Extrait du site https://www.france-jeunes.net

La dépendance affective, ou ne pas savoir dire "non"


De nos jours, un problème frappe plusieurs adolescentes : la dépendance affective. Résultat de ma recherche scolaire sur le sujet, afin de les aider à prendre conscience que leur comportement est problématique et qu'elles doivent aller chercher de l'aide.



Dès la naissance, les êtres humains créent des liens affectifs avec leur entourage. À l’adolescence, les liens amoureux entrent en scène et c’est à ce moment qu’une problématique peut frapper. Cette recherche portera donc sur cette problématique, soit la dépendance affective. Il convient d’abord de préciser la population visée et ce qu’est la dépendance affective en détail. Cette maladie peut frapper les femmes comme les hommes, mais touche plus souvent les femmes. Catherine Giguère croit que « Les femmes sont plus sujettes à cette condition à cause de leur éducation. En effet, on nous apprend très jeunes à nous oublier pour voir au bonheur des autres, à plaire. ». Dans le même article, elle indique que l’absence du père sur le plan émotif, pour les femmes, et une mère surprotectrice qui fait tout pour son fils, pour les hommes, représentent des éléments déclencheurs. Daniel Piétro identifie quant à lui deux formes de dépendance affective. L’une d’elle est l’idée qu’on est responsable du bonheur de l’autre. L’autre, objet de cette recherche, est l’idée que l’autre est responsable de notre bonheur. Les dépendants affectifs, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne sont pas seulement dépendants de leur conjoint. Il existe plusieurs types de dépendance affective. Certains sujets seront donc dépendants face à leurs parents, leur patron, leurs amis, etc.

En somme, cette recherche parlera de la dépendance affective chez les femmes Québécoises, face au conjoint, et du type où le conjoint est responsable de leur bonheur. Je commencerai par dresser un portrait des dépendantes affectives, c’est-à-dire ce qu’est cette maladie, ses causes, et ses « symptômes ». En second lieu, je présenterai les différentes structures médiatrices disponibles. Je poursuivrai ensuite avec les types d’intervention ainsi que les mesures de prévention primaires et secondaires. Finalement, je ferai l'analyse de la problématique de la dépendance affective selon un des modèles de la psychologie communautaire, soit le modèle de Pranski.


La source du problème

La source du problème résiderait dans l’enfance des sujets. En effet, le DSM-III indique que le « trouble : évitement de l’enfance » serait un facteur prédisposant à la dépendance affective. Un autre facteur pourrait être un problème non résolu lors de la crise du complexe d’Oedipe. Anne Luria , quant à elle, place l’autonomie au centre du développement de la dépendance chez les individus. Dans un article, elle mentionne que « L’être humain naît dépendant et, petit à petit, […] construit son autonomie. Mais ce processus peut être entravé par divers facteurs émotionnels et éducatifs. » et place la mère comme acteur principal de la création de l’autonomie chez l’enfant en affirmant que « Pour être suffisamment bonne, la mère doit savoir doser présence et absence. Absente, car trop occupée ou dépressive, elle induit précocement chez son petit une peur du manque qui l’incitera à devenir dépendant de toute personne qui « a » ou est supposée posséder ce qui pourrait le satisfaire. Trop présente, elle envahit son espace psychique et l’empêche de se construire des désirs à lui. ». Quand à Daniel Piétro, psychothérapeute spécialisé dans le domaine, la source serait au sein de la famille dysfonctionnelle. Selon lui, élever un enfant est le porter vers une connaissance de lui-même, une confiance en lui et une estime de lui. Dans le cas des familles dysfonctionnelles, l’enfant ne reçoit que des messages négatifs de façon verbale comme non-verbale et « Mal aimé, non valorisé, non accepté à force de se faire dire qu’il est incapable de faire quelque chose de bien, l’enfant finit par le croire et il agit en conséquence. Il développe une dépendance affective. ».


Est-ce de l'amour ou de la dépendance affective?

