des chagrins en moi, se mouvaient. Ils cherchaient des formes, des voies, des cris ; et je manquais de force. En ces jours là ; J'étouffe. Ce n’est pas un mensonge; mais, je rentre comme dans une transe ; je veux survivre à tout prix. Alors, je crie, j’écris.

S’il m’était donné le choix d’écrire ou de mourir ; ma réponse est tout faite. Quand bien même, je pourrai végéter sans écrire, j’aurai toujours la certitude, d’un membre manquant. Je serai comme écartelé ; l’on me prendrait pour folie. C'est en cela qu'il me manque des cases... Ce sont des tourments, des impressions, des mondes perdus; ce sont des ivresses, que je désire faire vivre, à ceux qui, effarés de mes monologues, s’écartent gentiment… le Saviez-vous ?...Le vent, les choses, le regard des passant dans ma rue, racontent mille histoires; ils parlent, ils parlent sans cesse… Ils ne savent faire que parler. Qui a bien pu décider; qu'ils sont inertes !... Je refuse d'y souscrire. Il m’est impossible de feindre la surdité. J’écoute, j’écoute, et, comme ils sont melliflues !...

Par exemple, le mistral d’avril. Il me fait penser aux vents d’août de mon enfance. Des courants froids, humides, salés, qui précèdent le crachin; pluie de haricots. J’ai la nostalgie des vacances de mon enfance, où, de longues journées sans occupations, je m’amusais à flâner au soleil. En ces temps là, j’étais un papillon. Le vent était chaud, la ville était calme, et les enfants pataugeaient dans les marres pleines de larves. J’étais un enfant, mais je ne pataugeais pas. On ne patauge pas dans un fauteuil qui roule ! Comment pourrait-on s’y prendre, même à béquilles ? Mais, j’écoutais les cris, les éclats de rire, qui résonnent encore, dans mes souvenirs. La tristesse était bien là, mais les gens savaient rire. D’un rire, qu’aujourd’hui je n’entends plus…

Ici, à Marseille, le mistral te joue des tours. Le vent qui s’amuse à bondir, s’élance; te tangue, et te faire chavirer, comme une épave. Mille détritus, te sont renvoyés à la face, comme si la nature avait trouvée, dans l’orage, une occasion de se plaindre de ses indigestions… Le froid t’écaille les doigts ; les passants sont moribonds, la vieille ville perd ses attraits.

Mais, le mistral ne peut me voler, toutes les merveilles ! Car, ces merveilles ne sont rien plus que celles d’ailleurs. Celles au crachin, avec les rires d’enfants, et du sel sur la joue. Du pain à griller, et des courses frénétiques… Ici, les courses ne se font qu’au supermarché. On pourrait courir aussi dans la rue ! On pourrait même y danser, chanter, flâner. Mais les gens ne flânent plus, ils rient jaune, et dansent gauche. Sauf que, Marseille a de ses élans; qu’il faut y vivre, pour les vivre.

Disons-que, l’automne et l’hiver, tout se tait. Les gens grossissent. Tant, le froid les recouvre ! Qu’ils sont bedons dans leurs manteaux. Puis, le froid s’étiole, le soleil se maquille, et les platanes s’accoutrent. Les hommes eux, peu à peu, se dénudent. On abandonne le manteau, puis la veste, puis la chemise, jusqu’au débardeur. On se retrouve en petites culottes. On s’aventure sur des plages roses, et l’on goutte l’oisiveté. Ainsi, les tristes mines, s’amusent à muer, par le temps. C’est comme si, toutes les saisons, étaient une femme unique, qui veut son amant, plein de talents... Elle s’assied, pour goutter le spectacle de l’étalon qui, petit à petit, se rhabille, puis se déshabille, pour elles : les coquines !

Voyez-vous, j'aime voir tout cela. Que surtout, rien n'échappe à mes yeux, sinon je crève. Je rêve, de mordre l'âme des choses, pour en faire des mondes. C’est une drogue coûteuse ; en amour, en sang, en passion. Et vous? avez-vous des dépendances ?
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