Il peut parfois être difficile pour ceux qui ne connaissent pas cette problématique de bien faire la différence entre les deux. Par exemple, une amie qui décline une invitation de la part de ses amies pour passer la soirée avec son amoureux pourrait être taxée de dépendance affective sans que ce soit forcément le cas. Annick Bourget établit cette différence : « En fait, un seul élément distingue l’amour de la dépendance : la souffrance. Et cette souffrance s’insinue dès qu’on commence à tout accepter et à « s’oublier » dans la relation au profit de l’autre. » . Son avis est rejoint par ceux de Pascale Senk et de Marie-Chantal Deetjens. La première affirme que « N’est pathologique ou abusif que le fait de retourner, malgré soi, à ce qui détruit. » , tandis que la seconde parle d’une « tolérance à l’intolérable » . Anne Luria cite J.Viorst qui établissait que « Un adulte sain peut quitter et être quitté. » . Pour Piétro, il s’agit du fait d’être « incapabl[e] de vivre, de fonctionner sans l’autre » , comme par exemple continuer d’aimer une personne qui ne nous aime plus. De plus, Robin Norwood établit un parallèle intéressant entre la compulsion amoureuse et la compulsion alimentaire en mentionnant que d’après ses analyses, on peut conclure que « Les dépendants affectifs aiment comme les boulimiques mangent. Avec voracité. ».


Les caractéristiques de la dépendante affective, les "symptômes"

Une fiche d’information intitulée « Trouble de la personnalité dépendante » , tirée de Dicopsy, mentionne qu’une dépendante affective est caractérisée par un comportement soumis doublé d’une peur de la séparation. On doit aussi retrouver cinq symptômes ou plus parmi les huit mentionnés. Les plus facilement repérables sont la difficulté de manifester son désaccord par crainte de perdre l’être aimé (soumission) et la recherche effrénée d’une nouvelle relation lors d’une rupture. On retrouve la même définition, en d’autres mots, dans le dictionnaire des drogues et des dépendances, qui ajoute que « Ce type de personnalité caractérise un individu présentant un besoin continu et excessif d’être pris en charge. » .

Une autre explication possible serait une interversion des besoins les plus importants au niveau de la pyramide de Maslow. Les dépendantes affectives placeraient le deuxième étage, soit celui de l’amour et de l’appartenance, à la base et chercheraient à combler ces besoins avant même les besoins essentiels comme manger et se loger. Cette théorie expliquerait pourquoi nombre de dépendantes affectives finissent par vivre des problèmes au niveau de l’alimentation.

Plus tôt dans cette analyse, je mentionnais qu’il existe deux types de dépendance affective. Cependant, les deux ont une base commune : « Le bien-être existentiel de la dépendante tient uniquement à la présence de l’autre. Le but de la relation pour la dépendante affective consiste à ce que l’autre vienne combler le vide créé au cours de l’enfance. » . Car « N’ayant pas connu l’amour véritable dans l’enfance, [la] jeune adulte le recherche dans ses relations avec les autres. Lorsqu’[elle] établit un contact qui pourrait être sérieux, [elle] s’accroche comme un morceau de velcro. » . Elle « s’accroche désespérément à de futiles indices de tendresse et réussit à se convaincre que les choses rentreront dans l’ordre. ».

La dépendante affective a « deux caractéristiques fondamentales […] : la peur viscérale de l’abandon et l’absence d’amour-propre. » . C’est sans doute pour cette raison que « Un[e] adulte dépendant[e] adoptera typiquement un rôle passif et laissera son conjoint décider […] » de tout, comme par exemple des amis qu’elle a le droit de fréquenter. ».

Des indices permettent de se rendre compte qu’une femme a un problème de dépendance affective : le phénomène d’isolement, soit quand elle ne fait plus rien afin d’être toujours disponible pour son conjoint, le dévouement acharné, qui consiste à tout abandonner (projets, amis, famille) pour l’autre, le besoin de contact constant avec l’être aimé et finalement la perte d’intérêt pour sa propre vie menant à vivre celle du conjoint par intérim .

Il va de soi que les dépendantes affectives refusent de reconnaître qu’elles ont ce problème, car cela équivaudrait à abandonner leur faux sentiment de sécurité et risquer de perdre leur conjoint, ce dont elles sont incapables car elles sont convaincues de ne rien être sans lui. Elles se racontent donc des histoires pour ne pas regarder la réalité en face. Pascale Senk précise que ce déni n’est pas un mensonge volontaire, mais bien un mécanisme de défense . Elle ajoute qu’il existe trois formes de déni, soit la rationalisation, la projection et la dispersion dans de nombreuses activités pour multiplier les sources d’inconfort . Selon elle, « Les dépendant[e]s ont tendance à inverser les causes et les effets. ».

Il existe trois formes de déni, tout comme il existe aussi trois types de dépendantes affectives : les passives pures, qui se retrouvent souvent avec un conjoint possessif et/ou manipulateur, les « toxicos de la passion », qui sont accros aux sensations fortes du coup de foudre, et les angoissées, dont l’immense demande d’affection repousse et fait fuir les hommes . Toutefois, peu importe le type de dépendance affective, on dénote quatre caractéristiques communes comme le démontre le DSM-III : un manque systématique de confiance en soi, une crainte du risque d’être abandonnée, l’anxiété et même la dépression majeure, considérée comme une complication habituelle.

Une autre complication guette aussi les dépendantes affectives comme l’indique Daniel Piétro : « [Elles] peuvent en venir à combler leur dépendance par une autre, comme la toxicomanie, l’alcoolisme ou même le sport ou le magasinage à outrance. » . C’est une des raisons pour lesquelles ce type de dépendance est difficile à traiter.


Les cibles d'intervention et de changement chez les dépendantes affectives

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les dépendantes affectives n’ont pas des dizaines de besoins auxquels il faut répondre. C’est seulement que ces besoins sont extrêmement difficiles, voire impossibles à combler car ce sont des besoins viscéraux qui ont été négligés trop longtemps. Les dépendantes affectives des besoins de reconnaissance/de considération, de sécurité et protection, et d’être aimées si profonds et si forts qu’ils annihilent les autres besoins ressentis par toute personne qui ne souffre pas de cette problématique.

Pour pouvoir vaincre la dépendance affective, il faut amener les femmes victimes de dépendance à se recentrer sur elles-mêmes et à renouer avec les autres besoins refoulés. Ceux-ci sont le besoin d’accès au « je » (qui est primordial pour continuer la voie de la guérison), d’estime de soi, d’être soi-même, d’affirmation, d’autonomie, de faire face à ses émotions et finalement d’apprivoiser la solitude.

Ce dernier besoin est particulièrement important au niveau des femmes ayant un conjoint abusif, car lorsqu’elles essaient de s’éloigner de la relation, le conjoint ne leur laisse pas la liberté de prendre du recul et de réfléchir, ce qui fait que la femme retourne systématiquement auprès de lui.

Dans le cas de l’estime de soi et de la reconnaissance, il faut amener les dépendantes à réaliser qu’un conjoint n’est pas la seule réponse possible à ces besoins. Il en va de même pour le besoin de protection et de sécurité. Il faut les amener à comprendre que la vie est parsemée d’incertitudes et qu’il vaut mieux les accepter que de demeurer dans une relation insatisfaisante.


Moyens de production de changement et structures médiatrices

La toute première structure médiatrice est le soutien par les pairs. En effet, une femme souffrant de dépendance affective et qui est « seule », c’est-à-dire sans amis et famille, risque de ne jamais prendre conscience que son comportement est néfaste pour elle-même. Le conjoint sera de plus son seul contact humain et donc son seul « juge », c’est donc à travers lui qu’elle se fera une image d’elle-même. Tandis que si une dépendante affective est bien entourée, ses proches pourront lui ouvrir les yeux sur le fait que son comportement est inapproprié en lui renvoyant une image d’elle-même différente de celle qu’elle a au contact de son conjoint.

Par exemple, il n’est pas rare de voir une dépendante affective aux prises avec un conjoint abusif, qui ne lui enverra que des messages négatifs. Si elle est seule, elle croira effectivement qu’elle ne vaut rien, qu’elle est chanceuse qu’il l’aime et que personne d’autre ne pourrait s’intéresser à elle. Mais si cette même femme est entourée d’un bon réseau social, elle aura un autre « son de cloches » ce qui éveillera sa réflexion et la mènera possiblement à une prise de conscience de sa situation de dépendante affective.

Attention! Il ne faudrait pas croire qu’un bon réseau social permet de se sortir de cet état de dépendance. Il arrive malheureusement que certaines femmes fassent fi des commentaires qu’elles reçoivent et ne renoncent pas à leur relation, croyant avoir ainsi une stabilité et une sécurité qu’elles pensent ne pas pouvoir retrouver ailleurs.

Deux autres moyens de production de changement sont les lignes d’écoute et les groupes de soutien, qui offrent aux dépendantes affectives la possibilité de parler de ce qu’elles vivent, de ce qu’elles éprouvent. Ce sont à la fois des moyens de production de changement et une forme d’intervention mais beaucoup moins poussée que dans le cas d’une thérapie ou de l’aide professionnelle, que nous verront plus loin et qui sont tout de même en quelque sorte des moyens des structures médiatrices car sans elles, les dépendantes affectives ne pourraient jamais « guérir ».

Si l’on en croit les dires de Marie Borrel, « La dynamique de groupe, le regard des autres, l’identification à l’autre, la confrontation de chaque participant à cette difficulté émotionnelle provoque des déclics, de nouvelles prises de conscience. ». C’est là que les groupes de soutien s’avèrent non seulement bénéfiques mais également nécessaire, afin de pousser les dépendantes affectives à choisir de se sortir des cercles vicieux de la dépendance et d’aller chercher de l’aide professionnelle.


Les mesures préventives

Tout d’abord, il convient ici de spécifier qu’une des raisons pour lesquelles la dépendance affective est si méconnue ici au Québec est que les différentes mesures de prévention et d’intervention sur cette problématique sont situées majoritairement aux États-Unis et en Europe.

Il existe deux niveaux de prévention, soit le niveau primaire, qui est la prévention visant l’ensemble de la population, et le niveau secondaire, s’adressant spécifiquement aux dépendantes affectives.

Au niveau primaire, on retrouve principalement des conférences. Il y a aussi plusieurs tests rédigés par des professionnels pour vérifier si on est victime de dépendance affective ou non. Ainsi que de nombreux livres et articles sur le sujet. Le Ministère de la Santé et des Services Sociaux a même mis sur pied une activité pour les jeunes comprenant un questionnaire.

Mais la toute première prévention, bien des années avant l’apparition de cette problématique à l’adolescence, et qu’il ne faudrait surtout pas oublier, est que les parents donnent les soins appropriés à leurs enfants et que si ces soins ne sont pas fournis, que la Direction de la Protection de la Jeunesse soit alertée.

Au niveau de la prévention secondaire, il existe des lignes d’écoute ainsi que des groupes de soutien et de discussion. Les dépendantes affectives peuvent également participer à des activités sociales organisées pour les personnes vivant avec la dépendance affective.


Les types d'intervention

Que les dépendantes affectives cherchent une aide individuelle ou une aide communautaire, les deux branches de l’aide professionnelle (le seul moyen d’intervention), elles vivent toutes le même cheminement.

La toute première étape est de reconnaître qu’elles ont un problème. Les spécialistes s’entendent tous là-dessus. Piétro affirme que « C’est d’ailleurs la phase la plus difficile à vivre dans toute démarche de croissance personnelle : admettre que le problème ne provient pas de sources extérieures mais de nous. » . Marie Borrel corrobore cela et ajoute que « Généralement, cette constatation émerge lorsque, dans la balance de l’économie psychique, les conséquences négatives du comportement addictif pèsent plus lourd que les bénéfices que l’on en tire. ». Chez les dépendantes affectives, il arrive souvent que la prise de conscience ait lieu au moment où le sujet pense à se suicider, ou va jusqu’à faire une tentative.

Pascale Senk, quant à elle, cite les propos de Martine Spiesser, qui conclut que « La dépendance sert […] à masquer un trop plein émotionnel […]. Se rétablir d’une dépendance revient souvent à identifier, à accueillir ces émotions et à pouvoir les exprimer à d’autres. ».

Ce qui amène les sujets à entreprendre une thérapie, c’est d’abord et avant tout le désir d’exister en tant qu’être humain à part entière, de vivre sa propre vie.

Malheureusement, il arrive que des femmes mettent rapidement fin à la thérapie, qu’elles considèrent comme une menace, étant donné qu’il faut faire un long et dur cheminement personnel et faire face à la séparation dans le cas d’une relation malsaine. Il arrive aussi fréquemment chez les couples où l’homme a le contrôle que ce dernier mette lui-même un terme à la thérapie en exerçant une pression sur la dépendante affective, lui affirmant qu’elle n’en a pas besoin, cela dans le but de continuer à exercer un contrôle sur elle.

Pour celles qui poursuivent dans la voie de l’aide professionnelle, il existe deux branches, soit l’intervention individuelle et l’intervention communautaire. Il existe peu d’aide au niveau communautaire. On retrouve la thérapie de groupe, la thérapie systémique, ainsi qu’un « programme en 12 étapes ». Ce programme fait partie de la branche communautaire en raison du fait qu’il « s’inspir[e] directement du programme des Alcooliques Anonymes ». Ce programme est « Une technique empirique de guérison destinée à traiter un comportement de dépendance selon une succession de « Douze Étapes » codifiées. ».

Au niveau de l’intervention individuelle, il y a d’abord la possibilité d’être suivie par un psychanalyste ou encore un psychothérapeute spécialisé en dépendance affective. Marie-Chantal Deetjens propose également dans son livre une liste de « 60 pas vers la recouvrance ».

Le moyen d’intervention dont on parle le plus est la thérapie cognitivo-comportementale, majoritaire aux États-Unis . Marie Borrel cite le psychiatre Jean Cottraux qui indique que cette thérapie compte trois niveaux : comportemental, cognitif et émotionnel . Elle ajoute que la fausse perception que les dépendantes affectives ont d’elles-mêmes sont des « croyances souvent liées à une carence affective qui a lentement miné […] » leur estime personnelle. Une des branches de la thérapie cognitivo-comportementale est donc d’ « identifier ces croyances, puis […] les transformer. ».


En conclusion de cette partie...

En définitive, il est important de se souvenir que le soutien social est à la base de la prise de conscience des dépendantes affectives de leur problème et que le conjoint n’est pas la seule solution pour confirmer l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. Le pouvoir d’agir est également un élément clé car les dépendantes affectives peuvent agir, mais doivent vraiment vouloir le faire et prendre les moyens pour y arriver et mener une vie sans chaînes. On ne peut pas les forcer à changer, mais on peut leur donner les moyens de le faire et c’est ce qui commence à se développer depuis les quelques dernières années.

Passons maintenant à l'analyse de la dépendance affective selon le modèle de Pranski...

***NB : Dans le texte original de ma recherche, on retrouvait toutes les références nécessaires en notes de bas de page, ce qu'il m'est impossible de faire sur ce site.***


Pranski : introduction

Comme nous l’avons vu dans la première partie de la recherche, celle-ci traitait de la problématique de la dépendance affective, chez les femmes adultes du Québec qui croient que leur conjoint est responsable de leur bonheur. Nous analyserons maintenant les différents facteurs de risque et de robustesse à l’aide du modèle de Pranski. Ce modèle comprend neuf composantes. Il y a d’abord les attentes culturelles, le manque de possibilités, le stress, les facteurs organiques et le dysfonctionnement familial qui constituent les facteurs de risque. La perception de soi, les compétences, l’information et le soutien social constituent, quant à eux, les facteurs de robustesse.

NB : Grosso modo, les facteurs de risques représentent ce qui peut entraîner la problématique et les facteurs de robustesse représentent ce qui peut empêcher la problématique.


Les facteurs de risque

LES ATTENTES CULTURELLES

Dans notre société, bien que l’émancipation des femmes ait eu lieu, les idées d’avant sur le rôle de la femme sont parfois bien tenaces. On apprend aux jeunes filles comment plaire aux hommes et s’oublier pour le bonheur des autres. Dans ces stéréotypes, l’homme a le rôle du pourvoyeur, censé subvenir aux besoins de la famille, tandis que le rôle de la femme est de s’effacer et de prendre soin de son conjoint. Il va donc de soi chez les dépendantes affectives que leur conjoint leur apportera la sécurité recherchée et qu’en contrepartie, pour ne pas perdre cette sécurité, elles obéiront aux exigences de leur conjoint, n’ayant pas de désirs propres.


LE MANQUE DE POSSIBILITÉS

En réalité, les dépendantes affectives ont plusieurs possibilités. Cependant, en raison de leur problème émotionnel, elles ne parviennent pas à voir les choix qui s’offrent à elles. Elles sont convaincues de ne pas avoir le choix, que leur relation est la seule alternative possible. Cela est d’autant plus vrai quand une dépendante affective n’a pas de réseau social ou pas d’argent, et que le conjoint devient alors à la fois le père, l’ami et le mari ainsi que le pourvoyeur de la maison. N’ayant aucune ressource lui étant propre, la femme dépendra entièrement de son conjoint et ne verra pas d’autre solution que de rester avec lui malgré tout ce qu’elle pourra supporter au nom de cette relation.


LE STRESS

Le stress en tant que tel n’est pas un des facteurs de risque de la dépendance affective. Il serait plus juste de parler d’inquiétude, voire de peur. Les dépendantes affectives ont énormément peur de la solitude, car celle-ci implique l’inconnu, ce que les femmes victimes de cette problématique cherchent désespérément à fuir. Vivant constamment dans la peur de l’inconnu, synonyme pour elles d’inconfort et de risques entraînant selon elles plus de négatif que de positif, elles s’accrochent à leur conjoint pour ne pas perdre la « sécurité » que la relation procure. Des événements stressants peuvent aussi nuire, comme une absence permanente du père, une maladie parentale ou encore une accumulation d’événements stressants.


LES FACTEURS ORGANIQUES

La présence de psychopathologies chez les parents est indéniablement un des facteurs prédisposant à la dépendance affective. En effet, si un parent souffre de dépendance, il risque d’inculquer à sa fille des attitudes de dépendance. Cette influence néfaste sera d’autant plus forte si le parent dépendant est la mère, puisque les jeunes filles s’identifient à leur mère suite au complexe d’Œdipe.

Le rang de naissance peut également jouer un rôle, puisque les parents ne s’occupent pas de leurs enfants de la même manière selon leur ordre de naissance. Une femme première-née de sa famille développera moins de chances de sombrer dans la dépendance affective puisque ses parents lui donneront plusieurs responsabilités et une plus grande autonomie, tandis que la benjamine aura plus de chances étant surprotégée.

Les maladies infantiles peuvent aussi jouer un rôle, mais mineur. Une femme à la santé fragile aura déjà pris l’habitude de se faire protéger, et risque de rechercher le sentiment de protection auprès de son conjoint.

Il y aurait également une source dans le Trouble : Évitement de l’enfance.


LE DYSFONCTIONNEMENT FAMILIAL

Le dysfonctionnement familial est l’ensemble des caractéristiques présentes au sein d’une famille où couvent plusieurs problèmes de quelque sorte qu’ils soient.

On note d’abord l’absence du père, surtout au niveau émotionnel. La jeune fille, ainsi privée de l’amour de son père, le recherchera dans ses relations futures avec les hommes.

Si la mère souffre de dépendance affective, la jeune fille verra sa mère se soumettre à l’autorité masculine et croira que ce comportement est normal et acceptable.

Si les parents ne s’occupent pas convenablement d’elle, la petite fille développera une peur du manque qui évoluera en dépendance affective à l’adolescence, tout comme si ses parents l’étouffent et l’empêchent de développer son autonomie, ce qui mènera aussi à la dépendance en raison qu’elle ne possèdera pas de désirs propres et vivre la vie de son conjoint par intérim.

Un autre facteur est l’envoi continuels de messages négatifs – verbaux ou non verbaux – dans l’enfance, ce qui amènera la petite fille à croire les commentaires reçus et agir en conséquence.


Les facteurs de robustesse

LA PERCEPTION DE SOI

Comme il l’est mentionné dans le DSM-III, les dépendantes affectives souffrent d’un manque systématique de confiance en soi . Il est donc très important que les dépendantes affectives améliorent leur perception d’elles-mêmes, déterminée par les messages négatifs véhiculés par leur entourage. Éliminer les fausses perception est une des clés du chemin vers la guérison.

Cependant, pour se connaître elles-mêmes, les dépendantes affectives doivent pratiquement partir de zéro. Elles ont besoin d’accéder à leur « je », soit être elles-mêmes, être autonomes, faire face à leurs émotions, apprivoiser la solitude et développer leur estime d’elles-mêmes. Dès qu’elles se connaissent et s’estiment, elles sont en mesure de commencer le cheminement vers la guérison.

Une personne qui débute dans la vie en ayant déjà une bonne connaissance d’elle-même et qui n’a pas besoin des autres pour se valoriser risque beaucoup moins de souffrir de dépendance affective car elle sera capable de combler ses besoins personnels toute seule.


COMPÉTENCES

Les dépendantes doivent apprendre à se recentrer sur elles-mêmes, reconnaître et accepter leurs besoins depuis trop longtemps refoulés. Elles doivent comprendre que leurs besoins de reconnaissance et d’estime de soi ne sont pas uniquement comblés par le conjoint, et que leur besoin de protection doit céder le pas à l’acceptation des incertitudes de la vie et qu’il est mieux d’être seul que de demeurer au sein d’une relation destructrice. Cela ne semble pas à première vue des « compétences », mais c’est bien le cas pour les personnes souffrant de dépendance affective car le chemin menant vers cette acceptation est très difficile et parsemé d’embûches.

Au niveau des personnes chez lesquelles cette problématique n’est pas encore apparue, si une femme a développé des compétences qui lui sont propres, elle sera capable de s’auto-réaliser et d’en tirer une estime personnelle.

Encore une fois, le thème de l’estime personnelle est présent car ce thème est un des plus importants pas vers la guérison chez les dépendantes affectives, et le plus important facteur de robustesse chez celles qui ne développeront pas cette forme de dépendance.


SOUTIEN SOCIAL

Si une femme est bien entourée, elle a beaucoup moins de chances de devenir dépendante affective, car le conjoint ne sera pas son seul « miroir ». Ses amis lui enverront une image d’elle différente de celle qu’elle peut avoir auprès de son conjoint. Si elle souffre de dépendance affective, et plus particulièrement si elle est de plus dans une relation avec un conjoint abusif, ses amis pourront lui démontrer que son comportement est inapproprié et lui cause plus de tort que de bien, et lui diront qu’elle est probablement dépendante affective. Il en va de même si la dépendante affective a une famille aimante auprès d’elle.

Les personnes aux prises avec la problématique et qui n’ont que leur conjoint pourront développer leur réseau social grâce à des activités sociales spécialement organisées pour elles, et recourir à l’aide professionnelle car les thérapeutes représentent également un soutien social non négligeable. Il existe aussi des groupes de soutien où elles pourront échanger sur leur situation entourées de personnes comprenant exactement ce qu’elles ressentent.


INFORMATION

L’information sur la dépendance affective est importante pour tous. Pour les femmes qui ne développeront pas la problématique, justement afin de les aider à identifier les pièges, pour les proches de personnes souffrant de dépendance affective, pour la population en général qui pourra aider des proches si un jour le besoin se fait sentir et, naturellement, pour les dépendantes affectives afin qu’elles soient en mesure de constater que leur problème doit être réglé.

Il existe plusieurs formes de ressources informationnelles. On note les lignes d’écoute, les groupes de soutien, des conférences, des questionnaires, des livres, des articles et même une activité créée pour les jeunes. Il existe également un « programme en 12 étapes », qu’il peut être très utile de connaître si on souffre de dépendance affective.


Pranski : conclusion

En récapitulant, nous avons vu dans cette dernière partie de la recherche que selon le modèle de Pranski, il y a plus de facteurs de risque que de facteurs de robustesse. Cela concorde parfaitement avec la problématique de la dépendance affective, un fléau difficile à enrayer car il repose dans les idéologies profondément enracinées depuis l’enfance chez les personnes qui en souffrent.

L’estime de soi est le facteur le plus important et le plus déterminant afin de savoir si une personne développera ou non la problématique, et si une dépendante affective pourra s’en sortir.

Il est donc bien important d’être là pour une personne dépendante, et de ne surtout pas la diminuer mais l’aider à prendre conscience de ce qu’elle est, de sa vraie valeur personnelle. Ainsi, nous pourrons possiblement contribuer à la sauver d’elle-même et des fausses croyances qui la rendent esclave d’un conjoint.


Finalement...

J'espère que cette recherche permettra d'aider des filles vivant ce problème qu'est la dépendance affective. Si vous voulez faire lire cet article à des personnes que ça pourrait aider, ne vous gênez pas. Aussi, si vous voulez un résumé de ma recherche en présentation PowerPoint, communiquez avec moi par courriel (et non dans la messagerie du site car je ne consulte jamais mes messages!) et il me fera plaisir de vous envoyer le fichier.
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